pierma a écrit:
Hé bien, on n'est sortis du sable.
A lire cela, je me demande si on a bien fait d'y aller. Probable que la mission ne dépassera pas la sécurisation de Bangui.
Sur son blog le fil de l'épée, le colonel Goya fait remarquer que les missions de stabilisation demandent des effectifs importants pour contrôler réellement la population. Pour lui, ces missions sont éventuellement plus dangereuses que certains conflits armés.
Bof, c'est une vieille pratique qui ne requiert que des combattants prêts à suivre tous les ordres et qui opère selon deux axes (et peut-être même deux temps recoupant le degré de soumission et d'obéissance des populations) :
- un axe hétéronome ou féodal où les communautés sont tenues pour responsables des actes interdits et sont prises en otages en cas d'infraction : ou bien elles réfrènent elles-mêmes les individus violents, ou bien elles sont exterminées mécaniquement et inéluctablement (par exemple, sinisation, occupation allemande, répressions coloniales et communistes, khanats mongols, Empire romain, Asie centrale sous Alexandre le Grand...) ;
- un axe autonome ou individualiste, où les individus illégalement violents sont punis de manière suffisamment douloureuse et indigne pour écoeurer un maximum de candidats (par exemple, justice romaine, justices totalitaires, justices féodales, telles qu'elles sont encore pratiquées dans les pétromonarchies arabes).
Les deux axes nécessitent une publicité organisée et revendiquée.
Sinon, pour les démocraties libérales actuelles, qui peinent de plus en plus à stabiliser leur propres territoires (les homicides y remontent depuis quelques décennies alors qu'ils y baissaient depuis des siècles), c'est un problème moral pour assumer une violence légitime et efficace contre les individus violents. C'est un peu plus aisé loin de leurs frontières et hors de la juridiction de leur magistrature égarée (Serbie, Libye, Mali).
Ca part d'une imposture intellectuelle sur les droits, en particulier les Droits de l'Homme, qui tend à occulter qu'ils ne sont que contrats et que tout contrat dénoncé par une partie devient caduque. En l'occurrence, les Droits de l'Homme ne regardent que ceux qui les respectent entre eux, et la précision
"et du Citoyen" de 1789 n'était pas vaine. Ils ne valent qu'entre "Hommes citoyens", citoyen étant entendu comme "respectant les droits de ceux qui les respectent".
Ce n'est pas qu'il est illégitime de respecter des droits parmi ceux qui ne les respectent pas, mais qu'il est légitime de ne plus les respecter. Ces individus violents, en violant ces droits, s'en excluent et en perdent le bénéfice et la protection.
Si l'on reprend l'exemple africain, la
cohérence et la
légitimité morales consisterait à donner aux forces armées françaises le droit (permission/autorisation/licence) d'abattre quiconque enfreint les Droits de l'Homme, en RCA comme en France.
Politiquement et idéologiquement, le discours n'y est pas et chaque parti centrafricain trouvera matière à nous dénoncer et à s'entretuer.
Faget a écrit:
Je me suis depuis longtemps posé la question pourquoi les Anglais qui avaient en Afrique un immense empire colonial et riche comparé à celui des Français ont tout dégagé il y a cinquante ans. Il n'y a plus un soldat britannique en Afrique, ni même une base aérienne. Pour être tout à fait juste, il y a eu il y a quelque temps une intervention ponctuelle en Sierra leone.
Les Britanniques n'ont jamais considéré les colonies qu'ils ne pouvaient peupler autrement que comme des comptoirs commerciaux et elles ne les ont occupées militairement que pour s'y garantir un accès (contre des ennemis autochtones ou étrangers). Dès lors qu'ils peuvent commercer librement, la coûteuse occupation est inutile.
Faget a écrit:
Alors pourquoi depuis 1962, date approximative des indépendances des états, cette politique - à
travers tous les gouvernements - de la Françafrique

La colonisation française est proprement impériale. Contrairement aux Britanniques et aux Pays-Bas, mais plus dans l'esprit espagnol, portugais ou romain, il s'agit d'étendre le
territoire impérial et de l'arrimer (économiquement, politiquement, culturellement, militairement) à la métropole. Cette impulsion est presque un impensé atavique de la politique française, qui garantit l'existence et la puissance de l'Etat français depuis les premières extensions du domaine royal jusqu'à l'apogée du domaine colonial en 1945, en passant pas les Etats latins du Levant et les campagnes napoléoniennes.
Pour le Royaume-Uni, chaque autochtone est chez lui ; pour la France, l'autochtone et son territoire deviennent français.
Après les indépendances, la plupart des colonies françaises poursuivent l'entregent des élites qui copinent et tapinent dans le dos des populations (françaises comme ex-coloniales), nostalgie de la "Paix impériale française".