Tonr a écrit:
La motivation essentielle d'une majorité des anti-intervention, c'est la considération prioritaire de l'intérêt supérieur de l'Etat: quel intérêt avons nous à engager nos hommes, nos armes et notre argent en Libye? Il est faible, si pétrolier, en tout cas pas proportionné aux risques et investissements impliqués.
D'ailleurs, nous n'y stationnons ni hommes, ni armes et à peine plus d'argent que nécessitent l'entraînement des pilotes et le stockage de leurs munitions. Tout va bien, donc.
Tonr a écrit:
Certes Kadhafi était en train de massacrer les rebelles, et c'est atroce. Mais des massacres , il y en a dans des dizaines de pays, et nous ne pouvons intervenir partout.
Vous êtes plusieurs à écrire que ça ne compte pas et, pour vous plaire, ça ne compte pas dans cette intervention. Tout va bien.
Tonr a écrit:
Et il ne nous menaçait en rien, il s'était acheté une conduite (quasiment) pour ce qui est des pays occidentaux, il avait renoncé au terrorisme d'Etat, il nous vendait son pétrole et achetait des armes. C'est un horrible dictateur, mais comme on en voit plein dans certaines zones du monde, juste un peu plus fou, c'est tout.
Pas d'accord : à partir du moment où nous applaudîmes sa chute, nous devions craindre quelques fatales représailles pour quelques compatriotes.
S'il y a un péché originel dans cette affaire, il se situe dans l'acclamation prématurée de sa disparition.
Tonr a écrit:
Une solution alternative à l'intervention, moins lourde, était d'armer les rebelles plus ou moins discrètement mais vu ce qui s'est passé en Afghanistan, (contre lequel j'ai mis en garde dès le début dans le poste que j'occupais alors dans une université US très politisée/néo-conservateur), et vu ce qu'on sait de la place d'AQMI en Libye, c'est une idiotie.
D'autant que les Libyens semblent passablement inaptes au combat, que ce soit entre eux, contre les Egyptiens ou contre des Tchadiens sous-équipés (1980-1988).
Tonr a écrit:
Donc, il y avait de grands risques au départ mais pas de raison d'intérêt majeur pour l'intervention, juste des raisons largement humanitaires, et ces raisons humanitaires impliquaient en fait le renversement de Kadahafi: la protection des populations qu'il voulait massacrer rendait nécessaire qu'il soit mis hors d'état de nuire d'une façon ou d'une autre.
Encore une fois, non. Un massacre n'en évitera qu'un autre et les morts foisonneront dans les tribus vaincues, quelque soit l'issue du conflit.
Tonr a écrit:
Je ne suis certes pas contre toute aide humanitaire en soi mais pas si elle nous entraîne dans une guerre qui va trainer en longueur et qui ne pourra être résolue rapidement que par une intervention terrestre, vu l'inefficacité militaire des rebelles face à l'armée de Kadhafi. Et comme cela menace de durer des mois, au fil du temps l'adhésion créée par nos lyriques guerriers en chambre style BHL (qui d'après les medias, a mené sa campagne interventionniste à partir de l'hôtel Raphaël à Paris, 5 étoiles luxe) risque de s'émousser et le retour à la réalité risque d'être pénible.
Chez les rebelles comme les loyalistes, le conflit n'a qu'une tête, qui est celle de Khadafi. Qu'elle tombe et la guerre est terminée.
kelk1 a écrit:
Ainsi vous suggérez qu'il faille soutenir la destitution du dictateur libyen - contre l'avis alors de la communauté internationale (la vrai, pas celle fantoche de nos instances de légitimation) puisqu'elle ne nous en a pas donné mandat - pour assurer notre sécurité.
Je ne vois pas d'autre explication à ce conflit.
kelk1 a écrit:
Mais cela c'est votre postulat que rien ne vient raisonnablement étayer. Rien n'indique en effet que notre sécurité et l'intégrité de notre territoire étaient en quoi que se soit menacés par un Kadhafi qui, comme le rappelle Tonr, était plutôt en voie de normalisation avec les pays occidentaux. C'est purement aberrant.
Nous l'avons enterré à domicile. Khadafi a fait abattre par missiles anti-aériens 170 Français et 270 Américains pour moins que ça.
kelk1 a écrit:
Comment comprendre d'ailleurs la rhétorique de ceux qui l'affublent à présent de tous les maux quand, 18 mois plus tôt, les mêmes consentaient à lui fournir contre monnaies sonnantes et trébuchantes les matériels militaires les plus évolués, ainsi ni plus ni moins que des centrales nucléaires ?
Opportunisme (capitaliste).
kelk1 a écrit:
Et même justement figurez-vous, certains commentateurs (c'est à dire généralement ceux qui n'ont pas sombré dans un enthousiasme béat) se posent la question de savoir si cela ne va pas favoriser, autrement dit aggraver, la décomposition politique du pays, et instituer par la même en définitive une dérive à l'iraquienne. Soit la guerre de tous contre tous dans une guerre civile généralisée. Si à l'avenir cela se révèle vrai, quelle belle preuve les occidentaux auraient encore fait là de leur inconséquence dans ce domaine: le projet dément d'instaurer la démocratie et la paix par des moyens contraires !
