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 Sujet du message: Obama : une analyse critique
MessagePosté: Lun 16 Nov 2009 19:40 
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Olivier Debouzy, ancien diplomate et membre de la commission du Livre blanc de la défense, a confié à D Merchet (un autre spécialiste reconnu) un texte d'opinion (qui parait également ce jour dans les pages Rebonds de Libération) sur la politique d'Obama. Le voici soumis à votre jugement :

"Depuis neuf mois, l’administration Obama souffre de plusieurs problèmes dont aucun ne paraît devoir être résolu à court-terme et qui l’ont empêchée de mettre en œuvre une politique extérieure et de défense cohérente. Rien n’indique que cette situation doive changer dans un futur proche. Le premier est que, contrairement par exemple au président Nixon ou au président George H. W. Bush, M. Obama n’a pas auprès de lui un stratège tel que Kissinger ou Scowcroft, c’est-à-dire un homme capable de penser à long-terme et de réfléchir sur le rôle mondial que les Etats-Unis voudraient avoir dans dix ou vingt ans et la stratégie d’ensemble à mettre en œuvre pour y parvenir.

Le général Jones, son conseiller national de sécurité, est un gestionnaire de crise qui pare à l’urgence quand elle se présente mais auquel le président ne demande aucun input conceptuel. Il n’appartient par ailleurs pas au premier cercle des conseillers du président ; or celui-ci, composé essentiellement de MM. Axelrod et Emanuel, n’est intéressé que par la politique intérieure. Le Conseil National de Sécurité (NSC), le plus nombreux en effectif depuis la création de cette institution, ne fait que l’assister dans cette tâche, créant au passage des frictions multiples avec le Département d’Etat, le Pentagone et les divers « tsars » nommés pour s’occuper de problèmes spécifiques (processus de paix israélo-palestinien, zone Afghanistan-Pakistan, etc.). En deuxième lieu, l’administration Obama se caractérise par la multiplicité de personnalités souvent fortes et titulaires de dossiers empiétant les uns sur les autres : ainsi du Secrétaire d’Etat, Mme Clinton, qui s’est vu imposer des « tsars » avec lesquels les relations sont difficiles : M. Holbrooke (qui voulait son poste) et M. Mitchell, entre autres. En troisième lieu, M. Obama donne l’impression de considérer qu’il est à même de faire seul la synthèse entre les diverses personnalités qui le servent et les avis qu’elles lui donnent. Il en résulte que le président devient de facto le responsable direct de l’action diplomatique et militaire sur tous les sujets. Comme son temps est compté et que les questions de politique intérieure (économique et sociale) l’absorbent en grande part, il ne prend pas de décisions sur les sujets de politique étrangère et de défense – hormis par des discours d’une grande généralité – et personne n’en prend à sa place. Enfin, en quatrième lieu, M. Obama a, comme tous les hommes politiques américains et en dépit de ses origines, une expérience internationale très limitée. Il a donc tendance à projeter sur ses interlocuteurs étrangers – c’est particulièrement visible dans le cas de l’Iran – une rationalité semblable à celle des Américains. Il en résulte que les gouvernements étrangers lui sont largement opaques. Cette dernière caractéristique, mêlée à celle de vouloir traiter directement les sujets de politique étrangère et de défense, fait que la politique américaine dans ces domaines est dans un état d’indécision et d’inefficacité chroniques.

Les relations euro-américaines au niveau des gouvernements sont en outre caractérisées, au moins vu de Washington par l’indifférence, l’incompréhension, voire une certaine forme d’agacement.

Indifférence, tout d’abord. De toute évidence, l’Europe n’est pas la priorité de M. Obama ni de son administration. L’idée du G-2 (en tout cas dans les esprits américains) éclipse des alliés européens jugés archaïques et frileux. Sur ce point, l’administration Obama ne diffère en rien de ses devancières : elle juge que les Européens n’ont vocation qu’à déférer aux injonctions de Washington, en bloc (au sein de l’OTAN) ou en détail. Du coup, la réticence de la majorité des Européens à contribuer à l’effort militaire en Afghanistan est perçue comme la confirmation qu’ils ne sont utiles à rien.

Incompréhension, ensuite. L’administration Obama ne comprend pas plus que ses devancières l’équilibre économique et social européen ; elle ne cherche pas à comprendre les réticences de certains Européens à l’idée d’une élimination des armes nucléaires ; elle refuse de comprendre les problèmes rencontrés par les Européens (et notamment les Français) à l’égard du G-2 et de la Russie, objets de toutes ses attentions pour tenter de retrouver un cadre structuré de politique étrangère et de parvenir à réduire un budget de la défense dont l’électorat démocrate critique sans relâche l’ampleur au détriment des programmes sociaux.

