Bon, d'abord, il est tout à fait impossible qu'il y ait eu zéro fraude électorale en Iran, il y en a toujours, à toutes les élections, c'est rituel, et les iraniens le savent bien.
Les seules questions qui se posent, ce sont celles 1/ de l'ampleur de ces fraudes et 2/ est-ce qu'elles ont pu influer sur le résultat final?
Citation:
le fait que Mousavi ou Karroubi n'aient pas gagnés dans leurs bastions, respectivement l'Azerbaidjan oriental et le Loristan. C'est vrai, mais il n'empêche qu'ils ont chacun obtenus des scores très nettement supérieures à leur moyenne nationale dans ces deux provinces (42% contre 34% pour Mousavi, 4,6% contre 0,9% pour Karroubi). Or, si on considère que les résultats officiels sont exacts (ce que je ne présuppose pas particulièrement), il est très logique qu'une hausse au niveau national de Ahmadinejad de prêt de 40 points entre 2005 et 2009 soit accompagnée de hausses significatives dans les provinces, même les plus défavorables, et logiquement ces hausses s'accompagnent de diminutions chez ses adversaires.
Cet argument me semble des plus solides. Les solidarités ethniques sont encore déterminantes en Iran, et j'ai de la peine à trouver crédible l'échec relatif de Mousavi dans sa ville natale.
L'autre argument qui me parait le plus pertinent est cette question de la participation électorale atteignant des taux invraisemblables: de 141% dans la ville de Taft, dans la province du Yazd, de 132% dans celle de Kourang, et de 120% à Chedegan (Ispahan), un grand nombre de villes ayant des taux entre 95% et 100%.
De tels taux de participation électorale n'ont jamais été vus en Iran, même de loin; en fait, ils n'ont jamais été vus nulle part (sauf peut être en Union soviétique sous Staline) et en tout cas pas dans les démocraties occidentales, pour la simple raison qu'il y a toujours un pourcentage important d'électeurs malades, en voyage, décédés, à l'étranger ou empêchés pour toute autre raison.
Certains arguent de l'absence de listes électorales en Iran, et du fait que les électeurs peuvent voter sur simple présentation de leur extrait de naissance pour expliquer ces taux record: mais justement, ce manque de rigueur fait que les électeurs peuvent ainsi frauder très facilement en votant plusieurs fois, et cet argument vient à l'appui de la thèse de la fraude plutôt qu'il ne l'invalide.
De toute façon, si on additionne tous les taux de participation de tous les lieux de vote, on aboutit à un chiffre de population bien supérieur à la population totale du pays!
Il n'y a aucun doute que des fraudes importantes ont eu lieu, les indices sont multiples et concordants. La question qui reste à résoudre est si ces fraudes ont été mises en oeuvre sur une échelle telle qu'elles ont abouti à modifier le résultat final.
A cette question, j'aurais tendance à répondre positivement: si Ahmadinejad, avant même la fermeture des bureaux de vote, a fait déployer l'armée et des détachements des Gardiens de la Révolution en plusieurs points stratégiques de la capitale (et dans d'autres villes?), s'il a fait fermer les journaux favorables à Moussavi, fermer des sites internet, fait attaquer des QG moussavistes, détruit leurs ordinateurs, empêché les observateurs de l'Inspection d'Etat d'approcher des bureaux de vote, si des électeurs se sont plaints de ne pas trouver de bulletins Moussavi près des urnes, si les urnes mobiles ont suivi de curieux itinéraires et littéralement disparu de la circulation pendant des heures, si etc.
c'est que le leader iranien savait que les premiers résultats ne lui étaient pas favorables; et peut être que la police secrète l'avait averti dès avant les élections que cela se présentait mal pour lui. Il lui fallait donc intervenir énergiquement s'il voulait garder le pouvoir.
Pourquoi cette focalisation sur la fraude d'ailleurs? La liste des abus et violences ci-dessus montre qu'il y a eu non seulement fraude mais coup d'état, rendu nécessaire pour mettre en oeuvre cette fraude à une grande échelle, la camoufler autant que possible et essayer de faire taire ceux qui pouvaient parler et protester.
Et il y a eu une répression sanglante ensuite; donc pourquoi s'obséder sur ces questions de chiffres?
Ce déni de la fraude, ne proviendrait-il pas du fait que beaucoup d'Occidentaux ont eu la naiveté de prendre au pied de la lettre l'expression "République islamique d'Iran"? Républicain et démocratique, l'islamisme l'est tant que le verdict des urnes lui est favorable; quand les électeurs ne suivent plus, il montre son vrai visage.
Comment peut-on croire une minute qu'une théocratie soit durablement et authentiquement démocratique?