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 Sujet du message: La géopolitique du djihadhisme
MessagePosté: Mer 4 Mar 2015 17:48 
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J'ai lu ces derniers jours quelques articles sur la question de la géopolitique du djihadisme. Il apparait qu'il y a 2 tendances. Une internationaliste représentée par Al-Quaeda et une territoriale représentée pat EI et ses affiliés. Mais, certains groupes brouillent les pistes en passant d'une allégeance à l'autre au gré de leurs intérêts. Voici un article assez complet sur l'historique du mouvement salafiste dont est né le djihadisme et sur "l'état des lieux" actuel : Agora Vox : la géopolitique du djihadhisme.

Citation:
Le Général Wesley Clark, ancien Commandant suprême des alliés en Europe (SACEUR), de 1997 à 2001, déclarait récemment sur CNN que « l’État islamique avait été créé grâce au financement de nos amis et de nos alliés … dans le but de se battre jusqu’à la mort contre le Hezbollah » 1. Autrement dit, la raison d’être et de prospérer de Daech est de « contourner » les positions du Hezbollah, aujourd’hui ennemi principal, au Liban et en Syrie. Accessoirement Wesley Clark confirme indirectement que la CIA – laquelle supervise les menées des « alliés et amis » des É-U - est à ce titre associé à la création de l’ÉI… Par ailleurs, et ce n’est plus un secret pour quiconque, fortement adossé à l’Otan par le truchement à la Turquie qui en est son « Pilier oriental ».

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Qu’en est-il aujourd’hui ?

Aujourd’hui le paysage de l’islam wahhabite se décompose en deux grandes factions et tendances, d’un côté les tenants de l’État islamique qui a su créer un embryon d’État et fascine par ses succès et sa cruauté, une jeunesse déracinée et désorientée issue de l’immigration. De l’autre la « vieille garde » d’Al-Qaïda apparue en Afghanistan dès 1987 sous l’égide de la CIA et le relais de l’ISI pakistanaise.

D’un côté l’État islamique solidement implanté sur un territoire couvrant une surface grande comme la moitié de l’Hexagone habité par une dizaine de millions d’âmes, un État doté d’une armée redoutable forte de plusieurs dizaine de milliers de combattants et ayant opéré une efficace jonction entre barbarie et techniques de communication parmi les plus avancées. Un État nanti des millions de dollars trouvés dans les banques de Mossoul, alimenté par la manne tirée de la vente de pétrole en contrebande via la Turquie et le fruit des impôts et des taxes versés parfois volontairement par les populations, État puissamment armé grâce aux équipements militaires américains abandonnés par l’armée irakienne ou ceux directement donnés par les É-U en dotation aux combattants de l’Armée syrienne libre… bref un pseudo État qui a cependant su instaurer sa propre monnaie. D’autre part, Al-Qaïda qui poursuit une guerre subversive décentralisée sur le modèle des « focos » chers à Che Guevara. L’avenir dira laquelle des ces deux voies l’emportera, sachant qu’à travers le monde toutes les guérillas des trente ou quarante dernières années ont disparues les unes après les autres.

Une menace globale – Cartographie succincte

Envisageons maintenant l’actuel partage du dar al arb, le territoire de la guerre et du djihad entre ces fraternités rivales, après prise de Mossoul et la proclamation le 29 juin 2014 de la restauration califale. Un acte qui prenait de court Al-Qaïda.

Fin décembre 2014, au Daghestan, la faction islamiste d’Ali Abu Mukhammad, dissidente au sein de l’Émirat du Caucase, diffuse une vidéo dans laquelle elle fait publiquement allégeance à Abu Bakr al-Baghdadi et à l’État Islamique. De nombreux djihadistes venus du Nord du Caucase combattent d’ailleurs en ce moment même au sein des troupes de l’État Islamique en Syrie. Plus à l’est, au Waziristân, au nord-ouest du Penjab, dans le sanctuaire même d’al-Qaïda, certains groupe de taliban, se ralliaient à l’EI, notamment le fameux Hezb-e-Islami.