Agacement, enfin. La fermeté européenne sur la question du TNP et de l’Iran met en lumière les incohérences et la procrastination américaines, ce qui exaspère d’autant plus les représentants de l’administration Obama qu’ils ont l’impression qu’en cas de problème militaire, ce sont les Etats-Unis qui assumeraient l’essentiel de la charge de défendre les Etats du Golfe, ce dont ils sont actuellement incapables en raison des guerres d’Iraq et d’Afghanistan.

La position américaine est d’autant plus faible qu’il est très peu vraisemblable que le Sénat ratifie le Traité d’Interdiction des Essais Nucléaires (CTBT) d’ici 2011 au plus tôt, ce qui aboutirait au paradoxe diplomatique que les Etats-Unis, lors de la conférence d’examen du Traité de Non-Prolifération (TNP) en 2010, prêcheraient la non-prolifération tout en étant eux-mêmes incapables de mettre en place ce qu’ils préconisent pour les autres.

Sur un plan plus personnel, M. Obama, cérébral et peu démonstratif, paraît parfois penser que les dirigeants européens cherchent à l’instrumentaliser au service de leurs objectifs de politique intérieure ou de reconnaissance internationale. Il a une conscience aiguë de la supériorité américaine et donc de la sienne propre par rapport à ses homologues et l’exprime par une sorte de mise à distance inusuelle chez les hommes politiques américains et qui rend compliquées les relations personnelles avec lui, comme plus d’un chef d’Etat ou de gouvernement européen peut en attester.

Les analyses qui précèdent conduisent à un relatif pessimisme à court-terme sur l’évolution de la relation euro-américaine et les résultats possibles de la politique étrangère et de sécurité de M. Obama. Par ailleurs, le cycle politique américain dépend de facteurs sur lesquels les Européens ont peu de prise et la politique étrangère n’est pas ce sur quoi se gagneront les mid-term elections de 2010. Les alliés européens des Etats-Unis en viendront peut-être à regretter M. Bush…"


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 Sujet du message: Re: Obama : une analyse critique
MessagePosté: Lun 16 Nov 2009 20:16 
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Citation:
Comme son temps est compté et que les questions de politique intérieure (économique et sociale) l’absorbent en grande part, il ne prend pas de décisions sur les sujets de politique étrangère et de défense – hormis par des discours d’une grande généralité –


C'est une bonne analyse avec laquelle je suis en grande partie d'accord, sauf sur quelques points.
Le plus important est qu'il semble impliquer que, si BO est en deça des attentes pour ce qui est de la politique étrangère, il remplit par contre son contrat pour ce qui est de la politique intérieure. S'il est exact que Rahm Emanuel, Axelrod et ses quelques autres "conseillers rapprochés" sont bien des hommes de politique intérieure, il suffit de lire la presse américaine pour noter qu'en matière domestique aussi, il ne satisfait pas davantage les attentes, tant à droite (ce qui est normal) que dans le camp démocrate, (ce qui l'est moins).
En vrac, on lui reproche récemment de ne pas s'être assez impliqué dans la réforme de santé, d'avoir lancé un plan d'assistance aux foyers écrasés par les "mortgages" qui ne marche pas, de ne pas se préoccuper sérieusement de prévenir une autre récession par la mise en place d'instances de régulation, de tergiverser sur les renforts à envoyer en Afghanistan depuis plusieurs mois, de bloquer les accords internationaux sur la protection de l'environnement, la liste est longue, et j'en passe mais vous voyez que la politique intérieure est également bien représentée dans cette liste de griefs. On lui reproche même de passer son temps à faire le tour du monde et à visiter des kyrielles de pays étrangers où il se borne à prononcer des discours débordants de platitudes et dégoulinants de bons sentiments. "Internet President", "kumbaya kid", "smooth talker Prez" sont quelques uns des surnoms révélateurs que les Dems mécontents lui donnent.
Je ne sais si les Européens en viendront à regretter Bush; deux ou trois choses sont sûres d'ores et déjà:
- l'Europe est encore moins importante aux yeux de BO qu'aux yeux de Bush, ce qui n'est pas peu dire
- les objectifs de politique étrangère de l'administration Bush étaient essentiellement néfastes ou irréalisables, mais au moins son chef les poursuivait avec détermination et persistance. Les hésitations et vasouillages d'Obama sont maintenant reconnus comme un trait essentiel de sa personnalité.
- Bush avait une personnalité confrontative et "antagonisante"; il était d'intelligence médiocre et a engagé l'Amérique dans des aventures extérieures qui contribuent indiscutablement à son déclin. Obama est brillant, a une personnalité agréable et apparemment conciliante mais pour le moment, et pour l'essentiel, il se contente de surfer sur les vagues crées par Bush: l'emballage-cadeau est plus attrayant mais ce qui est à l'intérieur de la boîte ne change guère. Et les Américains, qui ne valorisent généralement pas beaucoup les intellectuels, se demandent de surcroît si ça vaut vraiment la peine d'élire un président intellligent. :mrgreen:


