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 Sujet du message: Re: Les guerres modernes entre chiites et sunnites
MessagePosté: Lun 19 Mar 2012 11:05 
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Geopolis a écrit:
Le conflit syrien entre encore dans les conflits entre sunnites et chiites.

J'en profite pour mentionner cet anecdotique accrochage :
Citation:
Les autorités belges tentaient hier [13/3] de déterminer les motivations de l’homme qui, la veille, a incendié une mosquée chiite à Anderlecht, un quartier de Bruxelles, tuant un imam de 46 ans. Interpellé sur les lieux, le suspect, muni d’armes blanches, qui s’est servi d’essence pour enflammer le bâtiment, y était entré « en proférant des propos liés au conflit syrien », a déclaré la ministre de l’Intérieur, Joëlle Milquet. « Il s’agirait bien d’un problème entre sunnites et chiites. Mais je reste prudente car la justice doit encore confirmer une série de choses », a-t-elle précisé. Après l’incendie, des représentants chiites ont mis en cause le mouvement salafiste sunnite, certains dénonçant « le discours haineux prêché dans certaines mosquées » de Bruxelles. Selon un responsable religieux, la mosquée visée avait déjà reçu des lettres de menace de sunnites. Les tensions entre les deux grandes branches de l’islam se sont accentuées ces derniers mois dans plusieurs pays à majorité musulmane, comme en Irak et au Yémen.

2012, Direct Matin 1049, 12


il y a un vrai probleme salafiste en Belgique et ceci contamine le nord de la France.
un petit détour sur leur site: http://www.shariah4belgium.com/


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 Sujet du message: Re: Les guerres modernes entre chiites et sunnites
MessagePosté: Lun 19 Mar 2012 18:54 
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Marocain a écrit:
Geopolis a écrit:
Le conflit syrien entre encore dans les conflits entre sunnites et chiites.

J'en profite pour mentionner cet anecdotique accrochage :
Citation:
Les autorités belges tentaient hier [13/3] de déterminer les motivations de l’homme qui, la veille, a incendié une mosquée chiite à Anderlecht, un quartier de Bruxelles, tuant un imam de 46 ans. Interpellé sur les lieux, le suspect, muni d’armes blanches, qui s’est servi d’essence pour enflammer le bâtiment, y était entré « en proférant des propos liés au conflit syrien », a déclaré la ministre de l’Intérieur, Joëlle Milquet. « Il s’agirait bien d’un problème entre sunnites et chiites. Mais je reste prudente car la justice doit encore confirmer une série de choses », a-t-elle précisé. Après l’incendie, des représentants chiites ont mis en cause le mouvement salafiste sunnite, certains dénonçant « le discours haineux prêché dans certaines mosquées » de Bruxelles. Selon un responsable religieux, la mosquée visée avait déjà reçu des lettres de menace de sunnites. Les tensions entre les deux grandes branches de l’islam se sont accentuées ces derniers mois dans plusieurs pays à majorité musulmane, comme en Irak et au Yémen.

2012, Direct Matin 1049, 12


il y a un vrai probleme salafiste en Belgique et ceci contamine le nord de la France.
un petit détour sur leur site: http://www.shariah4belgium.com/


Pas uniquement en Belgique, on retrouve ce phénomène dans toute l'Europe ou il y a des communauté musulmane relativement importante.
En France je ne suis pas sur du nom Forza alissane, il me semble. Au Royaume Uni, il y a des quartiers musulman ou la charia est impose, bref.

Est ce que certains ont des échos sur ce qui se passe a Oman?


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 Sujet du message: Re: Les guerres modernes entre chiites et sunnites
MessagePosté: Ven 1 Fév 2013 18:08 
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Je relis ce fil avec intérêt et je félicite Carlo pour ses prédictions sur l'évolution que prendrait le printemps arabe, prédictions un peu plus réalistes que les "aspirations libérales" des peuples libyen, syrien etc. :lol:

Pendant ce temps, les attentats anti-chiites continuent: 19 morts au Pakistan aujourd'hui, 42 morts en Irak il y a une semaine, 100 morts au Pakistan mi-janvier, 68 morts en Irak début janvier...

