Documentaire "Wanted" sur France2, dans la série Infrarouge, il y a 2 semaines.
Il s'agit des récompenses promises en Afghanistan par l'armée US pour toute arrestation d'un taliban.
Tarif : 5000 $ par tête. Le montant peut paraître élevé : il est justifié officiellement par le coût des opérations militaires - arréter un taliban est tout sauf gratuit - et par l'idée de motiver des chefs de vallée à rester du côté américain : c'est rentable, ça permet de s'armer contre d'éventuels contre-coups, etc...
Synthèse des interviews : des officiers américains - du lieutenant au colonel - , des chefs de village et d'anciens prisonniers afghans disent tous la même chose : la moitié du temps, ces "captures de talibans" sont un excellent moyen de gagner beaucoup d'argent en se débarrassant de gens qu'on n'aime pas.
On fait une descente dans la vallée d'à côté, avec laquelle on a des comptes à régler. Où dans la même vallée, dans le village qui abrite un vieil ennemi, dont on n'apprécie pas l'influence. Vous voulez des talibans ? Pas de problème ! On vous en trouve.
Et c'est parfois un excellent moyen de faire beaucoup d'argent en ramassant des gens qu'on ne connaît même pas.
Evidemment on fait un peu de marketing auprès des Américains : ces gens habitent près d'un endroit où il y a eu une attaque, un attentat, ou alors ils fréquentent la même mosquée que... Sadar Khan Dupont
, le taliban bien connu... Patali patalère... Parfois quelques tortures prouvent même qu'ils ont des choses à se reprocher : ils avouent. Parfois, un an à Guantanamo échoue à leur faire dire autre chose que la vérité : on les a ramassés pour le fric.
Sur le nombre, il y a évidemment des talibans authentiques. Savoir dans quelles proportions est impossible. Ce ne sont sans doute pas les plus combatifs : les plus durs sont difficiles à attraper.
Des chefs de bande turkmènes (je pense que c'était bien ça : turkmènes) expliquent qu'ils ont encaissé 800 000 $ en se regroupant pour faire les courses. Une fortune, même après avoir récompensé leur "personnel". Ma petite entreprise... connaît pas la crise.
Il va sans dire que ce genre de pratique n'est pas de nature à réduire le nombre des talibans authentiques : ceux dont on a razzié les amis ou la famille ne sont pas contents. Ils ont des compte à régler avec leurs ravisseurs, et avec les Américains, qui sont la cause du désordre.
Tonnerre a écrit:
(...) en Afghanistan où la culture du pavot finance en grande partie les activités des talibans--achat d'armes occidentales en particulier.
Ce n'est pas pour rien que l'on a créé le néologisme "Etat narco-terroriste" qui s'applique également à ces deux pays.
D'autre part, détruire les champs de pavot de but en blanc serait un excellent moyen de précipiter les populations ainsi privée de revenus dans les bras des talibans; la part de la culture du pavot dans l'économie a cru dans des proportions considérables en Afghanistan depuis quelques années: comme je l'ai signalé plus haut, des cultures vivrières de base pour lesquelles les Afghans étaient auto-suffisants et même exportateurs ont été remplacées partout par cette culture beaucoup plus rentable. Détruire ces récoltes reviendrait à affamer la plus grande partie de la population de certaines provinces.
J'ignore s'il est possible de lutter efficacement contre la culture du pavot. Mais je reste persuadé que le seul problème que peut poser l'Afghanistan à long terme est l'héroine.
(il y a peut être aussi un risque ultérieur, de déstabilisation du Pakistan. Difficile à pronostiquer. En ce moment ce sont les Américains qui déstabilisent le Pakistan.)
Je trouverais plus simple que les paysans reviennent aux cultures vivrières dont ils se nourrissaient tant bien que mal, plutôt que d'être rémunérés sur la base d'un tarif du pavot imposé par le chef taliban du coin. (monoculture monoclient = des clopinettes.)
Il reste à prouver que le chef du district est taliban : dans une situation comme celle-là, tout le monde est corrompu, tous les chefs ont besoin d'armes et de combattants - que ce soit pour leur business ou pour la Cause. Forcément, plus on est proche d'un secteur taliban organisé, plus on doit cotiser - ou coopérer - pour avoir la paix.
On est donc un peu taliban. D'autant qu'on n'aime pas ces chrétiens qui passent dans les villages sans respecter aucune règle... et qui prétendent éradiquer la culture du pavot.
Il est temps qu'Obama discute avec ses alliés la question de base : quelle situation finale veut-on obtenir ? S'il n'y a pas de réponse claire, il faut sortir de là.