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 Sujet du message: Re: Obama aime-t-il ses amis ?
MessagePosté: Dim 14 Fév 2010 23:34 
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Voici l'article d'Armand Laferrère paru dans Commentaire n°128, que je mentionnais plus haut.


Comment Obama a échoué

ARMAND LAFERRERE

Il faut bien que les historiens, eux aussi, s'amusent quelquefois. Ceux qui se pencheront sur l'opinion publique occidentale au temps de l'élection du Président Obama ne seront pas déçus.
Le Président élu, avant même son entrée en fonctions, était comparé à Lincoln, Roosevelt ou Reagan. Les mots «grand Président» généralement réservés à ceux qui ont fait quelque chose - étaient utilisés sans retenue dans des publications par ailleurs sérieuses. IDes millions d'Américains et d'Européens fanatisés étaient émus jusqu'aux larmes par son élection, comme s'il avait été une figure rédemptrice. On répétait jusqu'à la nausée les mots «nouvelle ère », «espoir », et d'autres tout aussi descriptifs et aussi précis. L'image du Président élu - sur les affiches, dans les kiosques et sur tous les vêtements imaginables de ses adorateurs - était devenue aussi omniprésente dans le monde libre que celle d'un Président à vie dans une dictature d'opérette.
Qui faisait l'objet de cette adoration? Un homme politique qui n'avait jamais rien géré ,
de sa vie - ni ville, ni Etat, ni entreprise - et qui n'avait jamais eu l'occasion (au combat, par exemple) de montrer des qualités personnelles particulières. Un universitaire sans publications. Un sénateur sans lois à son nom. Un homme qui, malgré la maigreur de son curriculum vitae, avait une assez haute opinion de lui-même pour trouver le temps de rédiger deux autobiographies avant l'âge de quarante-cinq ans.
Pour ceux - peu nombreux - qui cherchaient à comprendre d'où venait le nouveau Président, on pouvait apprendre qu'à sa sortie de l'université de Yale, le nouveau Président était devenu un militant de l'agitation sociale, s'occupant d'« organiser» les populations défavorisées de Chicago pour faire avancer leurs revendications. Le jeune Obama appartenait alors à l'extrême gauche américaine (les « radicaux »). Il avait par la suite élargi ses relations, mais sans jamais rompre ses liens avec ce mouvement. Remarqué pour ses qualités d'organisateur, il fit une carrière rapide dans le milieu politique de Chicago. Il ne montra jamais la moindre réticence face aux pratiques de ce milieu, probablement le plus corrompu d'Amérique, qui le soutint activement jusqu'à la Maison-Blanche et où il alla chercher la plus grande partie de son entourage.
Les Américains, cependant, étaient prêts à faire confiance au candidat pour gouverner le pays de manière consensuelle. Sa campagne de 2008 les y incitait. Le candidat y tenait un discours centriste de réconciliation nationale (<< pas d'Etats bleus ou d'Etats rouges, mais les Etats-Unis d'Amérique»). Il était prudent en
politique économique, promettant de mettre fin aux déficits excessifs de la présidence Bush. Tout en annonçant un retrait rapide des troupes américaines d'Irak - une condition indispensable pour mobiliser un électorat démocrate uni pendant huit ans par la haine hystérique de Bush -, Obama savait se montrer ferme en matière de sécurité nationale, annonçant par exemple l'intensification des combats en Afghanistan .
Il est probable, cependant, que la motivation des Américains pour accorder au candidat le bénéfice du doute tenait moins à son discours qu'à ce qu'il représentait. Dans un pays morbidement obsédé par les questions raciales, les électeurs espéraient que l'élection d'Obama serait le moment historique marquant l'apaisement des tensions. C'est, trop souvent, le seul et unique sens qu'avaient les invocations vaporeuses d'une « ère nouvelle ». La sympathie du monde promettait aux Américains que les Etats-Unis allaient redevenir populaires, que le temps de la confrontation était révolu et que les EtatsUnis deviendraient le partenaire constructif des autres puissances.
Aussi la popularité du nouveau Président était-elle, au jour de son inauguration, bien supérieure à la majorité limitée (53 % des voix) qu'il obtint en novembre. Un sondage Gallup du 23 janvier 2009, trois jours après sa prise de fonctions, lui donnait 69 % d'opinions favorables et seulement 12 % de défavorables.
Sept mois plus tard, Obama était devenu le plus impopulaire, à ce stade de son mandat, de tous les Présidents élus depuis l'invention des sondages. Sa popularité totale était située, selon les sondages, entre 49 et 53 %. Et surtout, ·le ratio des «très favorables» aux «très défavorables» - représentant les citoyens les plus motivés dans un sens ou dans l'autre - était passé, selon tous les sondages, en dessous de trois sur quatre (environ 27 % contre 41 %). Celui qui devait réconcilier les Américains et le monde avait divisé l'Amérique plus intensément qu'apcun de ses prédécesseurs, provoquant sur les deux bords de la politique américaine des accusations haineuses et injustes. Qui plus est, le Président était parvenu à ce résul,tat alors qu'aucune des réformes importantes
qu'il avait promises n'avait réussi à passer le barrage du Congrès - un Congrès dont son propre parti contrôle les deux chambres avec de larges majorités.
Tout est possible en politique et le Président ne fait encore que commencer son mandat. Mais, bien avant la fin de sa première année de pouvoir, Barack Obama a visiblement échoué sur le plan politique et sur le plan législatif. Il a combiné la faiblesse en politique étrangère, l'arrogance en politique intérieure et l'abandon presque complet de toute prétention à réconcilier les Américains.

La faiblesse érigée en doctrine
Les Américains savaient bien, en élisant Obama, que la politique étrangère ne serait pas son fort. Fatigués de l'omniprésence agressive du Président Bush, ils souhaitaient un Président qui concentre son action sur la politique intérieure. La politique étrangère du Président n'a donc pas été la principale cause de sa perte de crédit, au commencement du moins.