Qu'il doit être dur d'être chiite dans le monde actuel... Ils ont contre eux une alliance hétérogène composée des djihadistes-terroristes sunnites, des Américains, des monarchies pétrolières fondamentalistes amies des Occidentaux, d'Israël etc. C'est toujours amusant de voir Washington et Al-Qaïda marcher main dans la main, on ne s'en lasse pas...
La seule révolution du "Printemps arabe" non soutenue par les Occidentaux ou du moins par les médias occidentaux toujours prompts à parler de droits de l'homme fut le soulèvement bahreïni, réprimé dans le sang par la famille royale sunnite aidée de troupes saoudiennes. On n'a pas beaucoup entendu nos grands médias humanistes à cette occasion... Curieux, non?


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 Sujet du message: Re: Les guerres modernes entre chiites et sunnites
MessagePosté: Ven 1 Fév 2013 18:32 
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Ces pauvres musulmans en sont encore aux guerres de religion....

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"Les gosses n'apprennent plus rien à l'école; en histoire-géo par exemple, ils doivent se débrouiller comme ils peuvent. Bientôt, un gamin nous dira par déduction que l'an 1111 correspond à l'invasion des Huns....."


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 Sujet du message: Re: Les guerres modernes entre chiites et sunnites
MessagePosté: Sam 2 Fév 2013 12:32 
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Enki a écrit:
Qu'il doit être dur d'être chiite dans le monde actuel... Ils ont contre eux une alliance hétérogène composée des djihadistes-terroristes sunnites, des Américains, des monarchies pétrolières fondamentalistes amies des Occidentaux, d'Israël etc. C'est toujours amusant de voir Washington et Al-Qaïda marcher main dans la main, on ne s'en lasse pas...
Pauvres chiites qui ont déclaré la guerre aux croisés, dénoncent le Satan américain et demandent la mort d' un pays reconnu par les NU, Israel. Sans compter les attentats commis par les chiites dès le début de cette guerre de religion. Ils sont tous à blamer ces intégristes d'un camp comme de l'autre qui ne pensent qu'à tuer l'autre.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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 Sujet du message: Re: Les guerres modernes entre chiites et sunnites
MessagePosté: Sam 2 Fév 2013 17:52 
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Alain.g a écrit:
Pauvres chiites qui ont déclaré la guerre aux croisés, dénoncent le Satan américain et demandent la mort d' un pays reconnu par les NU, Israel. Sans compter les attentats commis par les chiites dès le début de cette guerre de religion. Ils sont tous à blamer ces intégristes d'un camp comme de l'autre qui ne pensent qu'à tuer l'autre.
Vous confondez un peu tout, mon ami...
Pour ce qui est des rapports avec l'Occident (Etats-Unis ou Israël), ils sont loin d'être les seuls. Vous pouvez aller demander la position des fondamentalistes/salafistes sunnites, vous verrez :lol: Pourtant, ceux-là sont laissés tranquilles...
Les chiites, eux, se retrouvent avoir contre eux à peu près tout le monde. Les Etats-Unis, dans leur continuel aveuglement quant à tout ce qui touche le monde arabo-musulman, se sont trouvés un nouvel ennemi : le chiisme. Les fondamentalistes sunnites tuent du chiite à qui mieux-mieux. Vous avez déjà entendu parler d'un attentat chiite anti-sunnite, vous? Moi pas. A chaque fois, ce sont des sunnites qui tuent des chiites, pas l'inverse. On ne compte plus les attentats/massacres de chiites perpétrés par les sunnites, au Pakistan, en Irak etc. Les monarchies pétrolières, grandes financières du djihadisme international, sont évidemment ennemies des chiites, extérieurs (Iran) ou intérieurs (minorités écrasées à Bahreïn...)

Et le pire de tout ça, c'est que "les chiites" ne constituent même pas un groupe unifié. Le prétexte de la guerre que mènent les Américano-islamisto-saoudiens contre les chiites est que ces derniers seraient les pions de l'Iran. Or, rien n'est plus faux. Chaque communauté chiite a certes des liens spirituels avec leurs coreligionnaires, mais d'autres facteurs entrent en compte et sont parfois beaucoup plus importants. Au Liban par exemple, le Hezbollah a quasiment été créé par les Iraniens mais il s'en est ensuite détaché pour devenir une force libanaise autonome, gardant des liens avec l'Iran certes, mais ayant un agenda national. En Irak, c'est la même chose (voir article ci-après). Il faut arrêter de considérer les chiites - qui sont quand même 150 millions dans le monde - comme un tout à la solde de Téhéran, c'est ridicule...


