Le GOP peut-il faire son come back?
Beaucoup d'observateurs, y compris dans les rangs conservateurs, s'accordent pour constater qu'il est en piteux état:
http://www.nytimes.com/2009/04/13/opini ... .html?_r=1Dans cet article récent, Paul Krugman souligne qu'il est devenu le parti d'une minorité; cela semble assez peu discutable, ne serait-ce que pour des raisons démographiques--alors que les blancs seront devenus minoritaires dans 15 ou 20 ans, le PR reste obstinément un parti de blancs, et un parti de blancs du Sud qui plus est---il n'est que d'observer le public des meetings républicains pour réaliser à quel point les minorités en sont absentes.
Parti minoritaire aussi parce que son discours serait gravement déconnecté des préoccupations actuelles de l'électeur moyen, ce qui est particulièrement flagrant dans la (non)réponse du GOP à la crise économique: les Républicains ont refusé de voter le "stimulu package" (plan de relance) de l'administration Obama à la Chambre des représentants, refusé de voter des crédits pour rénover les infrastructures (autoroutes, ponts, égouts, etc.), ont posé qu'il n'était pas souhaitable que l'Etat renfloue les grandes compagnies menacées de faillite, que c'était mauvais parce que cela accroissait la dette publique (déjà considérable suite aux baisses d'impôts républicaines entre autres, et ce alors que Reagan avait incarné la notion que les deficits publics ne comptent pas), et aussi parce que cet engagement financier de l'Etat dans des compagnies diverses détruirait l'entreprise privée et faisait avancer le pays à pas de géant vers le socialisme.
Selon eux, mieux vaut laisser mourir les compagnies/canard boiteux de leur mort naturelle, quite à provoquer une considérable aggravation du chômage aux US et à faire souffler un vent de panique sur toute l'économie américaine par l'effet domino que des faillites en chaîne de très grandes compagnies ne manquerait pas de provoquer.
Ils continuent impertubablement à soutenir la privatisation des retraites, à un moment où les électeurs qui avaient des comptes retraites (401K) investis en bourse ont vu ces comptes fondre de 40%; ils ont refusé aussi de voter une disposition permettant aux propriétaires en difficulté de renégocier leur emprunt pour éviter que leur maison ne soit saisie par leur banque en cas de situation de défaut de paiement. Et refusé de voter des crédits pour les emprunts étudiants, pour le planning familial, pour la couverture maladie (minimale) des plus pauvres (Medicaid), etc. Le message que tout cela fait passer est clair: vous êtes une victime de la crise économique, tant pis pour vous, "you are on your own".
Un tel darwinisme économique intégral passe mal auprès des électeurs américains en ce moment: dire aux chômeurs et aux propriétaires expropriés: vous avez tout perdu, c'est regrettable mais ce n'est pas notre problème; ne comptez pas sur nous pour vous apporter l'aide de l'Etat pour vous en sortir car cela va à l'encontre de nos dogmes économiques, ce n'est pas vraiment un message porteur pour les prochaines élections législatives.
De plus, leurs propositions de sempiternelles "tax cuts for the rich" (baisse d'impôts pour les riches), qu'ils proposent d'octroyer aux grandes compagnies comme solution miracle à la crise (après plusieurs décennies de cadeaux fiscaux républicains aux contribuables les plus favorisés) passent tout aussi mal, dans un contexte de parachutes dorés pharamineux et de bonus exorbitants reçus par des dirigeants de compagnies renflouées par l'Etat. Les Etats-Unis sont depuis la fin des années 60/70 un pays où la protestation sociale est minimale, où les syndicats sont faibles et où les travailleurs sont plutôt dociles, mais la crise fait souffler un vent de populisme sur ce pays, et le déni qu'opposent les Républicains à ces sentiments "anti-riches" qui travaillent les profondeurs de l'opinion publique risque de leur coûter cher politiquement.
D'après Krugman, les Républicains ne peuvent actuellement jouer aucun rôle politique important, ne peuvent plus influer sur la politique US de façon significative; cependant, ils gardent encore le pouvoir de détruire les démocrates, tout au moins de les harceler et de leur causer des dommages importants--en bref, ils ne représentent plus actuellement qu'un pouvoir de nuisance. Comme tels, leur seule option politique est l'opposition systématique en général, et l'obstructionnisme au Sénat en particulier, dont ils ont amplement usé jusqu'ici. Mais même cette dernière arme va leur être enlevée par la confirmation, après trois mois de contestations et de vérifications, de l'élection du démocrate (et ex stand up comedian) Al Franken au poste de sénateur du Minnesota, qui leur donne la majorité au sénat.