Libye, novembre 2014 le groupe djihadiste Majlis Shura Shabab al-Islam qui contrôle la ville de Derna, dans l’est du pays, et qui affirme sa présence dans les trois provinces de Derna, du Fezzan et en Tripolitaine, prête allégeance à l’État islamique. RFI nous apprend que cette milice est composée d’anciens de la brigade al-Battar, une unité ayant combattu pour l’ÉI en Irak et en Syrie et qui a revendiqué des attentats à Benghazi… Il s’agit de la troisième filiale de l’ÉI en Afrique du nord, après Ansar Bayt al-Maqdiss en Égypte et Djound Al-Khilafa, les Soldats du califat, en Algérie. C’est ce dernier groupe qui a revendiqué le 24 septembre, la décapitation du Français Hervé Gourdel. En Afrique du Nord, pour l’heure la référence reste cependant AQMI, Al-Qaïda au Maghreb islamique. Idem pour le groupe Ansar al Charia en Tunisie, lequel n’a jamais déclaré reconnaître officiellement la suzeraineté d’al-Baghdadi. De la même manière al-Qaïda continue à dominer dans la Péninsule arabique avec AQPA dont les bases se trouvent au Yémen. Les Chebab somaliens affichent également jusqu’ici la même constance.

Même attitude pour Boko Haram, au Nigéria, dont l’attitude est et demeure ambiguë : début juillet, la secte nigériane apportait son soutien nominal à Al-Baghdadi tout en proclamant son propre califat. Situation identique en Indonésie où le mouvement djihadiste Jamaah Ansharut Tauhid doit faire face à la montée en puissance des affidés de l’EI. Abou Bakar Baachir, chef de file des islamistes radicaux condamné en juin 2011 à 15 ans d’emprisonnement, a en effet prêté allégeance avec des codétenus, en août 2014, à l’EI dans la salle de prière de la maison d’arrêt de haute sécurité sur l’île de Sumatra.

La Thaïlande n’est pas non plus épargnée où sévit depuis 2004, au sud, une guérilla séparatiste musulmane. Même topo à Singapour ou aux Philippines où les filières de recrutement et de collecte de fonds de l’EI sont actives dans le sud-ouest des l’Archipel. Fin septembre, aux Philippines, l’État mobilisait d’importants effectifs armés pour retrouver un couple de touristes allemands détenus par le groupe Abou Sayyaf, Porteur de l’épée, fondé au début des années 1990 grâce à des financements d’Al-Qaida, le groupe ayant annoncé en juillet faire allégeance à l’EI. En Malaisie les thèses l’EI rencontre un écho tout spécifique : le chiisme étant banni du pays et parce qu’il est l’une des cibles prioritaires de Daech en lutte contre la majorité chiite dirigeant l’Irak. Face au danger de voir se reproduire un autre « Bali », Indonésiens et Australiens ont décidé, le 28 août 2014, de resserrer de liens diplomatiques très distendus en signant un « accord de bonne conduite » en matière de coopération antiterroriste car selon les Services de renseignement plus de 10% des étrangers combattant dans les rangs de l’EI seraient originaires d’Asie du Sud-Est.

Notons enfin, last but not least, la présence de ressortissants chinois combattant en Irak et en Syrie comme le confirmerait de récentes exécutions par l’ÉI de cadres ouïgours, des musulmans turcophones. Des djihadistes qui appartiendraient au Mouvement islamique du Turkestan oriental, MITO, auquel Pékin impute les attentats et attaques commis au Xinjiang.

Ultime question : y a-t-il un ou plusieurs djihadismes différents

Certains spécialistes remarquent que l’ÉI n’a pas « développé sa propre idéologie ». Mais il n’y a nul besoin d’idéologie propre : la référence commune étant fondamentalement le wahhabisme, c’est à tort que l’on chercherait entre ces groupes rivaux autre chose que des divergences de stratégie ou peut-être de groupes cibles.

Première remarque : si l’EI ne rallie pas tous ceux qui aspirent à un renouveau conquérant face à un Occident invasif, il semble être un peu partout dans le monde musulman une source d’inspiration. En particulier en Europe où se lève une vague d’apprentis djihadistes internationalistes subjugués par la scénarisation de la violence, le lyrisme des chants de guerre et des prêches enflammés. Comme le dit un commentateur averti « l’État islamique écrit une geste victorieuse. De Faloudja aux banlieues européennes, cela suffit à fasciner ceux qui végètent dans le camp des vaincus ou des désorientés ». Ajoutons, de ceux aussi qui aspirent à une restauration valorisante ou glorieuse de l’islam.