1. L'Irak reste unifié, la Libye ne devrait pas le rester.
2. Les rebelles irakiens (terroristes djihadistes sunnites et milices chiites pro-iraniennes) ne tiennent que par des soutiens étrangers. Dans le dos des Libyens, il y a le désert et des populations hostiles aux Libyens (Tunisie, Tchad, Egypte).
3. Tout ce que les tribus libyennes réclament, c'est d'être maîtresses chez elles et non de toute la Libye.
kelk1 a écrit:
Ce qui risque évidemment de troubler la région un peu plus qu'elle ne l'est déjà, et engendrer un terrorisme non-étatique (puisque de fait il n'y aura plus d'Etat...) que l'on s'acharne à combattre par ailleurs. Ou comment par nos actions insuffisamment réfléchies provoquer ce que l'on prétend redouter le plus.
1. Nous en reviendrions aux courses barbaresques, à ceci près que les Libyens disposent désormais de pétrole plus rentable et moins risqué que le trafic d'esclaves.
2. Les courses barbaresques ont été efficacement enrayées par la politique de la canonnière et je doute qu'il en serait autrement demain si elle était correctement appliquée.
kelk1 a écrit:
Très sérieusement: au lieu de faire semblant de craindre la perspective de notre amoindrissement et de notre déclin par l'entremise d'un pauvre diable qui avait d'ailleurs renier sa capacité de nuisance, l'honnêteté et le courage intellectuel commanderaient déjà de s'attaquer à la cause première et fondamentale de notre véritable dépérissement, c'est à dire à la guerre économique - menace effective bien réelle celle-là - menée par la Chine et quelques autres par le vecteur du libre-échange mondialisé.
Nous partageons les mêmes opinions.
kelk1 a écrit:
C'est même à se demander avec un peu de recul et de rétrospective si cette agitation n'est pas qu'un leurre pour amuser la galerie, et (tenter de) masquer ainsi l'incurie de notre classe dirigeante à défendre ceux dont ils ont la charge, et dont ils ont précisément reçu délégation pour le faire. Ou alors ne serait-ce de la part de notre président en perdition dans les sondages bassement pour le motif d'un électoralisme d'autant plus forcené qu'il se révélera rapidement utopique.
Ca a dû être pris en compte, sans garantie électorale aucune. Les émotions, inconstantes, des journalistes ne sont pas celles de l'opinion publique française.
kelk1 a écrit:
L'interventionnisme à tous crins, qui est une tendance lourde du neoconservatisme, est sans aucun doute le facteur d'instabilité et de désordre mondial n°1. Et la cause première du ressentiment à notre égard.
1. L'interventionnisme est historiquement porté par les courants progressistes internationalistes. Celui des ultra-conservateurs américains reste pour l'instant une curieuse parenthèse remontant à 2001.
2. La première cause du ressentiment à notre égard est une auto-flagellation encouragée par une "subversion idéologique" du KGB baptisée "démoralisation". Personne ne critique plus l'Occident que l'Occident. Les autres critiquent qui les dérangent et ne se préoccupent que de leurs intérêts communs et collectifs.
kelk1 a écrit:
Tant il est vrai que la récurrence d'ingérences illégitimes, fussent-elles légales, s'accordent extrêmement mal avec la volonté affichée d'une coexistence paisible et pacifique. Que voulez-vous, même aux yeux d'un inculte notoire cela contraste.
Si l'inculture va jusqu'à ignorer le superbe
"si vis pacem, para bellum", je comprends que les paradoxes ne soient pas surmontés et compris.
C'est trop tard pour se désengager contre la personne de Khadafi.
Je veux bien que les vieux contentieux avec Khadafi s'enterrèrent avec sa soumission à l'Occident après 2001, et qu'il fallait éviter d'acclamer sa chute avec les premiers succès rebelles, mais une fois sa chute acclamée et son trône menacé, il est responsable d'envisager, pour ce qui nous concerne uniquement et sans tenir compte des Libyens, sa vengeance contre nous et le sabotage de ses puits de pétrole.
Il est par conséquent d'appuyer, autant que possible et avec aussi peu de participation que possible, son élimination, soit par l'entremise de ses opposants, soit par un assassinat.
Le reste, les impacts électoraux comme la protection d'un "peuple libyen" qui lance, seul, sa guerre civile, reste sans importance, d'autant qu'il est risqué de s'impliquer dans des révolutions étrangères parce qu'elles sont toujours nationalistes et portées sur la xénophobie.
Que Khadafi meurre, que vivent les Libyens libres et nos intérêts communs comme nationaux se porteront mieux.
***
Vous remarquerez que cette intervention française, que je comprends, m'indiffère tout autant : mes proches ne sont pas exposés aux attentats anti-français, je n'utilise que très peu de carburant pour me déplacer et Khadafi, pour antipathique qu'il soit, me fait rire
quand même. Trois bonnes raisons pour ne pas intervenir en Libye ?