Dupleix a écrit:
Ceci dit, avant cela, la notion de Troisième Rome faisait de la Russie le seul pays orthodoxe entouré d’adversaires religieux.
C'est un peu exagéré, ils sont chrétiens avant tout. Il ne me semble pas qu'une guerre contre des chrétiens latins ait été justifiée par ce biais, c'est avant tout utilisé contre les Ottomans, musulmans, ou quelques "schismatiques" dans l'orthodoxie ("vieux croyants" essentiellement).
Dupleix a écrit:
En faisant du révisionnisme historique, en punissant par la loi la contestation de la vérité historique officielle sur la Grande Guerre Patriotique, en mettant en place une réglementation sur les « agents de l’étranger », en mettant en prison des historiens, en tenant une propagande dans laquelle (bien avant la guerre en Ukraine) tout le mal vient des puissances étrangères, Poutine a bien promu ce courant de pensée.
Je pense qu'il n'a fait que poursuivre ce qui était fait déjà sous l'URSS (en moins fort cependant, les opposants n'étaient pas condamnés à de la prison à l'époque, ils "disparaissaient" non seulement des photographies, mais également de la surface de la Terre).
C'est avant tout constitutif de l'habillage idéologique de ce que doit être une puissance nationale qui souhaite rayonner dans un espace plus large encore.
Dupleix a écrit:
Ce que vient faire Poutine dans cette équation, ce sont des tentatives de manipulation de l’opinion en période électorale, des prêts à des partis politiques bien choisis, bref le soutien à des partis ou personnalités dont l’action a pour conséquence une perte de cohésion du camp occidental.
Il me semble que c'est lui prêter bien plus d'influence qu'il n'en a jamais eu. Trump n'a pas eu besoin de lui pour l'emporter haut la main, le "Brexit" non plus. Jamais les britanniques ne se laisseraient manipuler par les Russes.
D'autant plus qu'historiquement les pays anglo-saxons font tout pour affaiblir la Russie à l'époque contemporaine, cela même avant l'arrivée au pouvoir des bolcheviks (on peut penser à la guerre russo-japonaise, entre autres, les Japonais étant soutenus à fond par le Royaume-Uni pour vaincre la Russie) et leurs relations sont au mieux exécrables. Un dirigeant russe ne peut espérer manipuler un peuple occidental.
Quant au "camp occidental" les opinions publiques des pays qui le composent ont une définition parfois très éloignée de ce recouvre cette réalité géopolitique.
Que Poutine souhaite trouver des partenaires défendant la vision d'un monde multipolaire (et non aligné sur les Etat-Unis ?), cela ne fait pas l'ombre d'un doute, mais le présenter comme le chantre des régimes dictatoriaux contre les démocraties est un raccourci fallacieux au regard des faits, surtout lorsque des richesses énergétiques sont dans la balance.
L'histoire contemporaine de la Russie ne peut effectivement l'ancrer dans le camp occidental, mais les relations internationales depuis le milieu des années 1990 la placent dans une périphérie relativement proche.
D'un autre côté, pour me faire l'avocat du diable, je ne vois pas trop pourquoi un dirigeant russe voudrait que la plupart des puissances qui poursuivent le dépeçage de l'ex-URSS restent unies. L'Ukraine, depuis le milieu des années 2000, constitue la pomme de discorde entre Moscou et certaines chancelleries occidentales, dépendantes de Washington.
Je pense qu'il ne faut pas oublier ce point avant d'entrer plus loin dans l'analyse et l'échange.
Dupleix a écrit:
Mon propos n’était certainement pas de louer de manière l’action générale de Chirac, mais de montrer que des acteurs politiques de premier plan ayant pourtant la tête sur les épaules (comme Rocard) pouvaient être complètement dépourvus d’une vision à long terme ; et je pense comme vous que cela a été confirmé par la baisse continue des budgets militaires.
Oui, mais certaines puissances d'Europe occidentale, et en tout premier lieu la France, ont choisi de modifier leur doctrine militaire, suite à la fin de la guerre froide, qui plus est en se rangeant toujours davantage derrière les Etats-Unis et leur parapluie militaire.
Ce qui fait qu'au niveau diplomatique, il y a peu de marge de manoeuvre, à tel point que c'est le dirigeant turc qui fait oeuvre de médiateur actuellement. L'Europe n'existe tout simplement plus, ce qui est un joli paradoxe.
Inimaginable dans les années 1960 !