Narduccio a écrit:
Disont qu'au début de la guerre civile, il y a 5 ans, tout semblait plus simple. Il y avait d'un coté un méchant dictateur qui rudoyait son peuple avec l'aide d'une minorité de la population et de l'autre un peuple qui aspirait à la liberté. Tout cela s'est transformé. Une partie de la classe moyenne et des classes aisées opposées au clan Assad ont choisi le chemin de l'exil. Ils furent souvent les premiers à partir et ce fut assez facile pour eux, comme ils avaient l'argent, ils n'ont eu qu'à acheter un billet d'avion, puis un nouveau logement et à trouver du boulot grâce à leurs diplômes.
Une autre partie de la classe moyenne et des classes populaires opposés à Assad à aussi pris le chemin de l'exil. Mais dans un premier temps, ils ont choisi de se réfugier dans des camps situés dans les pays limitrophes de la Syrie. Eux, ont fait un choix dicté par le sentiment que la situations e normaliserait en quelques mois... Ils ont perdu tout leur argent et leurs avoirs et certains d'entre eux cherchent à passer en Europe pour retrouver des conditions de vie acceptables.
Vous collez l'étiquette "opposant à Assad" à tous les réfugiés syriens, cela me paraît un singulier raccourci, il suffit de se rappeler les files de votants au Liban lors de l'élection présidentielle de 2014. Les gens sont partis parce qu'il y a des attentats tous les jours, des tirs de mortier, des enlèvements, des assassinats, une guerre civile. La vague de 2015, de loin la plus large depuis le début de la guerre est parfaitement corrélée avec les offensives rebelles sur Idlib et la chute de cette région, chute suivie d'un exil massif des "zones libérées" vers la Turquie. Il y a de tout parmi ses réfugiés, les premiers ont été des jeunes hommes, des déserteurs qui n'ont pas rejoint les rangs rebelles mais qui estimaient que l'armée syrienne était trop exposée.
Narduccio a écrit:
En fait, "globalement", les "démocrates" ont plutôt pris le chemin de l'exil. Mais certaines minorités n'ont pas eu le choix, les Chaldéens, les Yézidis, et bien d'autres... Dans le journal L'Alsace, j'ai vu l'interview de chaldéens réfugiés à Mulhouse. Ils racontaient que quand l'EI a pris possession de leur ville, ils ont vu certains de leurs voisins sunnites changer du tout au tout et acclamer des appels au meurtres des diverses minorités. Des gens du même milieu qu'eux et dont les enfants jouaient ensembles et allaient aux mêmes fêtes. En contrepartie, ce sont d'autres voisins sunnites qui les ont aidés à quitter la ville sain et saufs en les assistants du mieux possible et en les cachant.
Il est vraisemblable que ceux que vous appelez démocrates soient partis les premiers, mais j'aurai tendance à dire que pour la plupart ils sont partis bien avant, il y a une diaspora syrienne antérieure à 2011, elle était composée de pas mal d'opposants à la dictature. Permettez-moi de donner aussi un exemple, celui d'un collègue syrien qui m'a permis d'appréhender pas mal de choses en 2011. Ayant obtenu l'asile politique en Belgique, esprit cultivé et extrêmement tolérant, il présentait le profil parfait de l'opposant démocratique à la dictature Assad. Il a pourtant été le premier à me mettre en garde contre la couverture médiatique des événements de Syrie: exagération de la violence, du nombre de manifestations et agenda islamiste de Frères. Il aspirait à la liberté, mais n'importe laquelle...
Narduccio a écrit:
Pour diverses raisons, parfois l'argent, parfois les idées, parfois pour survivre des gens se sont engagés en faveur des diverses milices qui sont sur le terrain, soit pro-Assad, soit islamistes, djihadistes, kurdes, "de l'opposition démocratique", ou chez l'EI. Et comme chaque fois lors des guerres civiles, plus le conflit avance et plus il est difficile de séparer le bon grain de l'ivraie. On en arriverait à se demander quel camp n'a pas fait d'exactions envers la population civile ou envers des soldats des autres camps...
Au niveau de l'argent ce n'est pas compliqué: les rebelles sont mieux payés que l'armée, le rebelle touche entre 150 et 400 $, le soldat, de 80 à 150 $ et un repas chaud (le salaire du soldat a augmenté depuis le début du conflit, comme celui du rebelles, celui des rebelles a toujours été comparativement plus haut, mais plus précaire). Avec des différences pareilles on se demande un peu pourquoi le camp des "bons" n'a pas déjà gagné...
Narduccio a écrit:
Bref, plus le temps passe et plus la situation est inextricable. Effectivement, si on n'est pas prêt à aller sur le terrain, on a peu de moyens d'actions. Surtout que l'implication de la Russie bloque de fait toute intervention de l'ONU contre Assad. Ce qui aurait été possible il y a 5 ans, ne l'ai plus aujourd'hui.
Bien sûr le comportement autiste des organisations sensées représenter l'opposition syrienne n'a pas besoin de remise en cause... Pas de problème avec l'incroyable paralysie entraînée par ce "Assad doit partir" répété comme une antienne par les esprits éclairés.