En matière de sécurité nationale, Obama commença par s'inscrire dans la continuité complète de son prédécesseur. Malgré quelques contorsions rhétoriques pour prouver le contraire, le calendrier et les conditions qu'il a fixés pour la sortie des troupes américaines d'Irak sont exactement identiques à ce qu'ils étaient sous Bush. Les initiatives prises par Bush pour protéger la sécurité des Etats-Unis - surveillance accrue des conversations téléphoniques; délivrance de prisonniers à des Etats étrangers pour être interrogés de manière à ce qu'ils parlent effectivement; emprisonnement à Guantanamo des prisonniers d'Al-Qaïda - furent toutes confirmées par son successeur.
Même avec le temps, Obama a montré qu'il ne souhaitait pas baisser la garde sur la défense nationale, quitte à mécontenter les « radicaux » qui furent sa première base électorale. Malgré les doutes des démocrates, la présence militaire américaine en Afghanistan _ et, de facto, au Pakistan - a été renforcée, La gauche dut se contenter de mesures fortement visibles, mais qui ne semblent pas avoir fondamentalement réduit la sécurité du pays: une réduction de 15 % du budget de la défense antimissile et l'annonce d'une enquête pénale sur les méthodes d'interrogation de la CIA.
Cette reprise des politiques de l'administration Bush n'entraîna, semble-t-il, aucun dommage pour la popularité d'Obama. La presse démocrate et la presse européenne, qui avaient dénoncé les initiatives de Bush comme des atteintes inacceptables aux droits de l'homme, jouèrent pleinement le rôle que l'on pouvait attendre d'elles : elles cessèrent immédiatement de couvrir ces sujets. Ce qui était hier objet de scandale n'est plus qu'objet de bâillement. Il est vrai que pour une certaine gauche l'existence ou non d'une atteinte aux droits de l'homme n'a jamais dépendu des actes considérés, mais uniquement du camp politique de celui qui les prend.
En revanche, les efforts d'Obama pour améliorer l'image des Etats-Unis à l'étranger ont rapidement montré leurs limites. Le Président consacra des efforts importants à séduire
les puissances les plus hostiles aux Etats-Unis.
Il demanda, mille fois plutôt qu'une, pardon au monde pour l'histoire américaine, et plus particulièrement pour les deux mandats de son prédécesseur. ~abolition de l'esclavage, le renversement de trois totalitarismes au vingtième siècle et les interventions militaires répétées en faveur de peuples musulmans depuis vingt ans étaient, naturellement, soigneusement expurgées de la version obamienne de l'histoire. Il s'afficha, tout sourire, auprès du caudillo vénézuélien Hugo Chavez. En juin, il prononça au Caire un grand discours destiné à rétablir des relations cordiales avec le monde musulman. Il y annonça son intention de faire pression sur Israël pour mettre fin aux habitations juives au-delà de la ligne de cessez-le-feu de 1949 et demanda aux Arabes de faire leur part en instaurant avec Israël des «signes de confiance » (autorisation de survol, de commerce, etc.).
Par la suite, Obama refusa de soutenir le mouvement démocratique iranien, malgré la répression sanglante qui suivit les élections truquées de juin 2009. Il annonça son intention de discuter avec la République islamique «sans conditions » - c'est-à-dire, en clair, sans que l'Iran ait même à interrompre momentanément son soutlen au terrorIsme lnternatlonal ou sa course à la bombe. Il sabota délibérément, en septembre 2009, le mouvement international qui se dessinait pour un renforcement des sanctions contre l'Iran.
Le résultat de cette politique de contrition et de courbettes fut celui que pouvait prévoir toute personne dotée, même marginalement, d'un peu de culture historique. Quelles que soient les plaisanteries que l'on a pu faire sur son compte, le Président Bush avait du moins lu assez de livres pour savoir qu'il n'y a jamais eu, et qu'il n'y aura jamais, de gratitude dans les relations internationales.
L'Iran, enhardi par la faiblesse américaine et l'éloignement de toute perspective de sanctions, refusa toute discussion sérieuse. Il ne fit qu'accélérer son programme nucléaire et intensifier sa rhétorique anti-américaine. Hugo Chavez, intéressé par l'ambition de son allié iranien de devenir la puissance dominante au Moyen-Orient, lança un programme d'armement massif destiné à lui donner le même rôle en Amérique latine. Deux Etats arabes alliés de l'Amérique, la Jordanie et l'Arabie Saoudite, déclarèrent leur refus de tout « signe de confiance » avant que la question israélienne ne soit entièrement réglée à leur satisfaction.
L'une après l'autre, les tentatives d'Obama pour créer une atmosphère plus constructive dans les relations internationales ont donc échoué, dans des conditions que les autres puissances ont délibérément cherché à rendre aussi humiliantes que possible pour le Président. Pourtant, ce n'est pas tant la naïveté qui surprend dans la politique étrangère d'Obama que le simplisme idéologique qui l'accompagne.
Le Président est, après tout, parfaitement capable de se montrer brutal et agressif, mesquin même. L'ùn des premiers actes de sa présidence fut de renvoyer à Londres le buste de Winston Churchill qui trônait à la MaisonBlanche. Lorsque la Cour suprême du Honduras ordonna la démission du Président Zelaya - un allié de Chavez qui voulait se faire accorder un deuxième mandat en violation de la Constitution hondurienne -, Obama lança une offensive diplomatique majeure contre ce petit pays qui avait eu le tort de respecter ses propres lois. Lorsque le Président commença à faire pression sur Israël pour mettre fin aux implantations, ses conseillers n'hésitèrent pas à expliquer à la presse que son intention était d'unir la population israélienne contre le gouvernement Netanyahu, afin de provoquer la chute de ce gouvernement et l'arrivée d'un interlocuteur plus malléable.
Toutes ces cibles de l'agressivité présidentielle ont un point en commun : ce sont des alliés historiques des Etats-Unis, démocratiques, respectueux de l'équilibre des pouvoirs et de la limitation des prérogatives de l'Etat. Pour toutes ces raisons, Israël, l'Angleterre et les forces anticommunistes d'Amérique latine appartiennent, dans l'imaginaire radical, au camp des ennemis. Non que le Président soit nécessairement convaincu par toute l'idéologie radicale. Mais son absence totale d'intérêt pour la lecture ou le débat d'idées a fait subsister dans son esprit, à travers les décennies, quelques représentations simplistes - « méchants pro-Américains, dignes anti-Américains» - qui contribuent aujourd'hui à former la politique étrangère des Etats-Unis.

