Le salon géopolitique de Passion-Histoire

Si la Turquie tourne le dos à l'Occident, existe-t-il des procédures d'éviction de membres de l'Otan ?

Après tout, l'Otan est le principal parapluie de la Turquie si elle intervient contre Israël.

Pourtant, Erdogan marche sur des oeufs : le génocide de 1915, Chypre et le Kurdistan valent beaucoup de Palestines.

Sa légitimité internationale peut tourner au vinaigre s'il s'en prend à celle des autres.

Mais peut-être est-ce vous qui vous appuyez un contresens : Erdogan a toujours plaidé que le nom et le programme de son parti politique équivalait à celui des "partis chrétiens-démocrates" en Europe. Même avec quelques mesures populistes ou populaires destinées à charmer un électorat traditionaliste ou bigot, rien ne contredit pour l'instant ses déclarations d'intention.

Bien sûr que si, et il faut être aveugle (ou mal informé) pour ne pas le voir.
Les partis démocrates-chrétiens respectent les lois en gros en matière de justice et ils ne mettent pas leurs opposants en prison: il y a en Turquie de nombreux condamnés politiques kurdes, militaires, antislamistes etc qui ont été arrêtés sur des preuves douteuses ou trafiquées et qui se morfondent en prison sans espoir de passer en jugement.
Ils ne s'acoquinent pas avec des organisations terroristes comme le Hamas.
Ils ne tolérent pas ou n'encouragent pas la persécution des religions autres que la leur.
Et j'en passe-j'ai déjà abordé les abus de l'AKP sur ce forum, je ne vais pas citer les mêmes faits 36 fois, faites une recherche, notamment sur l'affaire Ergenekon, celle des opposants arrêtés sous prétexte de complot, vous trouverez une liste plus complète..
Erdogan a un discours pour les occidentaux, célébrant plus de démocratie, plus de libertés, plus de croissance etc.
Et un discours nettement plus islamiste pour les Turcs.
Ses actes politiques ne correspondent pas à ses paroles.
Il faut une fameuse dose de naiveté pour prendre au pied de la lettre les déclarations d'intention des leaders politiques en général, a fortiori de leaders islamistes.
Toute proportion gardée encore une fois, si on avait jugé Hitler sur ses déclarations d'intentions, et le nombre de fois où le mot paix revenait dans ses discours, on l'aurait classé comme le plus pacifique des leaders européens.

En ce cas, la Turquie se déteriorera et se délégitimisera, ce qui limitera (encore) son pouvoir de nuisance.

Thomas Friedman, chroniqueur progressiste modéré du New York Times, rapporte dans un article paru aujourd'hui sur la Turquie, que ses interlocuteurs turcs étaient curieux de lui poser des questions, mais surtout lui demandaient anxieusement de pas citer leur nom, de peur de représailles gouvernementales sous formes de contrôle fiscal, pertes de contrats, vexations diverses ou pire. Il compare le comportement de despote éclairé d'Erdogan a celui de Poutine et dit que les journaux turcs doivent s'autocensurer ou périr.
Il souligne par ailleurs le remarquable dynamisme de l'économie turque (7% de taux croissance, le plus fort taux européen) et remarque que les businessmen turcs ne sont plus du tout déçus de rester à la porte de l'Europe, vu la différence entre leurs excellentes performances économiques et les piètres chiffres de l'UE.
Il rapporte aussi que le nouveau positionnement diplomatique d'Erdogan (rapprochement avec le Hamas et l'Iran) inquiète aussi nombre de pays arabes modérés.

http://www.nytimes.com/2010/06/20/opini ... f=homepage

La presse parle de réactions défavorables d'officiers supérieurs turcs au nouveau jeu d' Erdogan en israel et en iran. Il se pourrait qu' Erdogan paye un jour son retournement qui pour les militaires ne rapporte rien qu'une popularité auprès de la rue arabe en définitive de peu d'importance dans des pays non démocratiques. Par contre, on voit bien les risques pris par la turquie et les pertes d'avantages.
Compte tenu du rapport de forces international, Erdogan ne pourra perséverer longtemps à se croire autonome des EU.
Certains officiers turcs auraient indiqué que vis-àvis des kurdes, la turquie faisait bien comme israel à l'égard de la palestine: représailles et méfiance. Pire même, la turquie refuse absolument un Etat kurde. Pas israel qui veut une reconnaissance et des garanties de non agression.
Et si les EU favorisaient un Etat kurde! Actuellement, les turcs entrent en irak kurde. Cela vaut bien l'abordage d'un bateau turc par israel dans les eaux internationales au large de Gaza. Cette comparaison tracasse les officiers turcs.

Les Turcs prêchent à Israel une morale qu'ils n'appliquent pas chez eux. Et l'armée est affaiblie par les islamistes. Sauf coup d'Etat, la dérive vers la radicalisation islamiste semble peu évitable.
Si cela pouvait servir de leçon à ceux qui croient en un "islamisme modéré"