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Ce sont des stratèges du long terme.
C'est un contresens total sur le fonctionnement de la culture américaine; c'est bien évidemment l'inverse qui est vrai, et de façon flagrante, tant en matière de politique étrangère que de stratégies économiques.
Le court terme est intrinsèquement à la base de la weltanschauung économique américaine, et ce de par la symbiose fondamentale entre US et capitalisme.
Or, et on le voit bien avec la survenue régulière des crises et des cycles "boom-bust" dans ce système, il n'y a de capitalisme que de court terme.
Si le capitalisme fonctionnait à long terme, les décideurs et les citoyens lambda se soucieraient des effets inévitables et pernicieux que ne peuvent manquer de produire certaines de leurs décisions, conduites et politiques étendues sur la durée et chercheraient à tout prix à les éviter.
Or il n'en est rien, le citoyen US standard pratique la politique-réflexe du "take the money and run": prendre le plus possible de profit quand l'opportunité se présente, il sera bien temps de penser aux problèmes quand ils se présenteront.
Pour prendre un exemple actuel, un enfant de 13 ans moyennement doué aurait pu prédire qu'une multiplication de prêts à des ménages incapables de les rembourser, leur titrisation répandant mondialement ce risque comme un virus et un endettement général desdits ménages, des compagnies et de l'Etat sans commune mesure avec la quantité de richesses réellement produites ne pouvait que se terminer par une remise des pendules économiques à l'heure assez sanglante.
Et pourtant, malgré les voix de quelques Cassandres, le système a persisté à nier l'évidence et a continué à foncer droit dans le mur.
Ces crises inhérentes au capitalisme, à l'échelle de l'histoire, ne sont pas non plus entièrement catastrophiques; ce sont aussi des périodes de mue pendant lesquelles le système capitaliste se métamorphose et se modernise pour survivre, maigrit pour se remettre en forme, des sortes de bourrasques qui débarrassent le vieil arbre de ses branches mortes. Le capitalisme avance comme un enfant qui apprend à marcher: de chute en chute, mais il marche néanmoins.
Cet aveuglement structurel du capitalisme au long terme avait d'ailleurs été très bien mis en évidence par le marxisme, qui comptait sur cette caractéristique pour amener la fin de ce système.
Ce que n'avaient pas saisi Marx ni Lénine (auteur du fameux axiome stigmatisant humoristiquement le court termisme fondamental du capitalisme: "les capitalistes sont si bêtes qu'ils nous vendront la corde pour les pendre"°, c'est que c'est justement par ses crises que le capitalisme se régénère.
Et pour ce qui est de la politique extérieure, la spécialité américaine, c'est justement de créer des Frankenstein, de nourrir dans son sein des créatures et entités politiques qui se retournent contre leur créateur: aider les rebelles afghans contre les Soviets et créer ainsi Al Qaida, soutenir l'Arabie séoudite qui répand mondialement le fondamentalisme wahabite, renverser le "terroriste" Saddam Hussein et ainsi favoriser le recrutement mondial du terrorisme et permettre à l'Iran shiite d'accroître considérablement son emprise au MO, je pourrais citer maints autres exemples de ces décisions à courte vue qui produisent à long terme exactement les effets auxquels elles étaient censées remédier.