L'archéo-keynésianisme
Cette paresse intellectuelle s'est manifestée plus clairement encore en matière économique. En février 2009, le Congrès vota la loi de croissance et de réinvestissement (dite « stimulus») qui alourdissait de 787 milliards de dollars la dépense publique américaine. Peu après, le premier budget de l'administration Obama confirmait l'infléchissement de la politique américaine dans le sens d'une dépense publique toujours élevée et d'une absence totale d'intérêt pour le niveau du déficit. ~année 2009, premier budget du Président Obama, va vraisemblablement connaître un déficit de plus de 1 400 milliards de dollars, soit plus de 10 % de l'économie américaine et plus de quatre fois le plus mauvais résultat du Président Bush. En l'absence d'un nouveau revirement de la politique budgétaire, des déficits de l'ordre de 9 à 10 % du PIB sont à attendre pour la plus grande partie des années dix.
A la décharge du Président, il avait pris ses fonctions en un moment de bulle intellectuelle keynésienne - une période de quelques mois pendant lesquels, suite à la crise financière de l'automne 2008, le troupeau des commentateurs se mit universellement d'accord pour annoncer que l~ capitalisme financier était mort et que le gouvernement serait désormais le moteur de la croissance. Un homme politique plus expérimenté qu'Obama (ou simplement plus au fait de l'économie et de l'histoire des idées aurait su que cette unanimité d'un moment, provoquee par une CrIse passagère, ne pouvait pas faire disparaître les échecs passés des politiques keynésiennes.
Après six mois de mise en application de la politique de dépenses sans retenue du Président, son efficacité pouvait commencer à être évaluée.
Une forte part des nouvelles dépenses était constituée par l'augmentation des transferts sociaux, qui prit effet à compter de mars 2009. Le revenu disponible des ménages augmenta significativement à partir de ce mois-là. Mais la consommation, elle, n'avait encore marqué aucune reprise en juillet 2009. Peut-être l'effet bénéfique du stimulus sur la consommation va-t-il apparaître d'un jour à l'autre. Peut-être aussi la vieille critique de Milton Friedman et Franco Modigliani contre les théories keynésiennes (<< un changement temporaire du revenu, non lié à la perspective d'un changement permanent, n'est pas reflété dans la consommation») n'a-elle pas perdu toute sa validité du seul fait de l'élection du premier Président noir.
Quant à l'augmentation des investissements des administrations prévue par la loi de stimulus et par le budget, elle n'avait pas eu le temps de se mettre en place lorsque les premiers signes de redressement économique sont apparus au deuxième semestre 2009. Le principal facteur de ce redressement fut l'investissement des entreprises privées. Sa relance avait été rendue possible par les réductions de coût liées à la crise : licenciements, baisse du coût des matières premières, baisse des loyers, etc. La politique budgétaire ne peut pas prétendre être à l'origine de cette amélioration. C'est tout simplement la crise elle-même qui, en faisant baisser les coûts des entreprises, a créé les conditions d'une reprise. Comme d'habitude, la crise décrite comme un signe de la «fin du capitalisme» était la meilleure preuve du bon fonctionnement de ce système.
En revanche, la politique budgétaire d'Obama eut des effets directs sur deux données économiques fondamentales : la propension des entreprises à embaucher et la confiance du monde dans la monnaie américaine.
L'augmentation disproportionnée des dépenses publiques a eu l'effet qu'elle a toujours : elle a conduit les entreprises et les ménages à se préparer pour les augmentations d'impôts futures. Le consommateur américain, qui avait porté la croissance des années 1990 et 2000, a cessé de jouer son rôle. Quant aux entreprises, elles voient dans le début de reprise l'occasion de se constituer un matelas de sécurité pour faire face aux inévitables augmentations d'impôt futures. Elles ont donc - contrairement à toutes les précédentes reprises _ refusé d'embaucher aux premières bonnes nouvelles économiques. En défendant sa politique au début 2009, le Président avait dit que l'augmentation des dépenses était nécessaire pour éviter que le taux de chômage ne dépasse 8 %. Six mois plus tard, ce taux avait atteint 9,7 % et le solde mensuel des créations et destructions d'emplois restait négatif.

Dans le même temps, les investisseurs étrangers, détenteurs de la dette publique américaine, commençaient à s'inquiéter sérieusement.
Pendant de longues années, la Chine trouvait son compte à financer la dette américaine, qui venait gonfler la demande des produits made in China. Ses investisseurs détiennent à eux seuls près du quart de la dette américaine (près de 2000 milliards de dollars).
Mais, avec l'augmentation brutale de cette dette, il est devenu clair pour ces investisseurs qu'ils ne pourront pas être remboursés par les seules augmentations d'impôts. A mesure que la politique budgétaire d'Obama se confirmait, les marchés ont reflété la certitude croissante qu'un jour ou l'autre, une partie de la dette publique américaine sera monétisée, provoquant une forte inflation et la baisse du. dollar. Une prime de risque de près de 150 points de base est apparue, au cours de l'année 2009, sur les nouvelles émissions de dette américaine.
Simultanément, les puissances créancières (Chine, mais aussi Russie) commencèrent dès février 2009 - à la date de la première loi de dépense d'Obama - à multiplier les déclarations sur la nécessité de limiter le rôle du dollar. Ces déclarations se sont multipliées depuis lors, avec la présentation de plans chinois et russes pour remplacer le dollar par un panier de monnaies servant de réserve internationale et de valeur de référence. Il semble qu'à ce jour, l'équilibre politique mondial ne permet pas encore de passer à l'acte. Mais à moyen terme, si la politique budgétaire américaine n'est pas modifiée, des réformes de ce type deviendront inévitables. Obama entrera alors dans l'histoire américaine comme le Président qui a mis fin à l'empire du dollar.