Actuellement des chiffres crédibles fixent à 125 000 le nombre de sympathisants de l’État islamique dans les banlieues hexagonales au sein des 2 500 quartiers prioritaires recensés par l’État français

Autre exemple européen : la Bosnie où prospèrent quelques communautés wahhabites dans le village de Gornja Maoča [nord-est de la Bosnie] d’où les jeunes partent pour la Syrie et l’Irak « le sourire aux lèvres, comme s’ils partaient à Disneyland ». L’annonce de la mort d’Emrah Fojnica, tué en Irak en août 2014 lors d’un attentat suicide, a conduit son père à mettre en ligne la vidéo de son « martyr », ceci afin « d’inciter les jeunes à rejoindre le djihad pour le califat » 2. En Bosnie comme dans certaines de nos banlieues, les combattants de l’État islamique deviennent les idoles des jeunes. Tel est le résultat des guerre israélo-américaine contre les régimes de Bagdad, de Tripoli et de Damas, combats bénéficiant de la complicité des européistes… mais aussi de la politique anti souverainiste conduite par Washington : n’oublions pas que la CIA avait « importé » dans les Balkans des moudjahidines afghans, jusqu’au propre frère d’Ayman al-Zawahiri, le chef actuel d’Al-Qaïda, qui a été au Kosovo le chef des Services de renseignement de l’UCK… Parti mafieux d’un État mafieux que fuient par dizaines de milliers ses propres ressortissants.

Ne pas conclure

Il est loisible de supposer que deux écoles salafo-wahhabites s’affrontent. La première école voudrait consolider un pouvoir califal sur un territoire déterminé. La seconde, internationaliste, d’Al-Qaïda prônant l’exportation de la guerre sainte, le djihad universel. Distinctions dont la pertinence n’est pas totalement assurée puisque l’ÉI menacerait à présent de submerger l’Union européenne sous le flot de « cinq cent mille immigrants » envoyé depuis les côtes libyennes. Au demeurant, Ayman al-Zawahiri, tout désignant le Front al-Nosra comme le seul représentant d’al-Qaïda en Syrie, avait publiquement désavoué en février 2014 l’État islamique en Irak et au Levant pour son inconduite en Syrie depuis 2013. Déjà en 2005 al-Zawahiri, alors encore numéro deux d’al-Qaïda, adressait une missive à Abou Moussab al-Zarqaoui, chef de la branche d’al-Qaïda en Irak, missive dans laquelle se faisait jour des désaccords stratégiques… mais surtout en matière de « communication », ce qui ne constitue pas a priori des divergences idéologiques, mais de méthodes.

De ce point de vue Al-Qaida aurait développé dit-on « des stratégies de conciliation et d’alliance, pour entrer dans un schéma de conquêtes populaires » parce que nous dit al-Zawahiri « Nous livrons une bataille, et plus de la moitié de cette bataille se déroule sur la scène médiatique, nous sommes engagés dans une bataille médiatique pour gagner les cœurs et les esprits de notre communauté ».

24 février 2015

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 Sujet du message: Re: La géopolitique du djihadhisme
MessagePosté: Mer 4 Mar 2015 20:24 
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Des investisseurs s'inquiètent de l'impact du Djihadisme sur les pays exportateurs de pétrole. Les Echos : Risques politiques : les pays pétroliers dans l’œil du cyclone

Il est vrai qu'à regarder une carte du monde, de nombreux pays pétroliers sont dans les zones à risques :
Image

Citation:
Le principal risque auquel sont confrontés les investisseurs dans les pays émergents réside dans «  l’instabilité croissante des pays producteurs de pétrole, comme l’Iran, l’Irak, la Libye, la Russie et le Venezuela », avertit le leader mondial du conseil en gestion des risques et du courtage d’assurances, Aon. Dans une étude diffusée mondialement ce mercredi, il souligne que l’année 2015 s’annonce comme d’autant plus difficile pour les exportateurs de pétrole d’Afrique, de l’ex-URSS et du Moyen-Orient que nombre d’entre eux sont en outre confrontés à des risques géostratégiques propres : vide politique et action des groupes djihadistes en Libye, au Nigeria, en Irak, en Syrie (non sans impact sur leurs voisins, Égypte, Tunisie, Maroc, etc.), ou sanctions occidentales, pour ce qui concerne la Russie.

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/journal20150304/ ... r=RSS-2053


On se rend compte que dans plusieurs des pays, les dirigeants en place ont cherché à acheter la paix sociale grâce aux subsides du pétrole. Dans les faits, ils ont mis un couvercle sur leurs problèmes sociaux et depuis quelques temps le couvercle a du mal à rester en place.

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