Unité de façade des chiites irakiens

Peter Harling, Hamid Yasin, Le Monde Diplomatique 12 sept. 2006

A la recherche de nouveaux concepts, certains médias évoquent un «axe chiite» qui regrouperait la République islamique d’Iran et ses alliés au Liban et en Irak. Mais la religion ne suffit pas à définir un ensemble homogène. Ni à l’échelle du Proche-Orient, ni même dans chacun des pays concernés. A preuve la diversité du chiisme irakien.

Chaque jour, en Irak, des attaques de nature sectaire opposant sunnites et chiites, devenues routinières, provoquent des dizaines de morts et des centaines de blessés. Ces violences ont même largement pris le dessus sur les opérations visant les forces d’occupation. Ainsi, dans la capitale, Bagdad, le cours du Tigre représente une ligne de fracture entre une rive gauche largement chiite (Al-Rousafa) et une rive droite majoritairement sunnite (Al-Karkh). De larges enclaves subsistent certes de part et d’autre, notamment les quartiers à forte connotation religieuse de Kadhimiya (chiite) et d’Adhamiya (sunnite). Mais le processus de polarisation, qui voit se former de véritables lignes de front, «annonce des combats plus violents et plus structurés», comme le souligne un représentant du groupe armé sunnite Jaysh Ansar Al-Sunna (1).

Selon les interprétations dominant en Irak et à l’étranger, deux «communautés» s’affronteraient pour le pouvoir : d’un côté, une «communauté» arabe sunnite, supposée inféodée à l’ancien régime et qui aurait perdu un monopole séculaire sur les institutions centrales ; de l’autre, une «communauté» arabe chiite, traditionnellement marginalisée sur le plan politique, pour qui l’invasion américaine aurait constitué une occasion historique de se faire entendre en tant que majorité démographique. Cette vision a l’avantage de la simplicité, mais elle ne reflète pas la multiplicité des objectifs que se fixent les acteurs de la scène politique irakienne. Elle entretient surtout une dynamique qu’il faut contenir plutôt qu’alimenter, en «essentialisant» des «communautés» qui constituent en réalité des entités très diverses (2).

La tentation de concevoir les chiites comme une entité homogène est perceptible dans le débat en cours sur leurs allégeances, réservées à l’Irak ou offertes à l’Iran. Le roi Abdallah II de Jordanie a lancé, en décembre 2004, la formule du «croissant chiite», qui présente ceux du Golfe, de l’Irak, de la Syrie et du Liban comme une «cinquième colonne» menaçante pour les intérêts sunnites et pilotée par Téhéran. Le président égyptien Hosni Moubarak a renchéri en affirmant que les chiites du monde arabe se montraient, historiquement, plus fidèles à leur voisin iranien qu’à leurs pays d’origine.

Des chercheurs en vogue érigent cette généralisation en concept, à l’instar de l’étoile montante américaine Vali Nasr, qui voit dans la victoire électorale des chiites irakiens, lors des scrutins de 2005, un facteur de remobilisation de tous les chiites de la région autour d’une identité commune et de revendications partagées, servant mécaniquement les ambitions iraniennes (3).

Une autre école dénonce cette thèse, à laquelle elle oppose celle d’un «nationalisme irakien» à toute épreuve. Tel cet observateur iranien avisé qui nous confie par exemple : «Les solidarités intrachiites ne transcenderont pas la ligne de fracture fondamentale qui sépare les Arabes des Perses. Tout le monde semble avoir oublié que les chiites irakiens ont combattu les chiites iraniens pendant les huit longues années de la guerre Iran-Irak, l’une des guerres les plus sanglantes de la seconde moitié du XXe siècle. Des informations qui nous viennent d’Irak indiquent que les Irakiens, même ceux qui ont vécu en exil en Iran, n’apprécient pas l’influence iranienne dans leur pays.»

