Il est important en effet, comme vous le faites, de distinguer les motivations internes des motivations externes, celles qui sont les vraies raisons des politiques menées par les Etats et celles qui sont destinées à amuser la galerie et relèvent de la propagande. Cela dit, certains des arguments que vous avancez ne me semblent pas vraiment convaincants.
Citation:
1- Sadam Hussein vieillissant s'était transformé en acteur régional anti-occidental virulent, anti-Israêl et pro-islam, il versait des primes aux familles palestiniennes des terroristes tués et faisait des déclarations à caractère religieux nouvelles pour lui et de ce fait inquiétantes. Or cet homme ne pratiquait pas la demi-mesure. Il avait une revanche à prendre et n'était donc pas calmé après le Koveit.
Oui, Saddam Hussein s'était mis sur le tard à donner des signes extérieurs de ferveur religieuse, pour contrer ses islamistes. Et certes, il était anti-israël, comme la quasi-totalité des dirigeants du MO et du Maghreb le sont, ne serait-ce que pour complaire à leurs opinions publiques. Et il était anti-américain, ce qui n'est pas rare non plus au MO et est souvent lié à l'antisionisme. Des régimes dictatoriaux anti-israël et anti-américains menés par des leaders faisant des déclarations fracassantes, il y en avait d'autres à l'époque, et encore maintenant--Iran, Palestine, Lybie, Syrie, Corée, Amérique latine, ce n'était pas spécial à l'Irak. Ces opinions et prises de position ne constituent pas en soi un casus belli.
Quant à la revanche à prendre, c'est très probable, étant donné la défaite de l'Irak dans la guerre du Golfe, l'embargo prolongé et les contraintes, sanctions et vexations multiples imposées à Saddam par les pays occidentaux (élimination de toutes les armes de destruction massive, inspections de l'ONU , survols du territoire, etc.). Mais vouloir n'est pas pouvoir, et les destructions et les 135 000 victimes de la guerre du Golfe auxquels avaient succédé l'embargo avaient considérablement affaibli l'Irak tant du point de vue économique que militaire, ce qui fait qu'il ne représentait pas, comme on dit, ''a clear and present danger''.
Et donc tout cela ne constituait pas non plus des raisons imparables pour une guerre.
Que des régimes du MO aient demandé une intervention militaire US? C'était contraire à leurs intérêts et solidarités religieuses, et rien ne confirme cette hypothèse. En fait, certains d'entre eux ont fait tout le contraire: les Saoudiens, sunnites, ont mis en garde les US contre les risques que ferait courir à la stabilité régionale tout effondrement d'un régime fondé sur la suprématie sunnite dans un pays démographiquement dominé par les shiites--ipso facto plus ou moins pro-iraniens.
Idem pour l'Egypte, qui a soutenu Saddam dans sa guerre contre l'Iran et qui a incité plus tard les US, par la bouche de Boutros-Ghali, à éviter tout changement de régime en Irak, et a même appelé de ses voeux la coopération devant exister entre les deux pays.
Il est bien évident qu'un tel appel de la part de l'Iran, de la Syrie, ou encore d'un pays du Maghreb comme la Lybie--très amie de Saddam--est par définition impossible. En gros, après l'invasion du Koweit, ce n'était pas nécessairement l'amour fou entre Saddam et les pays sunnites du MO mais tous ces pays comprenaient bien que la destruction d'un régime sunnite dans un pays a majorité shiite risquait d'ouvrir un boulevard à l'Iran. Et c'est bien ce qui s'est passé.
Plus solide, l'argument de contrôler l'accès aux 3èmes réserves du monde en pétrole. Le problème est que la guerre d'Irak a eu le résultat inverse de celui recherché: la production pétrolière a considérablement baissé pendant les cinq dernières années suite à la guerre, et ce n'est que tout récemment que le niveau de production d'avant la guerre vient d'être à nouveau atteint. Ceci à tel point qu'un journaliste d'investigation bien connu aux US et travaillant pour la BBC, Greg Palast , a soutenu la thèse (dans son livre ''Armed Madhouse'') que le but de l'invasion était en fait de contrôler la production de pétrole irakienne, oui, mais pour la garder à un niveau suffisament bas tel qu'il permettrait par contre de maintenir les prix du pétrole à un niveau très élevé. Je lui laisse la responsabilité de cette hypothèse.
Donc, si je soutiens grosso modo votre thèse distinguant les motivations affichées et des raisons réelles, il y a certainement eu des pressions exercées sur le gouvernement US pour le déterminer à entrer en guerre contre l'Irak, mais elles sont assez différentes de celles que vous avancez; pour trouver leur origine, il faut plutôt se tourner vers Israël et les mouvements et personnalités pro-sionistes US, comme Paul Wolfowitz, Richard Perle, Donald Rumsfeld, Scooter Libby, Douglas Feith, William Luti, etc. toutes ces néoconservateurs que les medias ont baptisé ''les architectes de la guerre''.
Et bien entendu, les organisations de lobbying pro-israélien, style AIPAC et consorts.