Duc de Raguse a écrit:
Sur le fond Léonard de ce que tu avances, je ne suis pas d'accord.
OK, parlons de quelque chose que je suis de près depuis quelques mois. Tu dira que je ne suis pas le seul, mais je note pas mal de parti-pris. Donc, je vais parler de la gestion de la crise du Covid. Oui, je ne suis pas l'Académie Française et je parle
du Covid et pas
de la Covid. Ce qui est un exemple de plus de la tâtillonerie administrative des français !
Bref, 90% des français sont d'accords, les erreurs de gestions ont été nombreuses, pour certains, le gouvernement à tous les torts. Pour les rares qui font l'effort de regarder réellement ce qui se passe au-delà de nos frontières, nous ne sommes pas si mauvais que cela. Surtout si on se compare au pays dont tout le monde prétendait qu'il avait un des systèmes de santé les plus performants au monde : les USA. Mais, il faut accepter que nous ne fassions pas la course en tête. D'ailleurs, à y regarder de près, je crois que personne ne fais la course en tête. Il y a des pays qui ont eu la chance et d'autres qui n'en ont pas eu.
En fait, pour analyser la situation, il faut garder un élément en tête, la propagation de cette épidémie correspond à celle de la grippe espagnole de 1917-1921 et c'est une propagation que les épidémiologistes qualifient de chaotique, au sens scientifique du terme, pas au sens commun. Voici des définitions pour ceux qui seraient plutôt des littéraires et qui ne comprendraient pas la différence entre ces 2 acceptations du mot chaos :
Wikipedia : théorie du chaos. et
Vidal : COVID-19 : La seule chose qui compte, c'est l'endroit où s'qu'elle tombe, ou comment éviter une éventuelle deuxième vagueJ'ai déjà disséqué dans une autre discussion le cas très spécifique du foyer mulhousien. A la suite de cela, les allemands et les suisses ont simplement eu de la chance que, chez eux, le virus n'a pas trouvé massivement sa cible. De plus, on s'est rendu compte que les chiffres allemands de nombre de lits qui avaient été annoncés dans la presse ne correspondent pas à la même réalité qu'en France. Ils ont été fortement surévalués, même si une fois ajustés ils sont encore supérieurs aux chiffres français.
C'est remarques préliminaires faites, attachons le cœur du sujet et cela est assez explicite quand on lit ce qui a fuit du rapport de retour d'expérience des pompiers. Ce rapport décrit un système éclaté avec des pôles de compétences qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble, ce qui a conduit à ce que certains restent sagement à attendre, tandis que d'autres étaient débordés. On a parlé de guerre, là il faudrait imaginer une bataille où un général venant des chars feraient opérer seulement des unités blindées, tandis que l'artillerie, les fantassins, le génie resterait aux abords du champ de bataille en attendant qu'on se rappelle qu'ils sont là prêts à participer.
Le problème pointé par les pompiers est qu'il n'y avait pas de vrai gestionnaire de crise au niveau local. En fait, quand il y a une crise dans un département ou une région, le "chef", le "décideur", c'est le préfet... Sauf dans certains cas, comme s'il y a déclaration de l'état d'urgence sanitaire, où les ARS prennent la première place. Soyons honnêtes, dans certains cas, on a vu des préfets qui ont tenu le rôle de manière magistrale, et dans d'autres, certains ont montré qu'ils ne savaient pas gérer des crises, laissant certains de leurs directeurs de cabinet prendre le pas sur eux. En fait, l'un des problèmes est qu'on ne les choisi pas en fonction de leurs capacités à diriger une crise. Dans le cas du Covid, l'ARS a noté à juste titre qu'au début de l'épidémie quand eux demandaient qu'on prenne des mesures fortes, les préfets concernés qui ne regardaient que le nombre de lits en réanimation occupés et le nombre de morts n'avaient pas pris la mesure de la vague qui allait déferler et qui elle dépendait du nombre de cas-contacts. Brefs, les préfets réfléchissaient avec environ 15 jours de retard par rapport au déroulement de l'épidémie.