Ce débat n’est pas sans importance. La perception d’un renouveau chiite tend à influencer les politiques poursuivies par les Etats-Unis, les régimes arabes et notamment les monarchies du Golfe, qui perçoivent toute ambition iranienne comme forcément hostile. Elle entretient surtout une haine du chiite de plus en plus répandue dans les milieux sunnites, conservateurs ou non. En Irak, rares désormais sont les prêcheurs sunnites à ne pas qualifier les chiites de rawafidh («apostats»), expression péjorative longtemps caractéristique des djihadistes de type Abou Moussab Al-Zarkaoui (chef décédé d’Al-Qaida en Irak).

A vrai dire, la référence au « nationalisme » ne suffit guère à expliquer le comportement des chiites irakiens pendant le conflit contre l’Iran, bien qu’il s’agisse d’un des éléments à prendre en compte. A l’époque, le processus de construction nationale engagé dans la première moitié du XXe siècle n’avait pas tout à fait avorté. Dans les années 1970, le régime redistribuait encore activement les ressources vers le Sud – c’est pourquoi des villes comme Al-Diwaniya ou Nassiriya ont offert de larges contingents de recrues à la police et à l’armée. Les paysans gardaient à l’esprit la vigoureuse réforme agraire lancée au lendemain du coup d’Etat baasiste. Ses politiques «progressistes» valaient au régime le soutien de nombreux chiites pauvres. Dans le même temps, le caractère totalitaire du régime avait conduit à l’effacement des cercles religieux de Nadjaf et à l’éradication des projets politiques concurrents du baasisme, à savoir le communisme et l’islamisme. Enfin, la coercition, à laquelle contribuait une armée populaire de plus de cinq cent mille hommes, a, elle aussi, joué un rôle-clé dans la mobilisation des chiites contre l’Iran.

Un tournant survint avec la guerre de 1991 et les révoltes qui la suivirent, ouvrant une phase de différenciation croissante des identités collectives : accession à l’autonomie, guerre civile, puis épanouissement (économique) au Kurdistan ; ailleurs, abandon du modèle de l’Etat clientéliste et pourvoyeur, au profit d’une économiede prédation et de «privilèges» fondée sur les réseaux familiaux et une allégeance aveugle au régime. Ce basculement nuisit particulièrement aux milieux chiites qui avaient le plus profité des possibilités d’ascension sociale offertes par le régime – fonctionnaires, soldats et petits commerçants. Mais il n’épargna pas les Arabes sunnites et les chrétiens, bien qu’ils aient en général disposé de conditions relativement meilleures d’accès aux ressources, via leurs réseaux familiaux en Irak ou à l’étranger. Dans le Sud, à la paupérisation s’ajouta néanmoins une politique de représailles économiques à l’encontre des localités chiites qui s’étaient soulevées en 1991.

Cependant, la notion d’une «communauté chiite» martyrisée ne s’est véritablement imposée qu’après la chute du régime en 2003, décrite comme le renversement d’un ordre sunnite. La nature sectaire de la répartition des postes au sein du processus politique conçu par l’administration américaine s’est traduite par une forme de «concurrence des victimes», chaque acteur fondant sa prétention à une part du pouvoir sur l’ampleur des souffrances qu’il a endurées. Les partisans de l’Assemblée suprême pour la révolution islamique en Irak (ASRII), dirigée par M. Abdel Aziz Al-Hakim, font ainsi valoir les nombreux martyrs dans la famille de son leader, ainsi que son rôle-clé dans les insurrections de 1991. Les militants fidèles à M. Moqtada Al-Sadr, en revanche, leur reprochent d’avoir choisi l’exil, d’avoir torturé les prisonniers de guerre irakiens pour le compte des Iraniens, et d’avoir lâché les insurgés en 1991 par un repli prématuré en Iran. A leur tour, ils se voient accusés d’avoir servi les intérêts du régime et recruté dans leurs rangs nombre de ses agents.

