Odanobunaga a écrit:
Vous avez raison et je suis d'avis que cette imprégnation réelle des concepts de liberté individuelle, de démocratie, de citoyenneté etc., par les mouvements islamistes n'est du qu'à l'ascendance et à la grande influence qu'exerce l'Occident sur ces sociétés. Le jour où un mouvement ou un "Etat Islamique" sera véritablement indépendant, cela sera balayé, tout simplement parce que l'Islam possède déjà ses propres modes de régulations de société ayant fait ses preuves durant des siècles y compris dans le domaine de gestion des pluralités.
Je pense qu'assimiler libéralisation et occidentalisation est un leurre. Quand j'étais enfant, on parlait d'occidentalisation pour désigner l'extension de valeurs venues d'Occident dans le reste du monde. Jeune adulte, c'était devenu la mondialisation ou globalisation. Pour moi, il s'agit en réalité de valeurs libérales qui ont subverti l'Occident depuis la Flandre et qui ont ratiboisé les valeurs occidentales, avant de s'emparer de l'Europe centrale, du Japon, de la Corée du Sud, etc.
Donc je vous dirais que l'Occident a aussi subi cette
"imprégnation réelle des concepts de liberté individuelle, de démocratie, de citoyenneté", et qu'il n'en est jamais revenu. Ceci est la libéralisation, la révolution libérale. Jusqu'à aujourd'hui, elle a toujours triomphé de toutes les résistances rencontrées dans toutes les cultures et aires civilisationnelles atteintes. Le monde arabo-musulman est atteint depuis le XXe siècle et les extrémismes musulmans qui s'y rencontrent ne sont que des résistances de minorités (hommes, chefs de clans, de tribus, mentors religieux...) qui se désolent de perdre des prérogatives de pouvoirs qui n'étaient dues qu'à des traditions tribales.
Au vu de ce que la libéralisation fit ailleurs, ces résistances me semblent désespérées, comme les réactions antilibérales en Europe ou ailleurs.
Odanobunaga a écrit:
Je vous rappel qu'il existe une nette différence entre le Nord Mali et le Sud. Dans le Nord les populations touarègues avaient toujours eu des velléités d'indépendance vis à vis de Bamako. Les mouvements islamistes qui en sont sortis viennent de ces tribus.
Hélas, vous occultez l'action prépondérante des Maghrébins extrémistes sunnites dans cette guerre. Ensuite, malheureusement pour eux, les Touarègues sont démographiquement minoritaires partout où ils résident et ne peuvent en cela, comme les Roms en Europe, prétendent à s'imposer sur quelque territoire que ce soit.
Odanobunaga a écrit:
Et concernant le bon accueil fait à la France par les Maliens du Sud, je suis encore d'avis que cela est dû à la grande influence qu'elle exerce sur ces régions. Le jours où elle diminuera et qu'une autre alternative se présentera, les populations, comme le dit Ibn Khaldoun, se soumettront aux vainqueurs, qu'ils soient djihadistes ou pas.
Pas vraiment, non : le sud du Mali mène un conflit de plusieurs siècles contre les invasions "arabes" du nord, auxquelles il assimile les Touarègues. Ça n'était qu'une réédition de grandes guerres passées, tout comme les guerres entre les Maliens et les riverains du golfe de Guinée.
Barbetorte a écrit:
J'ai une autre explication. Les nomades étaient, avant la colonisation, dominants et considéraient comme inférieures les populations noires lesquelles avaient vocation à la servitude. La situation s'est trouvée inversée lors de l'indépendance. Les noirs du sud, majoritaires, ont accaparé l'essentiel des pouvoirs politiques et économiques et les touaregs, nomades mal préparés au monde moderne, se sont trouvés déclassés. En déclarant l'indépendance de l'Azawad ils retrouvaient une dignité perdue, mais au détriment de leurs anciens esclaves, en les soumettant à une loi barbare et en saccageant tout. Pourquoi voulez-vous absolument que ces Maliens du sud se soumettent ? S'ils ont acquis leur indépendance, ce n'est pas pour retrouver une servitude pire que celle de la colonisation ! C'est hallucinant de lire des choses pareilles !
Vous avez raison : Odanobunaga semble ignorer l'Histoire pour s'en tenir à un internationalisme sunnite de bon aloi, mais aussi irréel que l'internationalisme communiste de 1917-1989.
Il existe bien un rapport de prédation très ancien entre le monde malien et son nord maghrébin, où les envahisseurs venus d'Afrique du Nord venaient capturer et tyranniser leur "Soudan" noir. Pour un Malien, les jihadistes maghrébins descendus chez lui et ses acolytes touarègues ne sont que les héritiers des esclavagistes d'antan. La liesse malienne lorsque les jihadistes maghrébins furent éparpillés est la conséquence de ces relations historiques.
