Tonr a écrit:
Vous êtes dans une logique du type marxiste
Certainement, mais pas celle sans doute que vous croyez. Je ne pense pas, par exemple, qu'il faille réduire ou plus exactement subordonner à la lutte des classes, indéniable réalité d'une brûlante actualité,
toute l'histoire de l'humanité (et son "sens" justement) dans une perspective dialectique consistant à rechercher l'affrontement sanglant entre les classes en question. Il y a évidemment des paramètres externes à cette doctrine qu'il convient de prendre en compte, tels que l'aspect socio-culturel et religieux, qui sont tout aussi fondamentaux pour qui souhaiterait comprendre réellement la roue effective de l'histoire. Ce qui, entendons-nous bien, ne disqualifie en rien l'idée que des classes existent objectivement, fussent-elles en perpétuelle fluctuation.
Lorsque vous dites qu'il ne faille pas nécessairement tirez la conclusion que des solutions existent aux problèmes auxquels nous sommes présentement confrontés, je m'inscris évidemment en faux. Preuve en est puisque vous dites vous-même que les remèdes en miroir des précédentes crises systémiques du capitalisme ont parfois été, sinon très souvent, imparfaites voire clairement destructrices. Ce qui veut dire qu'elles existaient tout de même.
Ce que je dis c'est que le fatalisme apparemment abscons mais en vérité subtil qu'on oppose généralement aux contradicteurs
des dérives dudit système, et qui tend à les justifier (c'est l'objet selon moi du discours néolibéral) comme à justifier la marche actuelle du monde, sert précisément les intérêts des partisans du statu quo qui s'en révèlent - ô miracle - les principaux bénéficiaires !
Il y a là, je le crois, matière à intellectualiser l'actuelle problématique. Ce que je veux dire autrement c'est qu'il n'y a pas à s'étonner que les mêmes activent des stratégies, des thématiques, des artifices rhétoriques, et des défausses idéologiques, afin de camoufler et travestir: et l'état réel du rapport de force mondialiste, et qui en sont nommément les vrais usufruitiers. C'est là ou l'analyse marxiste prend tout son sens et est infiniment utile à la compréhension des événements.
D'ailleurs posons-nous la question: pourquoi donc depuis la fin des expériences communistes l'idéologie dominante a tenté systématiquement de décrédibiliser cette notion ? Ce n'est pas tant pour la raison, même si cela a servi évidemment de prétexte, que l'échec de ces expériences signait nécessairement sa non-viabilité (ce qui serait nier la complexité des événements historiques et la nature des rapports de force idéologiques au sein du champ politique, comme une insulte à la raison: ce n'est pas parce que l'un "gagne" de façon circonscrite dans le temps et dans l'espace qu'il a obligatoirement raison et l'autre tord, ou totalement tord) ; c'est bien plus pour la raison que d'estomper les lignes de fractures et de démarcation entre classes sociales, de "décliver", et finalement remettre en cause implicitement le postulat selon lequel ces classes puissent tout simplement exister (il suffit d'écouter le discours des libéraux sur ce point, n'est-ce pas Jean-Marc
), permet par la suite, en atomisant l'individu et le réduisant à un vulgaire acteur du Marché, et en disqualifiant par la même toute idée de bien commun, de légitimer un renversement de paradigme philosophique et instituer de nouvelles normes morales.
Pour mettre en évidence ce qui vient d'être dit, il suffit de voir comment les détenteurs de capitaux poussent aujourd'hui à une baisse inconsidérée des impôts (puisque générateurs de très fortes inégalités, d'endettement des ménages notamment aux plus bas revenus, de baisse des prestations sociales et d'accentuation de la pauvreté. Ce qui est contradictoire avec la soutenance d'une consommation suffisante qui est à la base même de nos modèles de croissance, et donc annonciateur de collapsus systémique) et ce alors même que jamais dans l'histoire contemporaine les impôts qui les frappent n'ont été aussi faibles (bouclier fiscal à 50% des revenus en France) ; et de constater que leurs doléances étaient très loin d'être aussi déraisonnables il y a ne serait-ce que 25 ans quand le bouclier fiscal concernait alors 70 ou 80% de leurs revenus ! C'est donc bien à un changement de paradigme auquel nous avons assisté, permis justement par l'instauration d'un libre-échange dérégulé, en particulier sur les flux de capitaux, et qui sans lequel
rien n'aurait été rendu possible.
La question essentielle est la suivante: sauf à contester ce qui vient d'être dit (au besoin en argumentant par l'habituel ritournelle "complotiste"), qui peut croire que cet état de fait leur a bénéficié de manière totalement fortuite ou inopinée et n'est absolument pas le résultat de politique délibérée et concertée des "élites" au plus haut niveau des appareils d'Etat occidentaux ?