Le coût politique d'une réforme
La nouvelle politique budgétaire entraînait de grands risques économiques, mais fut du moins un succès politique pour Obama. Plus précisément, elle fut le seul et unique succès législatif du Président. De manière improbable pour un Président dont le parti contrôle une large majorité dans les deux chambres du Congrès, aucune des autres grandes initiatives d'Obama n'a été acceptée par le Parlement.
Ainsi, le candidat Obama s'était engagé auprès des syndicats à rétablir le système d'organisation « par carte », dans lequel un syndicat peut exiger de représenter les employeurs d'une entreprise s'il obtient la signature d'une majorité d'employés. Ce système avait été aboli sous la présidence Reagan au profit d'un vote à bulletin secret, qui se prête moins à l'intimidation et au chantage. Malgré les pressions répétées de la Maison-Blanche sur le Parlement, malgré l'insistance des syndicats pour obtenir leur dû, la promesse présidentielle s'est perdue dans la procédure législative et semble destinée à ne jamais en ressortir.
Bien plus visible encore était la promesse présidentielle d'instaurer dans l'économie américaine un système généralisé de limitation et d'échange des émissions de CO2 (cap and trade). Les craintes de la société américaine (ou plutôt de ses élites) sur le réchauffement climatique semblaient promettre le succès à ce projet de loi. S'y ajoutait le fait que la limitation des émissions de carbone était une bonne occasion, pour un Etat désargenté, de se refaire (grâce à la vente de droits à émettre et à l'augmentation inévitable du coût de l'énergie).
Mais, la résistance des électeurs américains, peu soucieux de voir augmenter massivement leurs factures d'énergie, fut la plus forte. Les élus du peuple, placés entre leur volonté de paraître écologiquement corrects et leur ardent besoin de réélection, votèrent le projet de loi d'une très courte majorité à la Chambre des Représentants (et même cela ne put se faire qu'après des pressions considérables de la Maison-Blanche). La loi fut ensuite envoyée au Sénat pour y mourir; personne n'attend qu'elle soit jamais mise à l'ordre du jour des délibérations de l'auguste assemblée.
Le plus étonnant échec législatif du jeune Président fut, à l'été 2009, celui de la réforme de l'assurance santé.
Pourtant, le système de santé américain a de graves défauts. Son coût est exceptionnellement élevé (16 % du produit national brut), pour des indicateurs de santé relativement bons, mais sans plus. La complexité des contrats d'assurance est vertigineuse et conduit, à l'occasion, à des refus de remboursement pour des interventions nécessaires.
D'autre part, plus de trente millions d'Américains ne sont couverts par aucune assurance. Il ne s'agit pas, comme on le prétend parfois en Europe, des Américains les plus pauvres (ceux-ci sont couverts par un système d'Etat, Medicaid). Les non-assurés sont, pour l'essentiel, des Américains jeunes aux revenus modestes, rebutés par le coût excessif des contrats, et travaillant dans des petites entreprises incapables de payer pour leur assurance. Ces personnes savent qu'en cas d'urgence, elles seront de toute manière prises en charge par les salles d'urgence des hôpitaux. Elles font donc le choix rationnel de ne pas souscrire d'assurance.
Il aurait été aisé de faire accepter une réforme limitée, destinée à réduire les complexités administratives et à étendre la couverture des assurances santé. Cela aurait pu se faire, par exemple, en réduisant le fardeau des réglementations qui poussent les prix à la hausse. On peut penser, par exemple, à l'interdiction inexpliquable de vendre des contrats d'un Etat à l'autre. Ou encore, à l'in-
terdiction des contrats «simplifiés» ne couvrant que les principaux risques. Un jeune homme en bonne santé n'a pas de choix intermédiaire entre une absence de couverture et une couverture complète incluant le cancer de la prostate, la maladie d'Alzheimer et la dépression nerveuse. Si le Président avait dénoncé ces règles, il aurait presque certainement obtenu le soutien de sa population.
Au lieu de cela, Obama voulut mettre en place une réforme radicale dont, au surplus, il voulut dissimuler l'objectif réel. Le Président annonça la création d'un nouveau régime d'assurance santé géré par l'Etat, qui allait faire concurrence aux régimes privés.
Il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre ce que serait l'aboutissement de cette réforme. Dès lors qu'un régime d'assurance _ et un seul - serait financé à la fois par ses propres assurés et par les contribuables, ce régime proposerait rapidement des conditions financières plus favorables que tous les autres. Il allait acculer l'assurance privée à la faillite et conduirait à la nationalisation progressive du secteur.
Il aurait suffi que le Président se fasse donner les résultats de quelques sondages pour comprendre qu'il faisait une erreur politique majeure. Une forte majorité des souscripteurs de régimes privés d'assurance environ 80 % - sont satisfaits du service qu'ils reçoivent. Il n'était pas, politiquement, particulièrement intelligent d'annoncer à cette population que l'on souhaitait conduire leurs fournisseurs à la faillite et les livrer à la merci d'un régime public. En particulier, les personnes mûres et âgées - celles dont le taux de participation est le plus élevé les jours d'élection - risquaient de ne pas être enthousiastes à la perspective d'abandonner le service qu'elles apprécient et de confier leur corps et leur vie à des décisions administratives.
L'annonce des plans d'Obama pour l'assurance santé provoqua donc, à l'été 2009, une vaste révolte des classes moyennes, accompagnée d'un effondrement de près de dix points de la popularité du Président. Au moment où cet article est écrit, on ne sait pas encore ce que deviendra la réforme. Mais, quel que soit l'habillage que le Congrès donnera à cette défaite, le projet de nationalisation de l'assurance santé est aujourd'hui enterré.
Au passage, des défauts longtemps ignorés du caractère du Président sont apparus. Celui qui s'était posé en unificateur et en réconciliateur s'est comporté, sur le dossier de l'assurance santé, en idéologue dissimulateur. Il a tout fait pour augmenter autant que possible les pouvoirs de l'Etat. Il a cherché, sans succès, à cacher ses véritables objectifs aux électeurs. Ce comportement a provoqué dans le peuple une grave perte de confiance, qu'Obama ne pourra que difficilement surmonter.