Odanobunaga a écrit:
Je faisais référence à l'époque de l'âge d'or de l'Andalousie ou du Califat de Bagdad. Les minorité y étaient beaucoup plus choyée que certaines minorités dans certains pays de l'époque contemporaine.
Il s'agissait de minorités arabes et berbères qui dominaient les Ibères sur des bases ethniques crypto-racistes. Ils n'allaient pas s'opprimer eux-mêmes, même s'ils ne manquaient pas de s'affaiblir avec de nombreux conflits inter-ethniques.
Odanobunaga a écrit:
Je vous rejoint il y a aussi une dimension ethnique dans le conflit nord malien tout comme beaucoup de conflit en Afrique d'ailleurs, même si ceux-ci ne doivent pas nous faire oublier la dimension confessionnelle qui vient souvent "encadrer" tout cela.
J'ai observé que la majorité des conflits religieux de l'Histoire n'étaient que des prétextes à des conflits inter-ethniques ou internationaux, et qu'en somme les religions servent de parure aux nations, auxquelles elles sont inférieures ou inféodées en termes de valeurs partagées.
Odanobunaga a écrit:
Cessez de prendre vos désirs pour des réalités. L'institution du Califat fait partie intégrante des livres de jurisprudence et de croyance islamique sunnite, indépendamment de toute question ethnique ou historique. Elle est même présente dans l'eschatologie islamique avec la prophétisation de son retour dans le futur.
Si vous n'êtes pas musulman c'est normal de ne pas y croire et de trouver tout cela farfelu mais vous ne pourrez jamais empêcher ou reprocher à un croyant d'en être convaincu et de lutter corps et biens pour cela à l'image des nombreux groupes islamistes qui cherchent à le remettre en place depuis près d'un siècle.
Inutile d'être musulman pour comprendre la valeur théologique du califat. Pourtant, comme écrivait d'autres membres du forum, nous ne sommes pas sur passion-théologie. Il faut considérer le califat comme réalité géopolitique. En tant que réalité politique, il correspondait à un empire arabe et musulman, établit sur plusieurs ethnies et religions. Trois clans arabes le dominèrent. Il eut, comme tout empire, ses faiblesses intrinsèques qui le livrèrent aux Turcs, qui confisquèrent aux Arabes leur destin durant un millénaire.
Je pense qu'un État-califat est aujourd'hui irréalisable. Je ne pense pas non plus qu'il le soit à l'avenir, car le monde arabe (ou arabo-musulman) se fait recadrer dans ses valeurs par le libéralisme, et qu'un califat sera totalement dépassé et archaïque au sein de populations libéralisées.
Odanobunaga a écrit:
Quant à vos "folklores économiquement nuisibles" je ne vois pas de quoi vous parlez veuillez être explicite dans vos propos.
Pardon. Le monde arabo-musulman suit actuellement des valeurs d'origines tribales ou religieuses contre-productives et qui produisent des moins-values aux populations qui y adhèrent. Par exemples : phallocratie (préférence aux hommes et domination des hommes), machisme (arrogance, surestime de soit et recherche des conflits), clanisme et tribalisme (préférences claniques et tribales), racisme religieux ("koufarophobie"), superstitions.
Quand le libéralisme se présente dans une population, les individus deviennent libres d'échanger (ou non) leurs valeurs pour d'autres. Ils finissent tous par opter pour les valeurs les plus utiles et se débarrassent, alors, des valeurs encombrantes (dots, féodalités familiales, claniques et tribales), contraintes idéologiques (y compris philosophiques, politiques et religieuses). Les valeurs les plus utiles l'emportent peu à peu, comme par sélection naturelle, et quelques valeurs neutres peuvent perdurer.
Odanobunaga a écrit:
Geopolis a écrit:
il tranchera en faveur de l'anéantissement des proto-califats comme des djihadistes sunnites internationaux.
Pure spéculation.
Elle n'est pas gratuite en ce qu'elle se fonde sur l'observation de tendances et de conflits réitérés dans l'Histoire et la géographie.
Odanobunaga a écrit:
Odanobunaga a écrit:
et qui reste encore le rêve d'une grande partie du monde musulman.
Geopolis a écrit:
Ça, c'est le fantasme.
C'est un pléonasme.
