Vitalis a écrit:
Peut-on dire aujourd'hui que les américains ont gagné la guerre en Irak ?
Les deux buts de guerre officiels ont été atteints :
- renverser Saddam Hussein ;
- éradiquer la capacité de production d'armes de destruction massives en Irak.
J'ajoute qu'il me semble que le renversement de Saddam Hussein constituait une raison nécessaire et suffisante pour cette guerre pour l'opinion américaine.
Personnellement, je crois que la réélection de George Bush était une raison officieuse de cette guerre et qu'elle a également été accomplie.
Après, l'endroit est tellement pourri qu'il vaut mieux prendre des pincettes pour gérer toute victoire :
1. Les Américains sont alliés aux Saoudiens qui craignent terriblement un pouvoir chiite à Bagdad, non seulement parce que la religion d'Etat du royaume saoudien est le wahhabisme, courant sunnite ultraviolent fondé sur l'extermination des chiites, mais aussi parce que la richesse du royaume est sa région pétrolifère assise sous ses populations majoritairement chiites de l'Est. On ne peut donc pas démocratiquement abandonner le pouvoir à la majorité chiite arabe de l'Irak sans de sérieuses garantie pour la stabilité saoudienne.
2. Les Américains sont alliés aux Turcs qui craignent l'émergence d'un Kurdistan autonome ou indépendant au nord de l'Irak, pour des raisons ultranationalistes (le pantouranisme qui encourage l'écrasement de toute population non turcophone au profit des seules populations turcophones). On ne peut donc pas démocratiquement laisser les Kurdes irakiens négocier leur autonomie en Irak sans de sérieuses garanties pour la stabilité turque.
3. Les Américains sont ennemis de l'axe international chiite (Iran-Syrie-Hezbollah auquel on peut joindre le Hamas sunnite) et exigent des garanties de gratitude, sinon d'indépendance d'un gouvernement irakien chiite. Des sectes irakiennes chiites, telles celle de Sadr, tentent régulièrement de déstabiliser l'Irak et son gouvernement chiite non pro-iranien. Ceci est à rattacher à l'alliance américano-saoudienne, à l'inimitié des wahhabites pour les chiites et à la schizophrénie des djihadistes sunnites (tels al-Qaeda et les talibans) dont le principal soutien, les USA, constituent en même temps le plus dangereux adversaire.
Le talent de Saddam Hussein était précisément de s'asseoir avec une terrible brutalité sur l'Orient compliqué et d'exterminer par centaines de milliers les adversaires : Kurdes, chiites irakiens et iraniens...
Contrairement à ce qu'a écrit ici un participant, la troisième guerre du Golfe initiée par les alliés et voulue par les USA est loin d'atteindre le sinistre bilan de Hussein, à savoir environ :
- 4.000 opposants politiques exécutés entre 1979 et 2003 ;
- 860.000 morts dont plus de 300.000 Irakiens durant la première guerre du Golfe (1980-88) ;
- près de 200.000 Kurdes tués entre 1979 et 1990 ;
- 86.000 morts dont 84.000 Irakiens durant la seconde guerre du Golfe (1990-91) ;
- 140.000 morts durant la répression de 1991 ;
- 1.000.000 morts, dit-on, par la destruction des marais et du pays chiite durant l'embargo onusien (1991-2003).
Soit un total de près de 2,3 millions de pions et d'adversaires supprimés en 24 années de despotisme, ce que 7 années de guerre et d'occupation sont loin de comptabiliser depuis 2003 en dépit de sévères violences civiles autour des années 2006-2007 (3.000 morts par mois à la fin de 2006). Au rythme du régime de Hussein (près de 100.000 morts par années de règne), devait-on attendre 700.000 morts supplémentaires pour sept années de présence supplémentaires ?
(Une seule étude, celle publiée dans
The Lancet en 2006, comptabilise 300.000 à 900.000 morts durant cette guerre, les autres sources, y compris le ministère de la Santé irakien, s'accordant autour de 150.000 à 200.000 morts depuis 2003, ce qui est déjà conséquent.)
Quant aux pertes alliées, moins de 5.000 morts, elles ne sont pas si importantes en regard des effectifs engagés, de l'intensité et de la durée du conflit.