Quand le gouvernement déclare l'état d'urgence, là, ce sont les directeurs des ARS qui deviennent les décisionnaires. Et là, tout change, mais pas en bien ... Voilà tout à coup une armée de gestionnaire qui débarque, ils ont le droit de dépenser l'argent nécessaire. Ils le feront, mais pas toujours à bon escient car ils ont eux-aussi pas mal de partis-pris dans le "comment" gérer la crise. Mais, ils se révèlent surtout des gestionnaires, et des gestionnaires qui ne connaissent que leurs troupes, celles qu'ils gèrent au quotidien.
En fait, la politique de la santé en France à créer des bastions. Ils y a le bastion des CHU, ils sont en contact avec les ARS, dont ils partagent des personnels gestionnaires aux carrières entremêlées. Ils démontreront qu'ils ont pas mal de partis-pris, d'où l'affaire des masques dont ils pensent qu'ils ne sont pas utiles dans ce type d'épidémie, alors qu'on est en train de démontrer que le Sars-Cov-2 est véhiculé par des aérosols dans l'air, mais peut-être même par voie aérienne, tout court. On trouve encore des interventions de "grands pontes" qui déclarent que les masques sont inutiles et qu'ils servent juste à rassurer les gens. Voire même qu'ils pourraient être plus dangereux. Mais, ce monde des CHU et l'ARS ne s'aiment pas parce que les seconds ne cessent de réduire les budgets des premiers au nom de la rigueur budgétaire.
Ensuite, il y a les cliniques privées, qui ont réussies a accaparer les opérations les plus rentables, mais auxquelles les ARS demandent de suspendre tout cela et de se préparer pour la suite ... Suite qui ne viendra pas, car même dans les régions les plus impactées, les ARS préfèreront envoyés des malades dans des CHUs de régions moins impactées, plutôt que de leurs faire traverser la rue pour aller dans la clinique voisine où le personnel passe son temps à se tourner les pouces. Il y a, ensuite, la médecine de ville. Elle est sensée être la ligne de première défense, mais en même temps on incite les gens à téléphoner aux numéros d'urgences dédiés, et de nombreux médecins regarderont tristement leurs salles d'attentes vides, alors qu'ils auraient pu être utiles pour les premiers diagnostics et les premiers tris.
Puis, il y a tous les auxiliaires de santé. Les pompiers qui constatent que les centre 15 sont débordés, alors qu'ils ont du personnel qui pourrait les assister. Les ambulanciers sur-sollicités, alors qu'ils n'ont pas les EPIs nécessaires. Les infirmières qu'on envoie suivre des malades avec une paire de gants par jour et pas de sur-blouses...
Alors, madame Bachelot a raison, ce n'était pas à l’État de fournir des masques, des équipements de protection. Chaque cabinet médical, chaque clinique aurait dû avoir des stocks prêts en cas d'épidémie. Pour réaliser des économies, la plupart ont préférés ne pas faire de dépenses considérées comme inutiles... Le rôle de l’état, et donc des ARS était de s'assurer, en amont, que ces stockes existent et soient opérationnels. Mais, on a préféré laisser-faire pour ne pas semer d'émois inutiles auprès de groupes qui savent utiliser leur poids électoral, de nombreux députés et sénateurs sont aussi médecins ou pharmaciens.
Pendant la crise, les membres de l'ARS, en bon gestionnaires ont tenus des comptabilités précises. Là, où il aurait fallu des gens qui dirigent des opérations et qui gèrent la ou les crises. Le problème est que durant "une guerre", il est très difficile de réformer une armée surtout lorsqu'elle est déjà sur le champ de bataille. Bref, les pompiers ont raison sur le point principal : en France nous n'avons pas de service spécialisé pour gérer des crises de grande ampleur. Nous ne sommes pas les seuls dans ce cas, d'autres le découvrent ou vont le découvrir.