Attention, je distingue quand même le rêve du fantasme en ce que le fantasme n'adviendra pas. Cependant, je ne méprise pas les rêves qui transforment les sociétés. Le libéralisme, le bolchevisme, le nazisme, les religions, les empires et les nations sont des rêves instillés par quelques-uns et vécus par beaucoup, parfois durablement. Qui aurait cru qu'un pauvre berger mecquois lègue l'islam ? Qu'un orphelin mongol éparpille son ethnique à travers l'Asie ? Que des commerçants occidentaux imposent peu à peu leurs préceptes libéraux à la planète ?
Pour moi, le projet de califat futur fait partie des rêves mais je n'y crois pas car ceux qui tentent de l'instaurer sont si malhabiles (carences intellectuelles et morales, tyrannies illégitimes) qu'ils sapent et décrédibilisent leur entreprise, tandis que de moins en moins de personnes n'en trouveront l'utilité. Car tout est là : un califat, pour quoi faire ?
Odanobunaga a écrit:
Le Califat doit répondre à certaines conditions, n'est pas Calife qui veut. La question des prêches n'a a absolument rien avoir. A l'époque des Califats de l'Islam classique il y a avait des milliers de prêches différents et des milliers de mosquées différentes sous un même Califat.
Les conditions géopolitiques de l'expansion et de la sauvegarde de l'islam sont les mêmes depuis l'Hégire : un bazar et une mosquée dans les centres urbains. Un bazar signifie des commerces garantis contre toute prédation, avec une répression terrible des voleurs. Une mosquée signifie une hégémonie spirituelle dans le centre urbain. La perte d'un de ces piliers géopolitiques de l'islam conduit à sa neutralisation. Vous avez raison : le califat en périt, faute d'unité.
C'est également la raison pour laquelle l'islam en Europe occidentale est théoriquement en cours de pourrissement, avec soubresauts réactionnaires et conservateurs (extrémisme pour contraindre les autres, intégrisme pour se convaincre soi-même, violences au sein des foyers et à l'encontre des autres) chez les musulmans qui s'en aperçoivent intuitivement : trop de mosquées rivalisent dans les mêmes quartiers et la délinquance endémique chasse les commerces des quartiers populaires urbains.
C'est la décadence d'une religion qui doit se replier sur quelques valeurs consensuelles et libérales, comme le christianisme et le judaïsme, et en attendant l'hindouisme.
Odanobunaga a écrit:
Ne confondez pas une idéologie séculière qui date du début du vingtième siècle et dont la réalisation politique (qui a duré moins d'un siècle) a été complètement désavoué par ses pairs, avec une civilisation millénaire qui a fait ses preuves en matière de gestion des pluralités ethnico-religieuses, et dont les activistes contemporains de sa réalisation politique sont encore dans leur pleine vigueur, n'en déplaise.
Je ne confond pas non plus l'islam et une mode totalitaire et nihiliste défendue par Riyad depuis deux siècles et qui n'en est exportée que depuis quelques décennies au Pakistan, en Algérie puis dans le reste de l'oumma, que j'appelle le jihadisme-sunnite-international, et qui constitue une sorte de "nazisme musulman", inspirant à certains intellectuels le sobriquet de fascislamisme.
Quand j'étais enfant, le fascislamisme était insignifiant et personne ne prenait la mesure de son indignité. (Même les religions étaient insignifiantes, il ne s'agissait que de choisir entre les USA et l'URSS.) Ben Laden l'a défendu à partir de 1991, l'a glorifié en 2001 et la fin de son apogée fut constatée en 2011. Maintenant, il lui reste vingt à cinquante ans d'agitations violentes çà et là avant de retourner à Riyad, et qui sait ce que la révolution libérale aura fait à Riyad dans cinquante ans ?
Odanobunaga a écrit:
Et j'ai déjà dit qu'il n'y avait pas que les salafistes qui voulaient le retour de ce califat mais que c'est le cas de les toutes les mouvances islamistes, ce n'est donc pas tant une question de sincérité que d'engagement.
Vraiment, les Maliens, les Sénégalais et les Guinéens aspirent massivement et spontanément au califat ? Les Ouzbèkes et les Kurdes aussi ? C'est à mille lieues de leurs préoccupations quotidiennes. C'est une aspiration d'Arabes sunnites et de Turcs néo-ottomanistes parce que le califat reste pour eux le souvenir d'empire arabe ou turc et sunnite.
Si je vous prédisait qu'il y aura bien un califat mais qu'il sera chiite (comme celui des Fatimides, voire chiite et perse), vous verriez que ces Arabes et Turcs sunnites seraient nettement moins emballés...
Odanobunaga a écrit:
Geopolis a écrit:
C'est simple : un chef de guerre et ses 1.000 guerriers isolés dans un océan d'Arabes et de Kurdes hostiles, sans compter les Iraniens, les Turcs et les Israéliens.
Que voulez-vous dire ?