Toujours est-il que la réinterprétation de l’histoire irakienne en fonction d’une dichotomie sunnites-chiites porte le coup de grâce au «nationalisme irakien». Les Irakiens d’origines différentes n’ont plus de références en commun : les jalons de leur histoire collective – telles la fin de la monarchie (1958), la prise de pouvoir par le Baas (1968), la guerre du Golfe (1991) ou l’intervention anglo-américaine (2003) – font l’objet de disputes amères reflétant des clivages sectaires ; les ressources nationales ne sont plus redistribuées, mais accaparées et privatisées sans vergogne ; les institutions sont dépecées et transformées en fiefs partisans. Certes demeure, dans les discours, une vague référence à un Irak qui transcenderait les divisions, mais dont la définition manque cruellement. En pratique, les réflexes électoraux, la violence arbitraire, le népotisme et une corruption sans précédent dévoilent l’importance des allégeances non nationales.

Cette situation ne transforme pas pour autant l’Iran en nation «par défaut» ou «par adoption» pour les chiites irakiens. Dans le sud du pays, on conserve des sentiments partagés à l’égard du voisin perse. M. Al-Sadr joue par exemple sur les origines iraniennes de l’ayatollah Ali Al-Sistani pour le dénigrer. Les résidents de la ville d’Al-Amara se plaisent à qualifier ceux d’Al-Kout de « Perses », un terme très péjoratif à leurs yeux. Si les portraits de l’ayatollah Ruhollah Khomeiny et de son successeur Ali Khamenei foisonnent, seuls de rares acteurs de la scène politique chiite reconnaissent la conception iranienne de velayat-e-faqih («gouvernement du docte»), pilier de la République islamique. Les positions de l’ayatollah Al-Sistani vis-à-vis de ses pairs iraniens ont toujours été à la fois diplomatiques – évitant de franchir certaines lignes rouges – et farouchement indépendantes. Il semblerait du reste que, en tant que source d’interprétation des écritures, il soit davantage considéré en Iran que le «guide», l’ayatollah Khamenei lui-même.

L’Iran, néanmoins, abat ses cartes avec une grande subtilité en Irak, étendant son influence à travers une multiplicité de canaux. Téhéran a favorisé la participation de ses alliés au processus politique, afin de mieux l’orienter, tout en s’efforçant de nouer des liens avec l’ensemble des acteurs politiques, y compris M. Al-Sadr, ennemi juré de son allié l’ASRII. A un échelon plus local, l’Iran sponsorise de petits groupes à sa solde, tel Tha’r Allah à Bassora, sans pour autant s’exposer : il ne soutient pas massivement les attaques contre la coalition, s’abstenant par exemple de fournir aux insurgés l’armement antichar offert au Hezbollah libanais. A Nadjaf, l’institution Khamenei multiplie les bourses d’études et les dons de livres. La chaîne satellitaire iranienne Al-Alam, par son professionnalisme, a conquis une large audience parmi les chiites irakiens.

Autre moyen de forger une image valorisante de l’Iran : les actions humanitaires et les investissements économiques. Enfin, contrairement aux monarchies du Golfe, la République islamique a largement ouvert ses frontières aux touristes et aux pèlerins : sa tranquillité et sa prospérité relatives les ont fortement impressionnés, leur montrant un visage plus ouvert et plus accueillant qu’ils ne s’y attendaient.

Paradoxalement, la stratégie iranienne repose, non sur un réflexe d’allégeance, mais sur la compréhension d’une population chiite dont elle admet la diversité, faite d’identités collectives très différentes. Un profond clivage social oppose notamment des milieux chiites conservateurs (les religieux de Nadjaf, les commerçants des villes saintes, les classes moyennes urbaines, etc.) aux masses « révolutionnaires » qui suivent M. Al-Sadr (4).

Chaque ville du Sud a ses spécificités et ses enjeux particuliers. Al-Kout est une petite ville de province sans histoires, qui tend à se détourner des aspirations fédérales du Grand Sud. Contrôlée par M. Al-Sistani et l’ASRII, la cité sainte de Nadjaf continue d’attiser les convoitises d’autres acteurs. A Bassora, enfin, une lutte à mort pour le contrôle des ressources, notamment celles de la contrebande de pétrole, met aux prises divers partis «islamistes» et leurs milices respectives.