De la réconciliation à la discorde
Les différences politiques entre le Président et ses citoyens n'auraient sans doute pas,;' à elles seules, suffi à expliquer la chute de popularité d'Obama. Les Américains étaient parfaitement conscients, au, moment d'élire le nouveau Président, que ses convictions le plaçaient plus loin du centre .qu'aucun de ses prédécesseurs ne l'a jamais été. Cette situation ne crée d'ailleurs qu'un risque limité dans le système constitutionnel américain : en cas de désaccord entre le Président et le peuple, c'est presque toujours le peuple - grâce aux membres du Congrès qu'il contrôle - qui a le dernier mot.
Les Américains pouvaient donc accepter sans grand risque un Président situé nettement à leur gauche, mais dont ils pouvaient croire qu'il évoluerait vers le centre dans l'exercice de ses fonctions. Malgré sa discordance idéologique avec la nation, Obama semblait devoir apporter à sa fonction des qualités personnelles attachantes. Il affichait fermement son intention de rénover et moraliser Washington; il promettait de surmonter les divisions raciales qui empoisonnent l'Amérique.
Huit mois après l'élection d'Obama, ces deux qualités attendues sont en passe de devenir ses plus grands défauts.
Pour ce qui est de changer le fonctionnement de Washington, le Président ne l'a fait que dans le sens où il à-constamment cherché à contourner l'équilibre constitutionnel des pouvoirs. Pour pouvoir s'entourer de collaborateurs partageant son idéologie et leur épargner le processus déplaisant de confirmation par le Sénat, il a créé, à côté des postes de secrétaire (ministre) siégeant en cabinet, une brochette de conseillers spéciaux ou « tsars » qui ne rapportent qu'à lui, contournant à la fois le contrepoids parlementaire et le rôle constitutionnel des membres du gouvernement.
Il y a une trentaine de «tsars », parfois chargés de questions aussi importantes et opérationnelles que l'Afghanistan (Richard Holbrooke), l'énergie et l'environnement (Carol Browner), l'industrie automobile (Ron Bloom), le Moyen-Orient (Denis Ross), la lutte antiterroriste (John Brennan) ou les armes nucléaires (Ashton Carter). Les membres du gouvernement confirmés par le Sénat se trouvent ainsi dépossédés des dossiers les plus importants.
Ce mépris pour les finesses de la Constitution américaine vient non seulement de l'origine idéologique «radicale» d'Obama, mais aussi de la ville où il a fait toute sa carrière. Le Président est un pur produit du système de Chicago, où la machine politique démocrate est connue dans toute l'Amérique pour sa propension à acheter les votes, à attribuer les marchés publics aux amis et « donateurs » politiques, à multiplier les emplois publics fictifs et afficher bien haut son mépris de l'Etat de droit.
Tel est le milieu dont le Président Obama fut l'enfant chéri, et auquel il doit tout. Le Président avait acheté sa maison et commencé sa carrière grâce à Tony Rezko, envoyé en prison pour corruption en juin 2008. Il était l'un des principaux soutiens, en 2002, du gouverneur Blagojevich, actuellement derrière les barreaux pour avoir voulu vendre au plus offrant le siège de sénateur d'Obama après l'élection de novembre 2008. Encore en 2007, alors qu'il venait d'annoncer sa candidature à la présidence, Obama soutint publiquement la réélection à la mairie de Chicago de Richard Daley, parrain héréditaire du système, contre une dissidente démocrate qui centrait son programme sur la lutte contre la corruption. En échange, Obama reçut le soutien de Daley (et de ses nombreux réseaux) pour sa candidature présidentielle - alors que Daley s'était toujours refusé, depuis vingt ans, à prendre position dans les primaires du Parti démocrate.
L'influence de la culture de Chicago sur le style de travail de l'administration Obama a rapidement été sensible. Lors des faillites de General Motors et Chrysler, l'United Auto Workers (UAW) , syndicat géant de l'automobile, se retrouva, à la suite d'une intervention fédérale de près de 50 milliards de dollars dans le processus de faillite, propriétaire de 55 % de Chrysler et 17,5 % de General Motors. Cette propriété, pour laquelle le syndicat ne paya lui-même pas un centime, était très largement supérieure à sa part des créances sur les deux entreprises. Au mépris le plus complet du droit de la faillite, un créancier non privilégié a donc été transformé en créancier super-privilégié aux frais des contribuables. Par une coïncidence troublante, l'UAW avait versé entre 2000 et 2008 24 millions de dollars au Parti démocrate et à ses candidats (contre moins de 0,2 million à des candidats républicains). En 2008, faut-il le préciser, Barack Obama avait été, de très loin, le premier bénéficiaire de ces largesses.
Un système dans lequel le pouvoir politique est mis au service direct des amis et des bienfaiteurs ne peut fonctionner que par l'écrasement impitoyable de ceux qui se tiennent sur son chemin. C'est ce qui arriva en juin 2009 à Gerald Walpin, inspecteur général du gouvernement fédéral, chargé de contrôler les programmes nationaux de promotion du bénévolat. Pour avoir dénoncé la corruption du programme « St HOPE Academy » en Californie (l'organisme utilisait ses volontaires pour des activités politiques à Sacramento, pour faire les courses personnelles du maire Kevin Johnson et pour laver la voiture privée de l'édile) et obtenu la restitution à l'Etat de 400 000 dollars de subventions ainsi détournées, l'inspecteur général fut limogé sur intervention directe de la Maison-Blanche.
Peu importait à Obama que la loi de 2007 sur les inspecteurs généraux (qu'il avait lui même promue au Sénat) prévoie qu'un inspecteur général ne peut être limogé qu'après que la Maison-Blanche a transmis les raisons de cette décision au Congrès. Cette obligation légale ne fut pas respectée. Kevin Johnson est un ami du Président: selon les règles de Chicago, rien d'autre n'a d'importance. On peut imaginer ce que les gazettes auraient fait d'une histoire similaire, si elle s'était produite sous la présidence Bush.
Quant à l'apaisement des tensions raciales, Obama a personnellement veillé à ce qu'il ne soit pas à l'ordre du jour. ~un des « tsars » du Président, Van Jones, chargé des «emplois verts », dut quitter ses fonctions - avec les remerciements chaleureux du Parti démocrate - après qu'il fut révélé qu'il voyait dans la pollution industrielle un complot des Blancs contre les Noirs (il avait aussi, pour bien faire, expliqué que seuls les étudiants blancs se livraient à des massacres dans les écoles et signé une pétition suggérant que le Président Bush était responsable des attentats du 11 septembre). Obama ne dit pas un mot pour condamner les propos du collaborateur qu'il avait choisi.
Dès que le Président se trouva en difficulté politique sérieuse - sur la question de la réforme de l'assurance santé -, l'armée des soutiens du Président se mit à suggérer que l'opposition à la nationalisation de l'assurance santé était due à l'hostilité des Blancs devant la présence d'un Président noir à la Maison-Blanche. L'absurdité de cette affirmation est manifeste (la gauche était-elle raciste quand elle s'opposait à la politique étrangère de Condoleeza Rice ?) ; mais cette absurdité est précisément ce qui fait sa force. En accusant de racisme ceux qui s'opposent à ses idées, la gauche américaine ne cherche pas à convaincre : elle revendique son droit imprescriptible à faire prévaloir son programme sur toute logique, à refuser tout débat rationnel et à intimider ses adversaires jusqu'à ce qu'ils se taisent. Elle ne veut pas remporter la bataille des idées : elle veut vaincre.
Le résultat de cette attitude est une société américaine plus divisée et plus stridente que jamais, dans laquelle la droite, à son tour, se laisse parfois aller à la tentation de l'agressivité et de la vulgarité. Mais, contrairement à ce que veut nous faire croire la presse européenne, le problème d'Obama n'est pas que certains de ses opposants se laissent parfois aller à proférer des âneries dans des réunions publiques. Il vient de ce que le Président, élu pour réconcilier l'Amérique, gouverne pour la remodeler à l'image de son idéologie. On ne change pas un peuple comme cela; la tentative du Président est presque certainement vouée à l'échec. Mais dans l'intervalle elle va provoquer toujours plus de rancoeur et de division parmi les Américains, menacer l'équilibre constitutionnel des Etats-Unis, saper l'ensemble du système financier mondial et multiplier les concessions aux ennemis de la liberté.

