Aigle a écrit:
Ne croyez vous pas que les pays du maghreb sont tout de même relativement associés à la sphère culturelle européenne - par le passé colonial, la pratique de la langue (et de la télévision) française et surtout en rasion des liens étroits créés par l'émigration vers l'Europe ? les détails de la vie quotidienne dans le démocraties libérales sont assez bien connus dans le Maghreb me semble-t-il. Ce qui devrait incliner à l'optimisme.
Il faut voir le degré de féodalisme. La mentalité féodale est ce qui rend les sociétés asiatiques si incompréhensibles aux démocraties libérales occidentales.
L'individu est y inféodé à la cellule familiale, à la rigueur à un groupe plus ouvert ou important (la mosquée, le parti...). Dès lors, les droits du groupe revendiqué comme suzerain priment complètement sur nos droits individuels dits de l'Homme.
Il en découle que la fratrie, le clan, la tribu, l'émirat, le parti, la mosquée, etc. priment sur les mérites individuels et qu'on privilégiera toujours les membres de son groupe aux détriments d'individus plus capables et méritants. Ce népotisme incontournable constitue un puissant fléau socio-économique pour les sociétés féodales.
Sans que je comprenne trop comment le point suivant est relié aux précédents, les sociétés féodales sont associées à des états d'esprits attentistes et fatalistes (permettant et entretenant peut-être la féodalité et ses tares afférentes), où les individus acceptent leurs fortunes et infortunes de naissance, d'appartenance et de naissance et où les individualités rebelles, quoique magnifiques, risquent l'ostracisme et l'élimination. Ce fatalisme est opposé aux moeurs travailleuses, bourgeoises et actives de quelques groupes minoritaires relativement plus instruits et éduqués que les masses environnantes : minorités religieuses (juifs, chrétiens...), marchandes (Libanais, Indiens, Chinois...), nationales (Kabyles).
L'espoir tunisien est que cette révolution de Jasmin, toute bourgeoise et libérale, manifeste une émancipation des Tunisiens, qui paraissent globalement acquis aux valeurs libérales et individualistes, vis-à-vis des féodalités traditionnelles qui empèsent et déclassent l'Orient.
Le désespoir arabe est qu'en dehors de la Tunisie et des minorités mentionnées par Marocain, le monde arabe est loin d'être acquis aux valeurs bourgeoises, libérales et individualistes et cultive encore, souvent par réaction conservatrice, des valeurs traditionnelles féodales et anti-libérales ; et anti-libérales souvent par amalgame (xénophobe) entre libéralisation et occidentalisation.
Dans le monde arabo-musulman, l'Etat qui ressemble le plus à la Tunisie, tant par sa révolution passée que par son état actuel, est l'Iran : féodalités dominantes corrompues, entravant le développement du pays, contestées par le peuple instruit et embourgeoisé et l'armée (qui peut recourir par les armes contre le pouvoir), mais asseyant leur despotisme sur une police politique pléthorique et violente. Mais deux différences distinguent la Tunisie et l'Iran. Les despotes iraniens sont considérablement plus tyranniques que ceux de Tunis et ils restent légitimes auprès d'une importante partie de la population, la plus arriérée de l'Iran.
Temudjin a écrit:
Les chinois s'accommodent très bien de la dictature.
Ceux qui viennent de la Chine communiste, parce qu'ils ont d'autres priorités. Pour les Han d'outre-mer (Taiwan, Singapour...), la dictature ne va pas de soi.
Tonr a écrit:
Intéressant. Et sur ce fil même, la dichotomie est apparente: les occidentaux tendant manifestement à surestimer l'occidentalisation de la Tunisie et à sous-estimer son "arabo-musulmanité". Et à nier tout risque islamiste par conséquent.
Les Occidentaux universalistes pèchent surtout par-là et voient tout le monde comme eux. Pour eux, un Arabe est un universaliste qui parle arabe ; un Palestinien est un universaliste qui parle arabe et porte un passeport palestinien ; un musulman est un universaliste qui va à la mosquée, etc. La pensée féodale leur est difficilement concevable.