Alain.g a écrit:
Il existe une théorie américaine selon laquelle il faut savoir accepter que des élections soient gagnées par des intégristes pour qu'avec le temps la population apprenne à surmonter les inconvénients de l'intégrisme en les vivant concrètement. Une sorte de vaccination politique. Un calcul basé sur le bienfait en soi de la démocratie et le long terme ?
J'imagine qu'ils avaient du mal à combattre idéologiquement le marxisme et le communisme après la Seconde Guerre mondiale, mais qu'en observant le rejet du communisme par les populations qui en ont souffert, ils doivent se dire que l'expérience vaut effectivement rejet, comme on le voit en Iran ou en Afghanistan.
Par ailleurs, si les totalitarismes nazis ou bolcheviques ont fait peser les plus lourdes menaces sur les démocraties libérales, le totalitarisme qui instrumentalise l'islam pour faire de la politique ne se développe pas dans des Etats assez puissants pour menacer le monde moderne comme l'ont fait le IIIe Reich ou l'URSS. Laisser les Orientaux se dégoûter du totalitarisme intégriste musulman (le néologisme "fascislamisme" existe) reste donc une expérience aux risques limités pour le reste du monde.
Alain.g a écrit:
Comment l'expliquer ? par la religion, les régimes politiques, les traditions, les réticences de la population à l'occidentalisation ?
J'ai la perception d'une révolution libérale qui a commencé à balayer les organisations archaïques en Europe occidentale. Cette révolution ne s'y est pas accomplie sans douleur et sans durée. Elle impose notamment une émancipation que ne sont pas prêts à accepter les groupes de pouvoir traditionnels (autorités familiales, claniques, tribales, féodales, parfois religieuses).
Comme cette libéralisation a démarré en Occident, on confond, à mon avis, les concepts d'Occident et d'occidentalisation avec ceux de libéralisme et de libéralisation.
1. D'une part, c'est peut-être cet amalgame libéralisme = Occident qui provoque des résistances chez des non-Occidentaux, mais c'est oublier que le libéralisme a dévasté les structures traditionnelles occidentales avant de s'attaquer à celles du reste du monde.
2. D'autre part, on peut constater que les résistances à la libéralisation/"occidentalisation" du monde ne sont pas les mêmes partout. L'Europe centrale (Allemagne, Autriche), le Japon y accèdent dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Bébés Tigres s'y mettent durant la guerre froide et l'Europe de l'Est depuis l'effondrement de l'URSS.
Les pays résistants le sont soit parce qu'ils restent muselés par des régimes ou des pouvoirs despotiques (pays marxisants, régimes musulmans intégristes), ou largement corrompus (Afrique, Birmanie) mais l'on voit qu'à défaut de toujours pouvoir voter avec ses pieds, le peuple vote parfois avec son regard.
Dans l'ex-RDA, les Allemands soupiraient après les voitures de l'Ouest ; aujourd'hui, les Chypriotes turcs lorgnent sur le niveau de vie des Chypriotes grecs et commencent à réclamer le rembarquement des Turcs venus les assister en 1974 pour s'emparer de la moitié de l'île. Pour parler en terme de libre-échange, ces gens troquent volontiers les discours officiels (marxisme-léninisme, pantouranisme) contre ce que procure un chèque.
Les coeurs craquent derrière les discours. L'affirmation tacite du libéralisme est que l'acte parle plus haut que les intentions proclamées. Et les pouvoirs traditionnels comprennent que la majorité des gens se détournent peu à peu d'eux.
Je pense que c'est parce qu'ils ont opportunément peur de perdre leurs privilèges que les pouvoirs traditionnels (sabre & Coran) du monde arabe réagissent de manière aussi agressive en Iran, chez les djihadistes sunnites ou les modernes caïds algériens. J'y vois un combat du réactionnaire conservateur contre la révolution (libérale).
J'espère ne pas avoir été trop confus parce que c'est si évident pour moi que je peux omettre quelques étapes de ma démonstration...