ARMAND LAFERRERE
Octobre 2009

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Qui, a fait quoi, et à quelle date ?

- Alaric, a éteint le feu sacré, à Rome, en 410.


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 Sujet du message: Re: Obama aime-t-il ses amis ?
MessagePosté: Lun 15 Fév 2010 12:34 
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Merci Huyustus d'avoir pris la peine de poster cet article.
Qui est polémique, excessif, politiquement orienté, reprend sans les vérifier des arguments et thèmes anti-Obama propagés par le GOP/extrême droite, comporte plusieurs contre-vérités et erreurs factuelles majeures, d'autant plus inexcusables qu'une recherche sur wiki aurait suffi pour les éviter, développe des arguments absurdes et est globalement mal informé sur les réalités politiques américaines.
Je n'ai pas le temps de relever toutes les erreurs et absurdités; en voici quelques -unes en vrac.
BO n'est pas allé à Yale mais à Harvard. Confondre les deux, ce serait un peu comme de confondre Sciences Po et Normale Sup pour un Français. Quelqu'un qui commet une telle bourde clairement ne connait pas la société américaine.
Il reproche à BO de n'avoir jamais rien géré avant d'arriver au pouvoir. Un survol rapide de la liste des présidents US lui aurait appris que de nombreux présidents américains n'ont pas passé par la case "gouverneur" avant d'être élus président mais par celle de Représentant ou de sénateur, comme JFK; on en a déjà parlé ailleurs et cela ne constitue certainement pas un handicap aux yeux des électeurs.
Il le traite de "militant de l'agitation sociale", ce qui est un contresens politiquement orienté sur son travail social pour le compte d'un conglomérat de paroisses de Chicago (voir plus haut).
Il l'accuse (reprenant les propos récents de Carl Rove et du GOP) d'avoir, après un an de présidence, le taux d'approbation le plus bas de tous les présidents modernes. C'est faux: Ford et Truman avaient des taux plus bas à la même époque, et Reagan et Clinton légèrement supérieurs, mais il est hasardeux de considérer la différence comme vraiment significative du fait qu'elle est dans la marge d'erreur des sondages.
Il accuse BO d'avoir appartenu à l'extrême gauche; BO n'a jamais appartenu à l'extrême gauche, sauf si l'on considère--comme l'auteur apparemment--que tout ce qui est à la gauche de Cheney est l'extrême gauche :roll: . L'article ci-dessous rappelle par exemple que BO a toujours dénoncé les "excès" politiques et sociaux des 60/70s.
Il l'accuse d'être devenu président sans avoir combattu. Et pour cause: BO est trop jeune pour avoir combattu dans une des guerres menées par les US à l'époque où la conscription existait encore. A l'âge de l'armée de métier, pourquoi diable faudrait-il nécessairement avoir été militaire pour être président? Bush (et Clinton) n'ont pas combattu non plus--alors que tous les deux étaient en âge d'aller au Vietnam alors que le "draft" existait encore.
Il affirme que les américains ont toujours été majoritairement contre une réforme de santé basée sur une "public option''. C'est contestable: plusieurs sondages (dont j'ai fait état) effectués peu après l'arrivée au pouvoir de BO semblent indiquer le contraire.
Tout ce qu'il écrit sur Van Jones est inexact, déformé ou mal informé, mais cela prendrait un post aussi long que celui que je viens d'écrire pour en parler, donc je passe--pour le moment.
Etc etc.
Pour tout dire,cet article manque de pondération, de rigueur intellectuelle, de cohérence réflexive--et donc de sérieux: sans parler de son biais politique apparent, il y a trop d'erreurs factuelles pour qu'on puisse lui accorder une quelconque crédibilité.

