Barbetorte a écrit:
Ne vous en déplaise, ce sont les Chrétiens eux-mêmes qui tiennent à la laïcité. Au cas où vous l'ignoreriez, la loi fondamentale du christianisme est qu'il faut aimer son prochain comme soi-même. Bref, peace and love et un Etat officiellement chrétien devrait être un paradis sur terre. L'histoire montre qu'il n'en a pas été ainsi. Pourquoi ? En raison d'un phénomène très bien reconnu par Montesquieu : lorsqu'on détient un pouvoir, on a tendance à en abuser, surtout lorsqu'on est convaincu détenir la Vérité.
Cette conception du pouvoir est propre à l'environnement de Montesquieu à savoir l'Europe chrétienne du 18ème siècle. C'est une vision d'ailleurs toute relative, car lorsque les tenants de cette conception sont arrivé au pouvoir avec la Révolution Française, pour les anti-révolutionnaires, ces derniers devaient tout autant être vus comme des gens qui abusent de leur pouvoir.
Mais je partage votre avis sur le fait que la plupart des Chrétiens acceptent la laïcité parce que finalement la laïcité est un produit de l'histoire occidentale. En effet c'est dans le christianisme que l'on trouve déjà les sources de la laïcité et de la démocratie contemporaine ("Rendez à Cesar ce qui est à César", "Vox Populi Vox Dei", le Gallicanisme, le Jansénisme etc).
Mais il faut ne pas oublier qu'il existe encore une minorité de Chrétiens qui veulent revenir aux sources de leur religion et se défaire de la laïcité, mais c'est une minorité qui non seulement n'a pas le droit de citer puisque qu'ils remettent en cause le pouvoir (qu'ils considèrent comme de l'abus) mais ne peut non plus obtenir de droit propre à leur législation religieuse puisqu'ils considèrent qu'ils sont en "terre chrétienne". Que va-t-on faire avec eux ?
Barbetorte a écrit:
Il faut donc séparer les pouvoirs, ce qui implique de ne pas confondre spirituel et temporel. C'est un principe qui fait consensus à peu près partout dans le monde. Même le Dalaï_Lama l'a adopté alors que personne ne le lui demandait. Il n'y a guère que dans le monde musulman que cela pose problème.
Oui c'est ce que l'on appel le mondialisme qui est un euphémisme pour ne pas dire occidentalisme et qui est une forme de totalitarisme. Car cette dichotomie radicale entre le temporel et le spirituel est propre à l'Occident et avant d'être considérée comme allant de soi par les élites de la plupart des pays actuellement, a été imposée par la colonisation.
Vous me direz "tant mieux" he bien dans ce cas vous ne pouvez nier que c'est la force et la violence qui ont mis en place cette conception y compris dans le monde Musulman qui se trouve être la dernière résistance selon vous, et dans ce cas je vous répondrais que "ce n'est pas aux non-Musulmans d'imposer leur conception du monde aux Musulmans CHEZ EUX". Ce n'est pas Montesquieu qui démentirais mes propos : ))
Barbetorte a écrit:
Je sais bien qu'il y a une jurisprudence islamique sur les minorités non-musulmanes. Le problème est que cette jurisprudence est islamique et que les minorités en question ne le sont pas. Je ne tiens pas à refaire la jurisprudence islamique. Je ne vois aucun inconvénient à ce que les Musulmans se l'appliquent à eux-mêmes. Mais je nie avec énergie que les Musulmans aient le droit de l'appliquer aux non-Musulmans.
La conséquence de vos propos est donc que vous refusez le droit à des non-Musulmans d'être régie selon leur propre culte et leur propre culture et donc de vivre dans des Etats Islamiques, car encore une fois que vous le vouliez ou non cette jurisprudence intègre la gestion des minorités non-Musulmanes car elle se veut pragmatique et réaliste. Vous êtes encore plus intolérant que les islamistes auquel vous reprochez d'être intolérant.
Barbetorte a écrit:
Les dhimmis ne veulent pas de la jurisprudence islamique. Ils se veulent citoyens à part entière.
Mais pourtant en Egypte ou au Pakistan, deux Etats séculiers d'inspiration britannique (où constitutionnellement le pouvoir appartient au peuple) dont la population est majoritairement musulmane avec une minorité chrétienne, ils sont considérés comme des citoyens à part entière. Cela ne résout pas les problèmes d'intolérance qu'ils subissent. Echec de la démocratie et du sécularisme ?