Bref, plus on s’éloigne de la capitale, où les confrontations entre sunnites et chiites favorisent une unité de façade dans chaque camp, plus le potentiel de violence interchiites apparaît. Voilà qui rend bien vaines les sempiternelles réformes et initiatives discutées à Bagdad.


(1) Pour une typologie des principaux groupes de l’opposition armée, cf. International Crisis Group, «In their own words : Reading the Iraqi insurgency», Middle East Report, no 50, Hopewell (Etats-Unis), 15 février 2006.
(2) Lire Ahmad Salamatian, «Les chiites écartelés entre Téhéran et Bagdad», Le Monde diplomatique, juillet 2005.
(3) Vali Nasr, «When the shiites rise», Foreign Affairs, vol. 85, no 4, New York, juillet-août 2006.
(4) International Crisis Group, «Iraq’s Moqtada Al-Sadr : Spoiler or stabiliser ?», Middle East Report, no 55, Hopewell (Etats-Unis), 11 juillet 2006.
Peter Harling est chargé de l’Irak, de la Syrie et du Liban à l’International Crisis Group (ICG) et Hamid Yasin est doctorant à l’Institut d’études politiques de Paris.


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 Sujet du message: Re: Les guerres modernes entre chiites et sunnites
MessagePosté: Sam 2 Fév 2013 20:44 
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Enki a écrit:
Vous confondez un peu tout, mon ami... Pour ce qui est des rapports avec l'Occident (Etats-Unis ou Israël), ils sont loin d'être les seuls. Vous pouvez aller demander la position des fondamentalistes/salafistes sunnites, vous verrez :lol: Pourtant, ceux-là sont laissés tranquilles
Il ne s'agit pas du fond, effectivement complexe, mais de votre "pauvres chiites" et la suite.
Pour moi, ils sont tous dangereux quand ils vocifèrent et je les renvois dos à dos, je parle des intégristes et des va t'en guerre des deux bords. Les EU ne sont pas si unilatéraux, ils viennent de tuer Ben Laden et traquent avec des drones les terroristes sunnites. Et il y a le pétrole.
Le véritable topo sur la politique américaine , celle d'Obama je le rappelle, est à écrire, il serait un exercice de realpolitik.
On en saura plus quand on saura si l'approche de Khamenei aboutira ou non à l'élimination des extrêmistes guerriers au pouvoir à Téhéran qui préparent une bombe et des vecteurs pour Israel et ... les EU. Pour ces derniers, l'urgence est là.

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MessagePosté: Sam 2 Fév 2013 22:19 
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Alain.g a écrit:
Il ne s'agit pas du fond, effectivement complexe, mais de votre "pauvres chiites" et la suite.
Le problème est que vous confondez avec le message d'un autre intervenant. Je n'ai pas parlé de "pauvre chiite", j'ai seulement dit qu'il est très dur à l'époque actuelle d'être chiite, car ils ont à peu près tout le monde contre eux: ça va de la première puissance mondiale (les USA) aux fanatiques les plus dangereux de la terre (les islamistes sunnites qui les tuent par dizaines chaque mois) en passant par les pays les plus riches de la terre (les monarchies pétrolières du Golfe). Ce que je dis est difficilement contestable.
Or, on peut se poser la question: qu'ont-ils fait pour mériter ça? Ont-ils envahi d'autres pays? Non. Ni l'Iran ni la Syrie alaouïte (et encore, cette dernière n'est pas vraiment chiite) n'ont envahi de voisins (l'intervention syrienne au Liban pour mettre fin à la guerre civile n'est pas une invasion en tant que telle).
Ont-ils perpétré des attentats contre des civils, type 11 septembre? Non. Le seul véritable attentat contre des civils qu'on pourrait imputer à des chiites est l'explosion devant l'AMIA à Buenos Aires en 1994. Mais l'enquête a été bâclée et certaines pistes troublantes d'emblée écartées (la piste syrienne par exemple) car elles mettaient en cause le président argentin d'alors, Carlos Ménem. Est-ce que ce sont des chiites qui ont dirigé les avions contre le World Trade Center, est-ce que ce sont des chiites qui ont mis des bombes dans le métro parisien, londonien ou madrilène? Non.
Massacrent-ils régulièrement des sunnites, provoquant la réaction de ces derniers? Non. C'est presque toujours les sunnites qui massacrent les chiites, jamais le contraire.
Tenez, encore un article:
http://geocurrents.info/news-map/war-and-strife-news/hazara-exodus-from-quetta
Les Hazaras - communauté chiite, iranophone et d'origine mongole - du Pakistan vivent dans une telle terreur qu'ils sont près à abandonner leur pays pour aller vivre en Afghanistan, dans une région sûre habitée par d'autres Hazaras. Sur les 7000 Hazaras que compte le Pakistan, 10% ont été assassinés.

