Citation:
Oui mais, précisément, l'association des libertariens d'un côté, et de ceux que l'on peut qualifier d'ultraconservateurs de l'autre, devrait normalement choquer la conscience de tous ceux qui sont attachés à une cohérence intellectuelle minimale !
Ainsi Hayek, pape du néolibéralisme économique contemporain, n'a-t-il pas écrit dans son ouvrage référence, The Constitution of Liberty, un paragraphe dont le titre est on ne peut plus clair: "Pourquoi je ne suis pas un conservateur". Et il y est exprimé que le libéralisme - a fortiori donc le libertarianisme - s'oppose par essence et historiquement au mouvement conservateur. Quand je parlais d'alliance contre-nature, le Tea Party avec son cortège d'idéologies disparates et d'attelages improbables, en fait la parfaite démonstration.
Il n'y a rien de surprenant ni de nouveau là-dedans, en fait, il y a une constante historique à l'oeuvre ici: les droites traditionnelles ont fréquemment propulsé sur le devant de la scène les droites populaires, voire révolutionnaires quand elles estiment, généralement en période de crise, que la formule populiste passe mieux et sert mieux leurs intérêts. C'est ce qu'on fait les frères Koch, les multimilliardaires qui financent le TP.
D'autre part, il ne faut pas exagérer les différences doctrinales entre droites traditionnelles et droites populaires. Certes, il y en a mais ces différences renvoient assez largement au style de communication et au leadership. L'approche propagandiste des droites révolutionnaires est habituellement de magnifier ces différences, de les mettre en vitrine pour attirer les masses populaires, cf les nazis insistant sur le caractère anti-bourgeois, pro-peuple, anti-droite classique de leur mouvement. Seuls les naifs se laissent prendre à ce genre d'arguments: les objectifs majeurs des droites révolutionnaires coincident en gros, notamment du point de vue économique, avec ceux des conservateurs. Le marxisme est sans doute impuissant à rendre compte intégralement des phénomènes fascistes mais il y a tout de même un élément de réalité dans les analyses marxistes qui veulent que les droites classiques envoient en première ligne les droites populaires quand elles voient qu'elles n'arrivent plus à faire le travail elles mêmes.
Enfin, sur la base de ce que je viens de dire sur la mise en avant propagandiste de ces différences, je ne vois pas en quoi une certaine version du libéralisme s'oppose en soi au mouvement conservateur. A la rigueur le libéralisme classique, oui et encore (Tocqueville est un libéral classique et un conservateur), mais ce n'est plus une idéologie agissante dans les milieux politiques contemporains; par contre, le néo-libéralisme, certainement pas.
Je crois de plus que vous avez une idée fausse du libertarianisme US. C'est depuis longtemps une idéologie d'extrême droite (cf les idées très réac de son leader Ron Paul), en fait ce libértarianisme US , foncièrement ultralibéral, est sans doute le réservoir idéologique dans lequel ont puissé beaucoup de néolibéraux actuels, sans le dire; en tout cas, entre les deux, la différence est mince sur les questions économiques, et même culturelles.
Citation:
En fait, la réalité inavouable propre à expliquer ces phénomènes observés pas seulement d'ailleurs aux USA, ne serait-elle pas que le (néo)libéralisme, poussé dans ses retranchements, face à ses contradictions doctrinales et surtout ses effets induits dans le champ social et économique, ne pousse une majorité de WASP à se radicaliser par peur (pas nécessairement irrationnelle) du déclassement tant politique, démographique, que socio-économique qui les menace, eu égard notamment au flot ininterrompu de nouveaux entrants et à la gabegie actuelle occasionnée à la fois par la mondialisation et par une financiarisation toujours plus poussée de l'économie ?
Les droites populaires poussent comme du chiendent durant les périodes de crise économique, à laquelle s'ajoute ici une crise de l'immigration et une crise démographique. Bien sûr, les blancs de la classe moyenne ont peur d'être déclassés; en fait, ils le sont déjà, le problème est que le Tea Party, avec toute sa rhétorique populiste apparente, défend encore moins leurs intérêts que ne le faisaient les partis fascistes des années trente.