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 Sujet du message: Re: Obama : une analyse critique
MessagePosté: Jeu 26 Nov 2009 20:30 
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Il y a de quoi être très inquiet pour un européen, car Obama semble faire comme si l' Europe ne comptait pas et on comprend que l' Allemagne se soit rapprochée stratégiquement de la Russie. Nous devrions manifester de plus en plus notre indépendance pour lui faire comprendre comme le général de Gaulle l'avait fait que l'Europe a un poids économique et qu' elle peut avoir un rôle politique. Obama n'a aucun lien avec l' Europe. Il faut redouter le pire de sa part car il pense monde et pas Occident.

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 Sujet du message: Re: Obama : une analyse critique
MessagePosté: Jeu 26 Nov 2009 22:01 
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Alain.g a écrit:
Il faut redouter le pire de sa part car il pense monde et pas Occident.


C'est ce qu'on fait la plupart des chefs d'Etats américains depuis un moment et au final? Double attentat à New-York... Je ne comprends pas comment vous pouvez reprocher au président de la première puissance mondiale d'avoir une vision politique globale! :shock: On reproche assez aux dirigeants leur manque d'ampleur justement, lui en aurait trop? Curieux...

Vu de chez nous on peut reprocher son attitude à Obama (ben oui, quel ingrat, l'Europe l'aimait bien et lui nous snobe! ouh le vilain!), vu de sa part, il est tout à fait logique vu la néant politique à peu près absolu de l'Europe de s'occuper plus de l'Inde, de la Chine ou du monde arabe!

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 Sujet du message: Re: Obama : une analyse critique
MessagePosté: Ven 27 Nov 2009 16:45 
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OK mais il me semble que les prédécesseurs originaires d' Europe la ménageaient alors qu'on peut avoir parfois le sentiment qu' Obama a en mémoire l' Europe comme source de la colonisation de l' Afrique.
Voilà pourquoi la citation exacte, mal exprimée effectivement, est :
Citation:
Obama n'a aucun lien avec l' Europe. Il faut redouter le pire de sa part car il pense monde et pas Occident.
Il faudrait ajouter: "d'une manière différente de ses prédécesseurs."

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 Sujet du message: Re: Obama : une analyse critique
MessagePosté: Ven 27 Nov 2009 16:51 
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Bof. Obama n'est pas "noir" mais métis techniquement, sa famille maternelle est originaire d'Europe! Et je ne pense vraiment pas qu'il vive son identité comme celle d'un descendant d'esclave vu... qu'il n'en est pas un! Et qu'il n'a jamais commis la bêtise de jouer sur sa couleur de peau, bien au contraire (ce qui lui vaut une certaine dent des noirs radicaux, qui le considère comme un "Bounty", je vous laisse deviner pourquoi).

Sur ses rapports avec l'Europe, j'ignore ce qu'il en pensait avant, mais enfin, quand vous traitez avec la Chine, l'Inde, le Pakistan, le Brésil, on traite avec un chef d'Etat qui exprime une position nette. L'Europe? Euh... sans vouloir paraphraser le petit père des peuples, je pense qu'Obama doit se dire: "L'Europe, combien de divisions", mais au sens mathématique du mot division...

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 Sujet du message: Re: Obama : une analyse critique
MessagePosté: Ven 27 Nov 2009 17:06 
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Le Pape Jean-Paul II a sur ce point répondu à Staline, qui serait surpris certainement de voir ce qu'il est advenu de l' URSS et du Communisme, y compris de ses Divisions, à tous les sens du terme! L' Europe garde bien plus de poids qu'on ne le croit!

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 Sujet du message: Re: Obama : une analyse critique
MessagePosté: Dim 3 Jan 2010 14:59 
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Inscription: Jeu 12 Nov 2009 22:24
Messages: 1136
pourquoi s'interesser au court terme ?

l'essentiel c'est le long terme - et face à la montee de la puissance economique et militaire chinoise, les usa peuvent ils se payer le luxe de se couper de leurs alliés fiables : les européens ? à nous de nous organiser pour travailler avec les usa sans être à leur traine...


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