isac654 a écrit:
Quand j'avais lu le livre de Edward Behr "une amérique qui fait peur". Celui-ci déclarait que Détroit ressemblait à Sarajevo moins les trous d'obus.
Il y a une énorme différence, aux USA ils ont les moyens s'ils le désirent de faire en sorte que Détroit ressemble à ce qu'ils désirent.
isac654 a écrit:
Je pense aussi à la Californie en 2001 ou il y avait des pannes d'électricité immense organisées sciemment par Enron.
Je travaille dans une centrale nucléaire et je connais comment fonctionne un système électrique. Je me suis intéressé aux pannes d'électricités californiennes. Elles n'ont pas été organisées sciemment par Enron, mais elles sont le fruit de décisions politiques qui ont donné à Enron et à d'autres le pouvoir de faire d'un produit qui pourrait être abandonnant et peu onéreux un produit cher car ils en avaient organisé la pénurie. Enron, n'est que la conséquence. SI ça n'avait pas été eux, ils y aurait une autre entreprise qui aurait profité de l'opportunité.
Or, ce qui a été mis à l'œuvre en Californie, mais aussi dans la plupart des états américains avait déjà été mis en place par madame Thatcher en Angleterre, ce qui avait permit de constater que pour crée un vrai marché libre de l'électricité, il faut 3 conditions :
- des producteurs indépendants et surtout pas en situation de soumission aux distributeurs;
- des distributeurs indépendants et surtout pas en situation de soumission aux producteurs;
- une autorité de régulation du marché qui a les moyens de contraindre les divers acteurs de respecter les règles du marché et garantir le respect de l'intérêt général.
Les 2 premiers points doivent garantir qu'il n'y a pas création d'un monopole naturel qu permettrait à l'un des 2 acteurs de tirer d'énormes bénéfices au détriment de l'autre. Le dernier sert à garantir que les acteurs du marché ne se mettent pas d'accord pour "plumer" le client final.
En Angleterre, le système a eu du mal à fonctionner. Dans un premier temps, les distributeurs avaient trop de pouvoir. Le prix de l'électricité à baissé, ce qui à permit aux conservateurs anglais de montrer la perfection du système puisque les prix de distributions d'électricités baissaient. Sauf que pendant 15 ans, personne en Angleterre n'a investi ni dans la sûreté nucléaire (ce que je trouve criminel), ni dans la mise en place de nouveaux moyens de production.
Donc, à un moment, le gouvernement anglais s'est rendu compte que les centrales nucléaires anglaises risquaient de devenir dangereuses pour la santé publique. L'affaire fut résolue très discrètement : nationalisation (sans punir les investisseurs qui n'avaient pas rempli leur part du contrat de concession) et investissement de deniers publics pour remonter le niveau de sûreté à un seuil acceptable, suivi de la revente du parc nucléaire avec des contrats de concession plus restrictifs.
Mais, ce qu'ils ne purent cacher fut la montée inexorable des prix provenant du manque de moyens de productions. Puisque la consommation continuait de croitre lentement et continuellement. Cela fit la faillite de la plupart des distributeurs qui furent rachetés par des sociétés étrangères comme par exemple EDF. En fait, elles ne firent pas vraiment faillite, parce que les investisseurs qui les possédaient les vendirent dès qu'elles ne produisirent plus assez de retours sur investissements ... Mais, la plupart furent très proches, à quelques mois prêts à une faillite générale.
Pendant toutes ces décennies, le gouvernement avait bien fait l'analyse que son autorité de régulation n'en avait pas d'autorité. Donc, il y eut des réformes pour lui donner un réel pouvoir pour qu'elle puisse remplir son role.
Et Enron, alors ? Aux USA, la libéralisation avait été différente. L'on avait bien vendu les producteurs et les capacités de treansport, mais pour diverses raisons, les sociétés de distributions bien que de droit privé appartenaient souvent à des collectivités locales. Mais surtout, elles étaient liées à des contrats de distributions avec ces collectivités locales. En clair, le prix de vente à l'utilisateur final dépendait du contrat signé entre les diverses municipalités et les sociétés de distribution. Pour ces sociétés, la situation était la suivante : prix de vente fixé sur le long terme avec souvent des clauses pour que celui-ci baisse avec le temps, mais prix d'achat de l'électricité totalement libre et fixé sur la loi de l'offre et de la demande. Malheureusement pour eux, certains se sont rendu compte qu'il est facile d'organiser une pénurie dans un tel système si on possède un des acteurs principal du système: les capacités de transport. Il suffit de ne pas acheter de courant aux producteurs (ce qui fait baisser les prix de la production, il n'y a pas de petits profits) et de l'autre coté, prétendre que l'électricité est chère et donc la vendre le plus cher possible aux distributeurs. Quand on mène bien sa barque dans une telle situation, en langage populaire, on pourrait dire qu'Enron tondait aussi bien les producteurs que les distributeurs. Mais, le gros problèmes, c'est qu'ils le firent au-delà du raissonable et avec la bénédiction des politiques qui étaient éblouis par la réussite de cette société.
Cela a eu 2 conséquences :
- coté producteurs, une fuite des capitaux ce qui a entrainé la fermeture de centrales de productions, mais surtout un manque d'investissements pour suivre l'augmentation de la consommation;
- coté distributeurs, ils ne pouvaient plus fournir les capacités qu'ils s'étaient engagés à fournir. De plus, le prix de vente de l'électricité n'avait plus rien à voir avec le prix d'achat.
Cela a donné le résultat que l'on connait ou dans la plus grande puissance économique mondiale il y a eu des coupures et des rationnements d'électricité.
Les responsables principaux ? Enron n'est qu'un profiteur d'une situation qu'il a contribué à entretenir et à "améliorer" à son avantage. Les vrai responsables, ce sont ceux qui ont mis ce système en place : un système sans capacité de régulation. Un système ou certains des acteurs étaient totalement à la merci d'un monopole naturel. Monopole naturel dont on avait mis en place toutes les conditions pour qu'il puisse émerger et perdurer. En fait, ce sont les mêmes économistes qui ont transformés certaines zones de Detroit en un taudis indigne d'une ville du pays émergents. Ce sont les mêmes qui nous ont conduit dans la situation actuelle. Enron aurait pu être un avertissement, on a préféré n'y voir qu'un simple cas particulier en diabolisant à l'extrême ses dirigeants. Ce qui a permit de laver les mains de ceux qui leur avaient remis ce pouvoir en main ...
A ce qui seraient intéressés par les problèmes d'énergie, je conseille le livre de Jean-Marie Chevalier : Les grandes Batailles de l'énergie chez folio actuel ISBN 2-07-0313312-3 Bien sûr qu'il date un peu (octobre 2004), malgré tout, il s'agit d'une analyse très pertinente qui annonce bien des difficultés actuelles.