Comme le souligne Edwards, certaines promesses sont capitales aux yeux de l' électorat du président, d'autres de peu d'importance.
Certes, le mandat de BO n'est commencé que depuis quelques mois mais il y a une règle d'or en politique: profiter de l'état de grâce suivant une élection pour faire passer les mesures difficiles à faire passer, impopulaires, susceptibles de créer le plus de résistance dans l'opposition.
L'état de grâce est fini, et aucune des mesures importantes qui sont aussi les plus "dures à avaler" n'ont été concrétisées ou sérieusement avancées: en Irak, l'illusion d'une stabilisation suite au "surge" se dissipe, et les retraits progressent mais très lentement sur fond de reprise des attentats terroristes; en Afghanistan, les effectifs ont été augmentés (en comptant les mercenaires, il y a maintenant plus de troupes étrangères sur le territoire afghan qu'au temps de l'occupation soviétique) et les électeurs américains sont las de cette guerre.
Le plan de relance a créé une dette considérable mais pour le moment les effets ne sont pas au rendez-vous, les électeurs constatent que des banques qui ont bénéficié des subsides du gouvernement refont des profits considérables et distribuent à nouveau des bonus tandis que le chômage continue d'augmenter (presque 10% selon les derniers chiffres). Et Obama, contrairement à ses promesses, ne manifeste aucune intention d'éviter un retour aux excès récents: les projets de régulation financière sont tombés aux oubliettes.
Et surtout le plan de santé est très mal engagé.
Citation:
Peut-être a-t-il suscité des espoirs disproportionnés. Il est certain qu'une partie de son électorat l'a fantasmé comme un dieu. Mais concrètement, sur quels dossiers s'est-il déjà planté ou montré décevant ? (A part cette question du système médical, qui n'est d'ailleurs pas encore jouée.)
Oui, il est clair qu'il y a eu des espoirs démesurés placés sur lui, mais les électeurs progressistes estiment que l'affaire du plan de santé a été très mal gérée de A à Z: BO s'est contenté de fournir un "blueprint" plutôt vague, (a esquissé les très grandes lignes d'un projet) et a laissé les Dems du Congrès en décider les détails, ce qui n'était pas une approche sensée: trop de cuisiniers gâtent la sauce, et là on a abouti à une ratatouille innommable, une cacophonie de "special interests", de clauses bancales résultant de négociations de marchands de tapis, en bref une usine à gaz.
Et au lieu de suivre de près ce qui se passait au Congrès, d'intervenir, de recadrer et de reprendre la main lorsque le projet dérivait vers quelque chose qui n'avait plus rien à voir avec l'idée de départ , Obama a laissé filer le projet au Congrès, comme il a laissé les Reps s'emparer du débat public et le transformer en cirque avec la tenue de ces "townhall meetings" où les membres du GOP (et les employés des HMOs) étaient amenés par autocars entiers, avec l'objectif de déstabiliser le camp adverse par leurs mensonges, ce en quoi ils ont très bien réussi.
Sans qu'Obama réagisse du tout, ce qui l'a fait apparaître comme passif et dépassé par les événements.
Et donc comme il n'y avait pas de concept clair au départ, la pédagogie du projet n'a pas été faite pour le public et les Reps ont pu amener le débat sur leur terrain habituel, où ils excellent, celui des émotions et plus précisément de la peur: les "tribunaux de la mort" dénoncés par Palin, "les bureaucrates fédéraux vont euthanasier votre grand'mère", etc.
Aucune réponse démocrate n'a été faite à cette campagne de calomnies, aucun argument rationnel ou émotionnel n'est venu de l'équipe Obama pour dégonfler ces délires; que croyez-vous que les électeurs pensent d'une équipe qui laisse ainsi calomnier son projet sans réagir?
Plus grave, on est parti durant la campagne sur un principe de "single payer", qui a été abandonné au profit d'une "public option" une fois BO président; cette "public option" a été elle-même tellement écornée et rognée par le Congrès qu'elle a pratiquement été vidée de tout contenu; finalement Obama et Sebelius ont déclaré que la "public option" n'était pas indispensable. Quelle impression pensez-vous que cette série de reculades a produit sur l'opinion (et sur les Reps)?
Plus grave encore, les électeurs libéraux ne comprennent pas (ou comprennent trop bien) pourquoi Obama a fait tant de concessions au big business de la santé (voir les accords mentionnés ci-dessus), les associations progressistes, unions etc s'estiment trahis et la base voit maintenant Obama comme étant "dans la poche du big business".
Et ceci constitue une autre faute stratégique grave: Obama, en apparaissant renoncer à une véritable réforme de santé, a méconnu une autre règle d'or de la politique: on peut, si la situation s'y prête, chercher à élargir son électorat sur les marges, mais on ne gouverne pas impunément
contre sa base électorale, et c'est ce que le président est en train de faire.
De plus, vouloir à tout prix chercher le consensus avec une droite devenue aussi extrêmiste et hystérique est une entreprise vouée à l'échec vue par beaucoup comme relevant du masochisme; un commentateur parle de "meaningless exercice in compromise".
Les sentiments exprimés par des postants sur les sites progressistes modérés (Buzzflash, Huff Post, Salon, etc) vont de "je ne suis pas satisfait mais donnons-lui plus de temps" (de plus en plus rare)à la déception et la colère; beaucoup reprochent à Obama d'avoir utilisé le vieux truc commercial du "bait and switch" (on appâte le client en lui promettant un article de qualité (qu'on n'a pas en magasin) pour lui en vendre un de qualité très inférieure) et d'avoir mené les électeurs en bâteau avec des "vague and slippery promises" (des promesses vagues et trompeuses).
Cette autre opinion est partagée par beaucoup: "failure here would raise question about his ability to lead" (un échec (sur la réforme de santé) mettrait en question ses capacités de leader)
Un dernier exemple de ces réactions, exprimé en termes un peu crus mais révélateurs: "I voted for Obama and I would like to kick him in the balls now but he hasn't any"; je vous laisse le soin de traduire.