pierma a écrit:
En dehors de la flambée islamiste que l'on connait depuis 30 ou 40 ans, qui est une régression temporaire, je ne crois pas qu'un pays musulman soit incapable de se séculariser.
Je ne suis pas d'accord sur l'aspect "régression temporaire". Ma vision est plutôt celle de mouvements apparus récemment, qui savent adopter les technologies et tordre les règles de fonctionnement de la société pour s'imposer. En cela, ils sont parfaitement modernes.
J'ajoute qu'en Arabie Saoudite, il n'y a pas de véritable régression vers le passé, le patrimoine archéologique ayant été détruit à 98%. Le passé exalté est purement imaginaire.
Un exemple d'adaptation : quand le téléphone mobile est arrivé, les oulémas de divers pays, au Maroc, notamment, ont eu à traiter cette grave question : "Puis-je répudier ma femme par SMS "?
Avec la transition démographique qui tarde à venir, le monde musulman dispose d'une jeunesse abondante, qui pour la première fois dans son histoire, est majoritairement alphabétisée. Elle fait donc la cible pour la diffusion de livres - comme les petits livres qu'on voit systématiquement à vendre dans tous les bons marchés de nos banlieues, de sites internet, et maintenant de réseaux sociaux. Les groupes radicaux ont donc une audience jamais vue à ce jour et peuvent raccrocher leur lutte à n'importe quelle autre dans le monde, comme le conflit israélo-palestinien, avant la Syrie...
Citation:
En fait, je cois que le seul point dur d'imbrication entre l'organisation de la société et la religion musulmane (sunnite) est la Chariah, qui organise un domaine régalien à partir de textes religieux. Encore que son interprétation semble à géométrie variable, et que dans la pratique ça peut évoluer vers un droit coutumier jurisprudentiel, tel qu'il a longtemps existé dans le Midi.
Vous avez tout-à-fait raison, mais précisément : aucun Musulman n'est capable de définir l'islam sans la chariah. Tout au plus certains admettent-ils qu'il faut respecter les lois du pays d'accueil, étant entendu qu'il faut s'efforcer de les changer. Mais les récents sondages montrent que les populations sont bombardées de messages incitant au contraire à donner la préséance à ces lois, soit-disant d'essence divine.
Cette lutte pour la prééminence trouve des champs de bataille dans les relations femmes-hommes, la libéralisation des moeurs à l'occidentale étant orthogonale avec la culture de contrôle social moyen-oriental. Elle se traduit par les luttes pour imposer - et uniformiser le voile multi-forme et de plus en plus englobant. Dans les pays musulmane, la limitation du divorce féminin et l'inégalité face à l'héritage constituent de puissants facteurs d'adhésion des hommes : qui va accepter de diminuer ses droits dans le couple, et sa part d'héritage, pour de basses questions d'égalité venues d'Occident, donc chrétiennes, donc périmées depuis la descente du Coran ?
Citation:
Je serais plus pessimiste envers les Chiites : eux considèrent que leurs ayatollahs sont d'essence divine, parce qu'ils se transmettent après des années d'initiation, des secrets sur le fonctionnement du monde qui leurs ont été transmis par Dieu, et cela depuis que le monde est monde. (Depuis Adam.) Il me semble impossible de faire fonctionner un gouvernement laïc là où la population considère que la voix de ses religieux est d'essence divine.
Paradoxalement, je n'en suis pas si sûr. Nous avons l'exemple du chiisme septimain qui, amené par son aga-khan, a renoncé à la violence alors qu'il nous avait donné les Assassins ! Il mène une existence paisible depuis son siège - en France -, après avoir fui la révolution iranienne. Je pense que lorsque la religion est en quelque sorte prise en charge par un clergé bien identifié, celui-ci peut la faire évoluer dans le bon sens quand il le souhaite. A l'inverse, la population a plus de facilité à prendre de la distance : le voile est ainsi vue comme une obligation humilante, passible de prison. Je suis plus pessimisme sur le sunnisme dans lequel n'importe quel activiste peut s'improviser imam et répandre son discours, discours qui passe très bien dès lors qu'il s'agit d'imposer à d'autres que soit des règles aussi divines qu'absurdes, et d'exalter une violence forcément héroïque...