Je résume un article du New York Times sur les trajectoires et motivations des terroristes basé sur plusieurs études et recherches de professeurs et politologues spécialistes de la question.
Cet article commence en rappelant que jusqu'à une date récente, l'étude de la psychologie des terroristes était essentiellement théorique: avoir accès à des sujets réels était très difficile. Mais cet accès est devenu moins problématique, et un embryon de "science" est en train de naître sur la question: davantage d'ex terroristes parlent de leur expérience, des dizaines de milliers d'individus sont dans des programmes de "déradicalisation", tant aux US qu'au MO, ils sont interviewés, testés, conseillés, ce qui permet de rassembler des données sur la question. De plus, la propagande terroriste est omniprésente sur internet, il existe même des chaînes de télé extrémistes, et les chercheurs y ont accès, ainsi qu'aux transcripts des procès et aux "videos d'adieu'' que des terroristes enregistrent avant de commettre un attentat suicide. Bien sûr, cette recherche a ses limites, les narrations des terroristes ne sont pas faciles à vérifier et il y a des divergences entre chercheurs dans leur conception du processus de radicalisation. Pour certains, cela se ramène essentiellement à une question religieuse, pour d'autres c'est la politique qui est en jeu, pour d'autres encore, ce sont les facteurs psycho-sociaux qui sont déterminants. Néanmoins, il y a des schémas identifiés, et bien qu'il n'existe pas de profil unique, des facteurs de risque peuvent néanmoins être posés. Par exemple ce que Jerrold M. Post, professeur de psychiatrie et de psychologie politique à l'université George Washington, nomme "transmission générationnelle" des croyances extrémistes, transmission qui se produit habituellement très tôt dans la vie: une forte conviction d'être (d'appartenir à un groupe) victimisé, aliéné, la croyance que ce groupe est en danger, menacé d'extinction, sans pouvoir politique pour se défendre, l'adhésion à la notion que les violations morales perçues chez l'ennemi justifient le recours à la violence et l'utilisation de celle-ci pour atteindre "une condition morale plus élevée". Des recherches mettent également en évidence que certains terroristes ont une mentalité criminelle et ont commis des délits ou crimes avant de s'engager dans le terrorisme. Autre point d'accord: la radicalisation survient souvent suite à un moment non pas exactement d'épiphanie mais au moins à cause d'un déclencheur qui accélère le processus, par exemple le meurtre (vu comme politique) d'un ami ou parent, Erwin Staub, professeur de psychologie à l'université du Massachusetts, identifie 3 grands types de terroristes: l'idéaliste qui s'identifie aux souffrances d'un groupe quelconque, pas nécessairement le sien, les réactifs qui s'identifient aux souffrances de leur propre groupe (suite à des traumas directement liés à leur situation comme d'avoir été élevé dans un camp de réfugiés, ou indirectement liés comme des maltraitances subies dans l'enfance), les "âmes perdues" (lost souls), des individus à la dérive, ayant perdu leurs repères et ayant besoin d'être pris en main par des personnalités plus fortes ou étayés par des groupes structurés, et qui sont faciles à recruter de ce fait par des recruteurs tant soit peu convaincants. Clark McCauley, professeur de psychologie à Bryn Mawr, distingue 4 modes d'accès au terrorisme: les révolutionnaires, qui adhèrent durablement à une cause et peuvent lui rester fidèle leur vie durant, les voyageurs, qui passent d'un groupe à l'autre, les convertis, qui changent de vie et laissent tout tomber pour rejoindre un mouvement extrémiste, et les influençables qui cèdent à la pression de leur entourage, famille, amis ou partenaire affectif. Mais c'est l'identité collective, celle du groupe d'appartenance et non celle de l'individu, qui a attiré le plus l'attention des chercheurs récemment. En matière d'attentat, les cas où un individu agit totalement seul sont très rares: les seuls cas contemporains connus aux US sont l'unabomber Kaczynski et l'affaire du sniper de Washington John Allen Muhamad; l'unabomber a d'ailleurs été diagnostiqué depuis comme schizophrène paranoiaque. Les groupes terroristes en principe éliminent les malades mentaux et préfèrent utiliser des gens mentalement relativement stables et de bonne origine sociale, entre autres parce qu'ils valorisent et crédibilisent davantage la cause qu'ils servent selon eux. (...)
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