Citation:
Pour moi, ils sont tous dangereux quand ils vocifèrent et je les renvois dos à dos, je parle des intégristes et des va t'en guerre des deux bords.
Des va-t-en guerres, on en trouve partout, pas seulement chez les chiites ou sunnites. Un certain George W était pas mal dans ce rôle il y a quelques années... ;)

Citation:
Les EU ne sont pas si unilatéraux, ils viennent de tuer Ben Laden et traquent avec des drones les terroristes sunnites. Et il y a le pétrole.
Tout en soutenant la constitution de groupes terroristes sunnites au Liban, en Syrie, en Libye etc. et en donnant un blanc-seing à leurs potes fondamentalistes saoudiens pour convertir leurs pétrodollars en madrassas wahhabites. Les Américains tuent ce qu'ils créent. C'est Sisyphe et son rocher...

Citation:
Le véritable topo sur la politique américaine , celle d'Obama je le rappelle, est à écrire, il serait un exercice de realpolitik.
La politique étrangère américaine est la même depuis des décennies...

Citation:
On en saura plus quand on saura si l'approche de Khamenei aboutira ou non à l'élimination des extrêmistes guerriers au pouvoir à Téhéran qui préparent une bombe et des vecteurs pour Israel et ... les EU. Pour ces derniers, l'urgence est là.
Le projet de bombe a commencé sous le Shah, qui n'était pourtant pas un horrible guerrier le couteau entre les dents. La bombe est une arme de dissuasion pour un pays entouré d'ennemis comme l'est l'Iran. D'ailleurs, elle aurait été bien utile entre 1980 et 1988 quand les Saoudiens et les Occidentaux ont lancé Saddam contre l'Iran. Une bombe iranienne aurait évité un million de morts. Cette guerre, qui a traumatisé les Iraniens, les a poussés à accélérer leur programme nucléaire. Rien que de très logique là-dedans...
Une bombe iranienne me fait beaucoup moins peur qu'une bombe pakistanaise (qui existe déjà) voire qu'une bombe israélienne (étant donné la transformation assez inquiétante de la société israélienne et l'idée de plus en plus messianique qu'elle a d'elle-même). L'Iran, entouré d'ennemis, veut se défendre. Comme Israël dans les années 70...
Et encore une fois, le pouvoir à Téhéran n'est pas entre les mains de ce bouffon d'Ahmadinejab mais entre les mains de Khamenei.


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 Sujet du message: Re: Les guerres modernes entre chiites et sunnites
MessagePosté: Dim 3 Fév 2013 11:52 
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Enki a écrit:
et en donnant un blanc-seing à leurs potes fondamentalistes saoudiens pour convertir leurs pétrodollars en madrassas wahhabites. Les Américains tuent ce qu'ils créent. C'est Sisyphe et son rocher...
C'est bien plus complexe !

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 Sujet du message: Re: Les guerres modernes entre chiites et sunnites
MessagePosté: Dim 17 Mar 2013 18:04 
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Citation:
Quatre-vingt-douze morts dans un quartier chiite de Quetta le 10 janvier, et encore 80, le 16 février, dans une ville de l’ouest du Pakistan : le Lashkar-e-Jhangvi, un groupe sunnite financé par des donateurs saoudiens, a déclaré la guerre à la communauté chiite, qui avait déjà recensé plus de 400 victimes l’an dernier. Le gouvernement pakistanais a donné tout pouvoir à l’armée pour arrêter le massacre, mais, par complicité ou incompétence, les militaires ont échoué et le chaos règne à Quetta.

2013, Le Point 2110, 66


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