Dans un article du Washington Post de ce matin "The Second Clinton" développant une comparaison entre Clinton et BO, et concluant que l'actuel président a beaucoup à apprendre du politicien habile qu'était BC:
"And they share a major weakness: Both believe so devoutly in their capacity to convert adversaries and to get lions and lambs to lie down together that they spend more energy trying to win over their enemies than rallying their friends. This leaves them helpless when the lions continue to devour the lambs." (Et ils partagent une faiblesse majeure: tous les deux sont si convaincus de leur capacité à convertir leurs adversaires et à amener les lions et les agneaux à vivre ensemble qu'ils dépensent plus d'énergie à essayer de gagner leur ennemis à leur cause qu'à rallier leurs amis. Ce qui les laisse désarmés quand les lions continuent à dévorer les agneaux).

http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/co ... 02894.html


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 Sujet du message: Re: Obama aime-t-il ses amis ?
MessagePosté: Lun 15 Fév 2010 15:17 
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Tonnerre a écrit:
son travail social pour le compte d'un conglomérat de paroisses de Chicago (voir plus haut).
S'il s'agit de paroisses noires pratiquant le ressentiment contre les blancs et le "Dieu maudisse l' Amérique" du pasteur Wright, il y a lieu de s'interroger. Je reprends vos propos Tonnerre sur la caractère habituel des propos anti-blancs de certaines paroisses noires. Ces propos ne sont pas pour moi si formels mais au contraire révélateurs d'un certain climat que la pensée unique essaye de banaliser. Un peu comme en France, pour certains Imams ou dans nos banlieues.
Citation: " Il faut savoir que des propos comme ceux de Wright sont assez courants dans les églises noires américaines à pasteurs charismatiques--il faut bien attirer les fidèles, car il y a de la concurrence et ce sont les dons des fidèles qui font vivre les églises. Et donc un peu ou même beaucoup de racolage et de provocation sont utiles pour ça; et le couplet (pas historiquement faux ) sur la culpabilité des blancs fait toujours recette, c'est un thème qui soude la communauté black."

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MessagePosté: Lun 15 Fév 2010 16:58 
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Citation:
S'il s'agit de paroisses noires pratiquant le ressentiment contre les blancs et le "Dieu maudisse l' Amérique" du pasteur Wright, il y a lieu de s'interroger.


Je ne condone pas le remâchage de ces obsessions ressentimentaires; je les trouve en fait passablement irritantes, en plus d'être abêtissantes et contre-productives pour les Africains américains eux-mêmes.
Mais c'est une extrapolation abusive d'assumer comme vous le faites que ce discours ressentimentaire, quoiqu'assez répandu dans la communauté noire, serait celui de tous les noirs américains. Qui vous permet de penser en particulier que c'était celui qui prévalait dans les paroisses catholiques pour lesquelles a travaillé BO? Vous n'en savez rien (et moi non plus). Si vous avez des informations qui le prouvent, produisez les. Sinon, c'est de la spéculation gratuite (et diffamatoire pour les Africains-américains).
Et surtout, est-ce que c'est sur la base de ce qu'Obama a fait ou pensé il y a 25 ans qu'il faut évaluer ses positions politiques actuelles? Pratiquement tous mes amis LCR ou maos des années 70/80 sont maintenant solidement de droite. Les questions qu'il faut se poser pour comprendre les positions du président, c'est "combien de Goldman & Sachs dans son administration? " ou "qu'est ce qu'il a fait pour limiter les foreclosures et réguler les pratiques bancaires" ou encore " quels profits la réforme de santé en l'état actuel va t'elle rapporter aux HMOs" au lieu de s'interroger sur le fait que BO a fumé de l"herbe quand il était étudiant ou s'il lui est arrivé de lire (horreur) certaines oeuvres de Marx.
Je ne vois pas ce qu'apporte à un débat politique éclairé (ou essayant de l'être) ce recyclage des accusations rituelles de la droite contre Obama, accusations sans aucune preuve ni base factuelle, souvent délirantes et témoignant d' une pathologie collective renvoyant à l'extrême-droitisation du GOP. Dans ce parti, le débat politique n'existe plus que sous la forme de diffusion de rumeurs et de calomnies--plus c'est délirant, plus c'est efficace--et cette trivialisation du débat permet en outre de détourner l'attention des électeurs des vrais problèmes.

D'autre part, il n'est pas intellectuellement honnête de dénoncer un discours politico-religieux extrémiste et anti-blancs chez des pasteurs noirs, tout en laissant passer le discours aussi raciste et extrémiste, sinon plus, tenu par de nombreux pasteurs fondamentalistes blancs. Il n'est pas honnête de dénoncer les liens de BO avec un pasteur afrocentré et d'exonérer McCain et Bush pour leur association avec des pasteurs fondamentalistes chrétiens. De nouveau, le deux poids deux mesures et l'indignation sélective en fonction de l'orientation politique et de la race relèvent de la polémique partisane, pas du débat politique informé.
Je trouve ça regrettable mais le fait est qu'une bonne partie des mouvances politico-religieuses américaines sont entachées d'extrémisme; et surtout, on le sait, les mouvances d'extrême droite sont traditionnellement bien plus importantes numériquement et culturellement aux US que les mouvances d'extrême-gauche, quasi inexistantes au sens propre de nos jours: depuis la fin du cycle des 60s, les mouvements progressistes, anti-guerre, communistes ou socialistes sont devenus rares et leurs adhérents se comptent au plus par centaines.
Les accusations présentant BO comme un extrémiste communiste et/ou un nouveau Malcolm X renvoient essentiellement aux fantasmes paranoiaques traditionnels de la droite américaine et sont d'autant plus ineptes qu'il y a de moins en moins de tels mouvements radicaux et d'extrême gauche aux US--et ce depuis assez longtemps-même Farakhan est en perte de vitesse.


