Temudjin a écrit:
A la lumière des évènements en Tunisie et vu que la situation est similaire dans de nombreux pays arabes, pensez vous que de tels évènements pourraient se produire dans d'autres pays?
Je pense que des émeutes populaires surgiront pour tenter de renverser des régimes contestés mais qu'elles réussiront difficilement et qu'aucune ne sera libérale ou qu'aucune révolution libérale survivra à un débordement extrémiste dans les autres pays arabes dans les 10 ou 20 prochaines années.
On peut toujours développer pays par pays :
Régimes légitimes (libéralisation possible sans révolution) :
Maroc : monarchie libéralisant le royaume aussi vite que possible (c'est-à-dire sans heurter les conservateurs).
Jordanie : monarchie libéralisant très lentement le royaume mais sous réserve de pouvoir préserver son existence contre les pressions internes (réfugiés palestiniens dominant démographiquement le pays) et externes (manoeuvres syriennes et opulance des Saoud).
Koweit, Bahreïn, Qatar, Emirats arabes unis et Oman : monarchies opulentes ou aisées ne trouvant aucun intérêt actuel à miser sur le libéralisme interne.
Régimes contestés ou anti-libéraux :
Mauritanie : population trop frustre, sans ambition politique particulière, préoccupée par une menace marocaine.
Algérie : population sans ambitions libérales, dépourvue d'élites valables (seule la population kabyle témoigne d'un niveau global d'éducation honnête), régime tyrannique très dangereux qui n'a pas hésité à sacrifier 175.000 Algériens (1990-2004) pour rester en place.
Libye : population sans ambition, bien domestiquée par l'assistanat, matériellement privilégiée par rapport aux autres populations arabes et suiviste.
Egypte : population dominante frustre et réactionnaire étouffant les élites libérales.
Palestine : population politiquement divisée, guerre civile larvée seulement suspendue par la séparation physique des antagonistes ; la seule ambition commune est de reprendre un jour Israël ; les forces réactionnaires, largement majoritaires sur place et dans les camps de réfugiés étrangers, dominent largement les libéraux, dispersés dans le monde ; seule la vitrine libérale israélienne voisine pourrait conduire les Palestiniens vers une révolution libérale mais pour la plupart d'entre eux, imiter l'Israélien (ou l'Occidental), c'est se rendre ; c'est le cas typique de rejet du libéralisme par amalgame avec l'Occident.
Liban : population instruite en recul, population réactionnaire (chiites) en progrès, menace de guerre civile, de déstabilisation palestinienne et d'annexion syrienne ; le régime syrien des el-Hassad ne laisserait pas une vitrine libérale à ses portes.
Syrie : la minorité instruite ou non sunite a férocement imposée sa présence et soutient les el-Hassad contre une majorité sunnite cultivant une frange extrémiste religieuse ; c'est le pari de la brutalité anti-libérale contre l'obscurantisme sunnite ; révolution en cours mais d'une lenteur toute orientale frôlant l'immobilisme conservateur pour des observateurs étrangers, qu'on pourrait décrire au stade de chrysalide.
Irak : la priorité est de régler la guerre civile contre les bandits et les ultra-conservateurs religieux (les milices chiites pro-iraniennes et les terroristes djihadistes sunnites) ; quand les féodalités patriarchales traditionnelles seront rétablies, tout sera envisageable.
Arabie saoudite : population frustre et ultra-conservatrice ; je pense même que le foyer du wahhabisme qui enrage les intégristes sunnites sera un des derniers bastions anti-libéraux du monde.
Yémen : population trop frustre ; la priorité pour la majorité des Yéménites est de préserver ses moeurs sédentaires, religieusement modérées et la culture de drogues contre les minorités bédouines sunnites et chiites séditieuses et religieusement plus extrémistes.
Soudan : population trop frustre, actuellement préoccupée par ses guerres civiles conduites contre ses minorités ethniques et religieuses et privilégiant, à tort, le conservatisme politique et religieux pour éviter les malheurs qu'il lui crée.
Temudjin a écrit:
Ainsi l'Algérie, l'Égypte et la Jordanie sont en ce moment même agités par le même genre de mouvements accentués par l'inflation importante qui sévit dans ces pays.
La différence est que les Tunisiens connaissent la réforme politique (une révolution libérale) nécessaire aux progrès dans le monde arabe.
Les Algériens réclament plus d'assistanat ; les Egyptiens qui manifestent luttent pour d'autres despotismes ; et je gage que ceux qui protestent en Jordanie sont plus palestiniens que jordaniens, ce qui ne leur sera pas pardonné par la population ou les forces armées jordaniennes.