Je veux dire trop peu de combattants sans assise territoriale. Une assise territoriale, c'est quand une ethnie tient un territoire par sa majorité démographique et que rien ne peut l'en déloger. Le problème des jihadistes, c'est qu'ils sont des étrangers qui s'incrustent sur le territoire des autres, comme dans les zones tribales pakistanaises. Comme, en plus, ils se comportent de manière ignobles, les autochtones finissent par les chasser comme des envahisseurs. Sinon, ils sont invités par des autochtones (par exemple, les Touarègues maliens ou les Arabes sunnites irakiens et syriens) pour livrer des combats autonomistes à leurs côtés mais, le plus souvent, leur ignominie finit par les opposer aux locaux et les conduit à former leurs propres colonnes de bandits chassés par les locaux.
Même quand ils combattent au sein de leurs propres ethnies (talibans pachtounes, jihadistes du nord du Nigeria), ils finissent par discréditer leur communauté qui finit par les rejeter.
En fait, le drame des jihadistes, c'est leur infériorité intellectuelle et morale, qui confine au handicap. Leur atout, c'est leur engagement spirituel, qui les tient et recrute de nouvelles dupes venues des classes moyennes sunnites et expatriées en Occident.
Odanobunaga a écrit:
C'est faux. Les djihadistes afghans, pakistanais ou nord maliens sont avant tout des afghans, pakistanais et nord maliens.
Non : pachtounes, "ourdous" (descendants d'Arabes installés en Inde et repliés au Pakistan) et maghrébins.
Les seuls jihadistes internationaux fortement implantés sont les talibans pachtounes, ceux du sud de la Somalie et ceux du nord du Nigeria, qui combattent à domicile.
Odanobunaga a écrit:
Quant au califat médiéval, il était lui-même djihadiste et traquait au contraire ceux qui ne se conformait pas aux prescriptions coraniques (c'est d'ailleurs l'un des devoirs du calife).
S'il s'agissait d'un empire totalitaire, il n'aurait pas vécu aussi longtemps.
Odanobunaga a écrit:
Mais de toute manière je vous rappel encore une fois que ce ne sont pas la masse des gens qui font l'histoire mais les minorités. La révolution française n'a été voulu que par une poignée de bourgeois et de nobles parisiens contre une immense majorité de paysans royalistes provinciaux dont une partie fut par ailleurs exterminées. Par la suite tout le monde s'est aligné sur la norme républicaine du vainqueur.
Personnellement, j'agrée assez votre idée.
Odanobunaga a écrit:
Je pense plus à une "fanatisation" réelle de ces populations qui pensent renouer avec leurs vraies traditions ancestrales contrairement au capitalisme ou au communisme qui ne sont que des idéologies importées de l'Occident colonial.
J'ai vécu 8 ans aux Émirats arabes unis qui, dans les années 1970, vivaient l'islam traditionnel. Les émiratis n'avaient rien à voir avec ces guignols schizophrènes qui prennent des inventions salafistes pour des traditions.
La tradition, c'est la robe, pas un froc pachtoune. La tradition, c'est une barbe taillée. La tradition, c'est la discrétion. La tradition, ce sont des fillettes aux cheveux longs et libres jusqu'au mariage. La tradition, ce sont des danses et des musiques lancinantes. La tradition, c'est un strict et obsessionnel respect de l'hôte (invitant ou invité) et de la propriété privée.
Les recrues du jihadisme sunnite international sont tellement éloignées de cela. Par ignorance. Leurs traditions sont fausses.
Odanobunaga a écrit:
Le Califat repose justement sur une base confessionnelle et non pas ethnique. La séparation d'avec les chiites rejoint la configuration geopolitique des 16ème-18ème siècles entre le Califat Ottoman sunnite et l'Empire Séfévide chiite.
Il n'y aura jamais de grand califat qui n'unifie sunnites et chiites. Le sunnisme constitue le fumier, les racines et le tronc de l'islam. Le chiisme en est le feuillage. L'alaouisme, les fleurs parfumées et le soufisme, les fruits les plus délicieux.
Odanobunaga a écrit:
1. Ce sont une majorité (et non pas tous) de Maliens du sud ou originaires du sud qui ont considérés les djihadistes comme des envahisseurs tandis qu'une majorité de Maliens du nord considéraient l'armée malienne comme une armée occupante et ne voyaient pas les djihadistes d'un mauvais oeuil, d'ailleurs ils les acceuillaient volontiers dans leurs fiefs du nord-est.
Par crainte et par terreur. Ce sont les mêmes qui acclamaient les sudistes une fois les jihadistes partis.
La majorité des Maliens appartiennent à l'ethnie sudiste, même au nord du Mali.