Cette "stratégie refuge" d'opposition systématique les incite plus que jamais à avoir recours à leurs arguments habituels de "culture war", et à leurs sempiternelles méthodes de rumeurs et d'attaques personnelles, extrêmes, absurdes et souvent contradictoires.
Quelques exemples de cette rhétorique républicaine: Obama est un socialiste, son plan de relance est du "marxisme économique" (Bachmann), il veut détruire le capitalisme en faisant rentrer l'Etat comme actionnaire/bailleur dans des top 50 companies, détruisant ainsi la notion même d'entreprise privée. Michelle Bachmann, représentante du Minnesota au Congrès, l'accuse aussi de vouloir créer des "politically correct reeducation camps where young people would be trained in the philosophy the government puts forward" (des camps politiquement corrects où les jeunes seraient formés à la philosophie soutenue par le gouvernement). Elle accuse le président de tyrannie, taxe certains membres du Congrès d' "anti-américanisme", et invite les medias à enquêter sur le patriotisme de ces politiciens. BO est accusé de vouloir transformer les US en pays socialiste européen comme la France ou la Suède, et le parti Démocrate est invité à se rebaptiser "Parti Socialiste Démocrate" américain.
Contradictoirement, Glenn Beck, célèbre "shock jock" de la droite, traite BO de fasciste, tandis que Quinn Hyllier compare les 100 premiers jours du président à la Maison blanche aux 100 premiers jours de Mussolini après sa prise du pouvoir. Obama, marxiste ET fasciste? Accordez vos violons!
Autres spécialité Républicaine, la rumeur délirante: après avoir été accusé d'être musulman et d'avoir été éduqué dans une madrassa (école coranique), BO est maintenant accusé de ne pas être né en Amérique, donc de ne pas avoir été élu président légalement (il faut être citoyen et né aux US pour pouvoir être candidat à la présidence). Enfin, on lui reproche d'avoir aggravé la crise économique--causée par les Dems.
Ce qui amène Krugman a son dernier point: le GOP est "fou" (et selon lui, il l'était déjà tout autant il y a 15 ans, ce avec quoi je ne suis pas tout à fait d'accord). Il n'a rien à proposer politiquement, hormis des idées discréditées. Il ne représente pas une alternative viable aux Démocrates, sa capacité de proposition est nulle, le naufrage de l'hyperlibéralisme l'a laissé idéologiquement sur le sable et il n'y a pas de personnalité forte, de vrai leader rassembleur pour en prendre la tête. Steele ne fait pas le poids et est même un maillon faible; Bobby Jindall, Huckabee, Romney et Palin sont inconsistants et/ou intellectually challenged. Les vrais leaders du GOP, ce sont les "shock jocks" charismatiques comme Rush Limbaugh, Shean Hannity ou Michael Savage, ces grandes gu...les hyperréactionnaires qui tiennent une place disproportionnée sur les ondes (radios) américaines (pour donner une idée, Savage trouvait Bush II "trop libéral", au sens US de "trop à gauche" bien sûr.)
N'ayant à proposer que de vieilles recettes discréditées, ces "desperate Republicans" tendent à compenser ce vacuum par une surenchère délirante ("paranoid delirium" dit Krugman) et les pires excès dans les attaques personnelles et les rumeurs.
Récemment, pour tenter de sortir de ce marasme politique, le GOP a lancé le mouvement des "tea parties", mouvement de protestation antifiscale nommé par analogie à la "Boston Tea Party", révolte des contribuables américains contre le pouvoir colonial anglais.
Le concept à la base de ce mouvement, est que la pression fiscale résultant des réformes passées par les démocrates est devenue insupportable et que la classe moyenne en est ou va en être la première victime.
Ce qui est totalement faux: les réformes fiscales d'Obama ont justement pour but de réduire ladite pression fiscale sur les classes moyennes et inférieures et seuls moins de 5% des contribuables US verront leurs impôts directs augmenter. Et augmenter à un niveau ....d'environ 10% inférieur à ce qu'il était sous la plus grande partie de l'administration Reagan, rapporte Krugman. De nouveau, l'approche des Reps est de créer leur propre réalité en pratiquant la désinformation --suivant l'adage goebbelsien que "plus le mensonge est gros, mieux ça marche"-- mais ce qui leur a si bien réussi, du moins pendant un temps, sous l'administration Bush pourrait ne plus séduire les électeurs: à plus de 60% d'opinions favorables, les récents sondages d'opinion montrent que la popularité d'Obama auprès d'eux reste inchangée.