Caesar Scipio a écrit:
Il ne me semble pas que c'etait le sens du propos d'Odanobunaga qui donne au mot soumission des sens variés et même contradictoires : tout serait soumission. Ce qui compte c'est le mot soumission au delà meme de sa définition dans le dictionnaire.
C'est ce qui me conduit à estimer que sa définition découle d'une approche transcendante. Ce qui importe avant tout c'est la soumission. On ne conçoit les rapports entre les membres d'une société qu'à l'aune de cette conception mal définie de la soumission.
Et si cette conception est mal définie, c'est que dans cette approche, la soumission c'est le sens étymologique même de l'Islam, du mot "Islam".
Bref, j'ai pris tout à l'heure l'exemple du système indien des castes, mais je pourrais prendre celui encore plus parlant de l'esclavage ou du totalitarisme.
Dans une société dont les valeurs et les modes de pensée ne seraient pas humanistes et où la conception du pouvoir et du rôle de la collectivité par rapport aux individus serait absolue et totalisante, des gens pourraient formuler l'idée que l'homme devrait être l'esclave des lois et de la volonté du pouvoir.
Dans une société fondée sur l'humanisme et la liberté, une telle formulation est complètement incongrue.
Je pense que le rapport qu'ont les démocrates vis à vis de la démocratie, des laïques vis à vis de la laïcité, des communistes vis à vis du communisme ou encore des nationaliste vis à vis de leur nation, est un rapport de transcendance oui ou du moins une croyance philosophique mais dont l'horizon, pour le distinguer des religions anciennes, ne dépasse pas le cadre du monde terrestre.
Concevoir que seuls des Hommes peuvent élaborer des lois pour régir la société est une conception, une croyance, une religion en soit. C'est le produit de l'histoire occidentale et le propre de l'évolution de la civilisation gréco-romaine et du Christianisme. Mais cette religion a cela de particulier que puisque selon elle, elle se préoccupe d'abord des Hommes, alors tout les Hommes sans exception ne peuvent qu'y adhérer. Et s'ils n'y adhèrent pas tout de suite c'est qu'ils n'ont pas encore atteint la maturité nécessaire donc il faut les y aider quitte à utiliser la violence. C'est là que l'on est entré dans l'impérialisme.
Lequel a donné naissance à la violence des colonisations dans le reste du monde et si les fruits de la décolonisation n'étaient pas assez mûres ou ne suivait pas les évolutions propres à l'Occident (comme l'évolution du nationalisme à la démocratie) alors de nouveau la violence a été employées directement ou indirectement comme encore récemment dans le monde Musulman.
Barbetorte a écrit:
Il n'y aurait pas lieu de s'indigner du sort des Rohingyas en Birmanie : laissons les Birmans gérer leurs minorités selon leurs valeurs.
Mieux vaut pas d'indignation du tout et s'occuper de soit (gage de sincérité) plutôt qu'une indignation à géométrie variable en faisant croire qu'on veut s'occuper de tout le monde (gage d'hypocrisie).
Barbetorte a écrit:
En Occident, comme dans le monde sinisé d'ailleurs, on accepte de mettre ses valeurs en question. Dans le monde musulman c'est, actuellement tout au moins, plus difficile. Ce n'était pas le cas au temps de l'âge d'or andalou. Il était permis de s'interroger sur les valeurs essentielles et c'est ce qui en faisait un âge d'or. Depuis qu'il n'est plus permis de s'interroger, ce monde est tombé en décadence et a perdu le sens de la spiritualité. Il n'en sortira que lorsqu'il en aura pris conscience.
Dans le monde musulman il y a eu des influences de diverses autres civilisations mais il n'y a jamais eu "d'interrogation sur les valeurs essentielles de l'Islam" en tant que source d'inspiration civilisationnelle. C'est justement cette source même qui lui avait permis d'atteindre son âge d'or et c'est lorsque ces influences se sont faites de plus en plus grandes que la décadence a été amorcée (voir par exemple le début de la décadence du Califat Abbasside au milieu du 9ème siècle lorsque la scolastique d'inspiration philosophique grecque a été érigée en dogme officiel).