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 Sujet du message: Re: Obama aime-t-il ses amis ?
MessagePosté: Mar 16 Fév 2010 11:00 
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Cherchant des informations sur ce qui se passait dans ces paroisses catholiques pour qui a travaillé BO comme "community organizer" de l'âge de vingt-quatre ans à vingt sept ans, voilà ce que j'ai trouvé de plus détaillé, dans la revue anglophone des Jésuites "Thinking Faith".
BO a été engagé pour diriger le DCP (Develoment Community Project), une action développée sous l'égide de la "Calumet Community Religious Conference", une alliance d'églises (catholiques, protestantes et évangéliques) qui cherchaient à aider leurs fidèles à améliorer leurs conditions de vie et leur environnement.
L'article explique ce qu'est un "community organizer": "ce n'est pas un gourou, ni un messie, ni un facilitateur, ni un conseiller, ni un fournisseur de services, ni une soeur de charité, ni un idéologue ni un activiste. .." Un organisateur social est seulement quelqu'un qui fournit les connaissances techniques nécessaires aux citoyens pour qu'ils puissent acquérir les compétences et l'influence nécessaires pour faire aboutir leurs projets d'amélioration de leurs conditions de vie et professionnelles.
Un leader de la CCRC précise que ce groupe regroupe environ 3 000 églises, congrégations et associations et des dizaines de milliers de pasteurs, rabins, religieuses et religieux, et laics.
Concrètement ces gens cooopèrent pour obtenir des réformes locales, lutter contre la corruption de certaines municipalités, combattre la propagation de la drogue dans certains quartiers, obtenir le nettoyage et l'entretien des rues, des immeubles et des espaces publics, empêcher les gangs locaux de faire la loi, lutter contre les pollutions et nuisances causées par certaines industries locales, s'occuper des jeunes, leur organiser des stages de formation, leur trouver des jobs d'été etc. Ils encouragent aussi (et aident matériellement) les noirs et hispaniques à se faire inscrire sur les listes électorales et à voter.
Obama était payé par la Catholic Church Campaign for Human Development (CHD) placée sous le contrôle de la Conférence épiscopale et c'est l'évêque de Chicago d'alors, Bernard J. Sheil, qui était un des principaux superviseurs et soutien de BO dans son travail. Les bases méthodiques et doctrinales sur lesquelles opérait la CCRC et le concept même de "community organizer" avaient été développés par Saul Alinsky dans les années 40. Alinsky était un ami de Jacques Maritain, lui-même considéré comme un des pères intellectuels de la démocratie chrétienne, qui voyait dans le mouvement d'Alinsky "un instrument de renouveau spirituel et de la citoyenneté démocratique". Alinsky était aussi proche de l'archevêque Montini, plus tard pape sous le nom de Paul VI, et lui avait suggéré des stratégies pour limiter les progrès du Parti Communiste parmi les travailleurs catholiques italiens. Alinsky a eu un impact décisif sur le mouvement catholique pour la justice sociale aux US et il est considéré (dixit ses bios sur le net) comme "un des grands leaders de la gauche non socialiste américaine".
Selon l'article, les organisateurs modernes ne cherchent pas seulement à résoudre des problèmes sociaux, ils cherchent aussi à diffuser les vues catholiques sur ces problèmes sociaux. L'organisation sociale fait maintenant partie de la culture des églises catholiques américaines en zone urbaine et la formation aux théories et méthodes d'Alinsky est dispensée dans les séminaires catholiques, comme étant "un véhicule de renouveau politique par la foi" dans lequel se combinent les valeurs morales, les sentiments collectifs et l'intérêt personnel. . En tant qu'organisateur social, ajoute l'article, BO "a découvert le pouvoir de la foi pour unifier les gens autour d'un espoir commun".
Ce qui jette un éclairage intéressant sur le style assez religieux de sa campagne présidentielle.

http://www.thinkingfaith.org/articles/20081103_1.htm


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 Sujet du message: Re: Obama aime-t-il ses amis ?
MessagePosté: Mar 16 Fév 2010 15:40 
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OK, rien à voir semble t-il avec le pasteur Wright, je m'interrogeais: " S'il s'agit de paroisses noires pratiquant le ressentiment contre les blancs ...". Pas le cas donc.

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 Sujet du message: Re: Obama aime-t-il ses amis ?
MessagePosté: Mar 16 Fév 2010 18:41 
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OK, rien à voir semble t-il avec le pasteur Wright, je m'interrogeais: " S'il s'agit de paroisses noires pratiquant le ressentiment contre les blancs ...". Pas le cas donc.


D'après ce que j'ai lu, Trinity ne figurait pas parmi les huits paroisses pour le compte duquel BO était organizer.
BO a certainement voulu entrer dans une église du South End pour mieux être accepté dans la communauté noire (dont il n'avait pas fait partie auparavant, ayant été élevé par des blancs). Il a choisi spécialement Trinity à cause de la personnalité de son pasteur, Wright, un ex-Marine, qui est perçu comme un 'intellectuel: il a un MA (maitrise) en anglais de Howard University, un MA en théologie de l'université de Chicago et un PhD (Doctorat) en enseignement pastoral du séminaire de Dayton. Les pasteurs noirs n'ont pas souvent ce niveau d'éducation.
C'est cette dimension d'intellectualité, la possibilité de discuter politique, théologie etc avec un homme éduqué qui aurait attiré BO, et aussi le non-conformisme de Wright: celui-ci est totalement opposé à la prière obligatoire à l'école et ardemment pro-gay (il y a de nombreux couples gays et lesbiens qui fréquentent son église). Il a une interprétation non littérale, non dogmatique de la Bible et des Evangiles, et c'est aussi une des choses qui auraient plu à BO. Tout cela est rare chez les pasteurs noirs, qui sont généralement assez stricts et conservateurs, en particulier sur la question gay. L'église de Wright est socialement diverse et inclusive: il y a des blancs, des gays, des noirs classes moyenne et des noirs pauvres. Cette diversité sociale aurait été un autre atout pour le président.

http://www.tnr.com/blog/the-stump/whyd- ... irst-place


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