Alain.g a écrit:
Il est habituel de souligner combien les EU dépendent de la Chine pour placer leurs bons du trésor et équilibrer leurs comptes. On a fait de cette situation une preuve de la fragilité américaine et un facteur d'inquiétude. Mais Dean Baker, économiste spécialiste de politique économique, écrit que cette crainte est une fausse peur, car la FED pourrait acheter les bons à la place de la Chine, sans problème majeur. Certes, il y aurait alors poussée inflationniste par hausse des taux d'intérêt aux EU. Et alors dit Baker, n'est-ce pas la meilleure voie de reprise.
Quand à la Chine, elle serait aussi soumise à une forte inflation, ce qui aboutirait à réévaluer le Yuan. Exactement ce que demandent en vain les EU. Voila pourquoi dit Baker, le risque que la Chine cesse d'acheter près de 900 Mds de dollars de bons américains ne doit pas nous inquiéter, la Chine ne le fera pas et si elle le fait ce n'est pas si mauvais.
Je voudrais réagir sur cette allégation qui tend en effet à faire croire au quidam que les Américains seraient dépendants de leurs créanciers. Mais les Américains ne sont dépendants de personne enfin ! S’ils ont besoin de dollars ils les fabriquent, puisqu'eux ont conservé leur droit légitime de battre monnaie (de manière détournée certes, puisqu'au taux appliqué par la FED qui est, faut-il le rappeler, statutairement de droit privé). Les Chinois détiennent pour approximativement 2000 milliards de réserve de change libellée en dollars, or le déficit budgétaire américain atteint dors et déjà près de 1500 milliards de dollars pour l'année fiscale en cours. Les Chinois ne peuvent donc pas le payer à eux seuls et pourtant ce déficit sera payé. Il sera payé en dernier recourt par la Réserve fédérale des États-Unis, comme cette dernière le fit au premier trimestre de l'année précédente peu avant le G20 de Londres en achetant pour 300 milliards de dollars, monétisant ainsi une (petite) partie de la gigantesque dette de l'Etat fédéral (près de 13000 milliards de Dollars).
J’insiste là-dessus: un discours récurrent consiste à dire que les Américains sont dépendants de leurs créanciers, en réalité ils ne s'en soucient guère. En revanche leurs créanciers sont dépendants des Américains, car ce sont eux qui subissent à coups sûr les pertes quand ces avoirs diminuent. N'oublions pas la fameuse formule des Américains: "le dollar c’est notre monnaie, mais c’est votre problème" !
Non, la seule menace crédible pour les Américains c’est qu’une monnaie se substitue au dollar comme monnaie de réserve mondiale. La seule. Or il n’y a pas, aujourd’hui, et c'est le moins que l'on puisse dire lorsque l'on voit l'état de décrépitude de l'eurozone, de monnaie de substitution.
Lorsque peu avant la survenue de la crise financière l’Euro était à 1,60 dollar, la BCE pouvait parfaitement faire baisser l’euro, il suffisait qu’elle se porte sur le marché des changes. Sans être dans le secret des dieux, je crois savoir qu’il y a eu un débat assez violent à l’eurogroupe. M. Steinbrück aurait dit en substance à Mme Lagarde: "Nous ne nous sommes peut-être pas compris au moment du Traité de Maastricht, il serait donc souhaitable de mettre les choses au point et de se poser la question de ce qu’on va faire désormais".
Concrètement, si les Européens et la BCE avaient racheté à ce moment des dollars sur le marché des changes, ils auraient savouré, comme la Banque centrale de Chine, le plaisir ineffable de voir ces dollars se dévaloriser à grande vitesse. Les bons du Trésor que détient la Banque centrale de Chine sont sur la base d’un taux d’intérêt moyen de 3%. On peut néanmoins faire l’hypothèse vu l'état des finances de l'Etat fédéral US que le taux d’intérêt à long terme aux États-Unis finira par augmenter mécaniquement, plus encore en cas de crise de change, grave et avérée, à l'échelle mondiale, comme cela tend à évoluer. Si les taux long passe mettons à 6%, les 2000 milliards de dollars de réserve de la Banque centrale de Chine vaudront deux fois moins en une année. Donc accumuler des dollars ce n’est pas de l’épargne de précaution, c’est de la simple bêtise. La BCE ne veut pas s’y risquer à raison. Moyennant quo, les Américains sont dans une situation de privilège exorbitant et je maintiens qu’il n’y a pas de rival au dollar.
Dans la masse financière qui plane sur le monde il y a malgré tout un endetté en dernier ressort: le Trésor public américain, assignat ultime. Seul un mélange de faillites de banques et d’inflation pourrait résorber tout cela. Cette inflation ne se portera pas sur les biens de consommation mais on assistera à des explosions colossales sur les valeurs patrimoniales (c’est déjà le cas sur la terre arable) et sur un certain nombre de biens, notamment de matières premières agricoles. Et ce sont les gens qui sont au bout de la chaîne agricole qui en subiront les conséquences. Devinez qui ?