En matière géopolitique, c'est intéressant d'avoir la Turquie dans l'UE, dans la perspective d'une Europe qui deviendra une puissance politique un jour.
Cela présenterait les avantages géopolitiques suivants, en particulier : 1) Bloquer une éventuelle extension de la Russie vers la méditerranée, et contrôler le Bosphore 2) Rapprocher l'Europe de ses approvisionnements énergétiques stratégiques 3) Garantir que la Turquie ne dérivera pas hors de la démocratie et/ou dans une posture d'hostilité à l'UE 4) Permettre une extension à la Géorgie et l'Arménie, voire l'Azerbaïdjan et ses hydrocarbures, terminant ainsi l'encerclement de la Russie et en contrant ainsi toute velléité impériale future.
De plus, en incluant un grand pays musulman et démocratique dans l'UE, on casserait son image de club chrétien, et l'Europe pourrait mieux prétendre jouer un rôle de stabilisation et de paix aux Proche et Moyen Orients, voire en Asie Centrale (sur l'autre rive de la Caspienne).
Une adhésion pose en revanche deux types de problèmes. Des problèmes conjoncturels, et des problèmes de fond.
Quelques problèmes conjoncturels : 1) Intégrer la Turquie dans la gouvernance actuelle de l'Europe, c'est la garantie de ne pas pouvoir avant longtemps en faire autre chose qu'une zone de libre échange économique. Il faut d'abord renforcer significativement l'union politique avant d'intégrer un nouveau grand pays, qui plus est culturellement si différent. 2) Il reste des problèmes substantiels en termes politiques à régler en Turquie (reconnaissance de Chypre, réglement du conflit au Kurdistan, acceptation définitive de la démocratie par l'Armée, approfondissement de la démocratie et du respect de l'état de droit, lutte contre la corruption (qui est au même niveau qu'en Bulgarie et en Roumanie), efficacité de l'économie, etc, etc...) 3) Sans une hausse préalable du niveau de vie en Turquie, il y aurait un risque d'une émigration massive vers le reste de l'Europe qui pourrait être délicate à gérer
Et quelques problèmes potentiels de fond :
1) La population d'un pays musulman tel que la Turquie est elle prête aujourd'hui à accepter massivement les valeurs que prône l'UE (individualisme, libéralisme dans tous les sens du terme, égalité des citoyens devant la loi, religion tenue à distance de la sphère publique) 2) Une fois la Turquie intégrée, comment expliquer aux autres pays méditerranéens que eux ne le seront pas ? Par exemple au Liban, au Maroc, à Israël ? L'argument géographique est de peu de poids une fois qu'on a accepté la Turquie. 3) Enfin, le problème du nationalisme. Le nationalisme exacerbé dont fait preuve actuellement la société turque n'est pas compatible avec l'esprit pacifique qui prévaut à l'intérieur de l'union. Intégrer la Turquie ferait peser un risque de déstabilisation interne à l'UE en raison de ce nationalisme.
_________________ Qui, a fait quoi, et à quelle date ?
- Alaric, a éteint le feu sacré, à Rome, en 410.
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