Voici un numéro des "Dessous des cartes" consacré au Pacifique et à ses enjeux.
Je l'ai retranscris pour que l'on puisse avoir en plus de la vidéo et son son, le texte numérique. Pour la méthode, étant passé à Windows 11, l'outil Dictée vocale a été très utile (le son de la voix de l'animatrice directement sur la prise micro et hop l'affaire était réglée avec quelques relectures évidemment).
S'il reste des fautes vous les corrigerez de vous-mêmes.
Je l'ai mis ici comme il n'y a pas de section dédiée aux océans.
https://www.arte.tv/fr/videos/103960-028-A/le-dessous-des-cartes/ou en lien youtube :
https://www.youtube.com/watch?v=ECWH_bfv-3sCitation:
LE DESSOUS DES CARTES (Arte)
L'OCEAN PACIFIQUE : AU CENTRE DU JEU
Ravie de vous retrouver pour ce nouveau numéro du «Dessous des cartes». On démarre cette émission dans le port de Keelung, deuxième port de Taïwan et cette rade construite de telle manière
qu'elle soit bien protégée des typhons du Pacifique.
Le Pacifique, cet océan gigantesque, sur lequel nous vous emmenons naviguer cette semaine, au moment où nous, en France, en Allemagne, regardons vers l'Europe, vers l'offensive russe en Ukraine, beaucoup font la comparaison avec les ambitions de Pékin sur Taiwan. Taiwan symbole de cette région, l'Asie pacifique, où se joue le monde, qui vient et épicentre économique commerciale de la planète, vous allez voir un océan où s'affrontent aussi les deux géants du 21e siècle les États-Unis et la Chine tandis que d'autres puissances régionales, l'Inde, le Japon, l'Australie y jouent un rôle majeur l'océan pacifique au centre du jeu et commençons par prendre conscience de son immensité.
Car l'océan Pacifique est le plus vaste de tous. Il couvre 1/3 de la surface du globe à lui tout seul. Son immensité 169 000 000 de kms², c'est à dire deux fois la superficie de l'Atlantique, donne son surnom à notre terre : la «planète bleue». C'est aussi le plus profond et le plus accidenté des océans, avec des sommets himalayens et des fosses allant jusqu'à 11000 m aux îles Mariannes. Au contact des plaques tectoniques, l'océan Pacifique est bordé par les 3/4 des volcans du monde, une ceinture de feu de 40000 km de long, secouée d'éruption de séismes et de tsunamis. Pour encercler ce géant, il faut 3 continents : Amérique, Asie, Océanie et 3 océans Arctique, Antarctique, océan Indien.
Alors regardons de plus près ses contours terrestres et maritimes. Au nord, le Pacifique vient buter sur le détroit de Béring, entre la Russie et les États-Unis ; à l'est, ces vagues se heurtent au continent américain et à ses chaînes montagneuses tombant à pic ; au sud du cap Horn au cap de lowin, le Pacifique s'ouvrant sur l'océan Antarctique ; à l'ouest enfin, il longe les lignes sinueuses du continent asiatique de la Russie à la pointe de l'Asie du sud-est et les nombreux archipels, qui le bordent, du Japon à l'Indonésie ; puis il enserre l'Océanie-Papouasie-Nouvelle Guinée, côte orientale de l'Australie-Nouvelle-Zélande et toute une myriade d'archipels sur lesquels nous reviendrons tout à l'heure.
Les nombreux pays, qui bordent le Pacifique possède une zone économique exclusive, une ZEE, que vous pouvez voir à présent sur cette carte. Il s'agit d'une bande de 200 milles marins au large des côtes sur laquelle ces états ont des droits souverains et économiques. Et en effet l'océan Pacifique est généreux en ressources. Ses poissons et crustacés fournissent des protéines à des milliards d'humain. Vous voyez ici les grandes zones de pêche. Mais ces réserves halieutiques sont aujourd'hui menacées par la surpêche et la pêche illégale. Dans ces profondeurs, on trouve aussi des minerais, manganèse, cobalt, nickel et cuivre sous forme de nodules, qui pour le moment sont encore protégés de l'exploitation mais intéressant beaucoup l'industrie.
Alors pour comprendre d'où vient le nom «Pacifique», il faut remonter en 1520. A cette date, le portugais Magellan est le premier européen à faire le tour du monde, le temps devenant clément, au fur et à mesure de la traversée, il baptise alors cet océan le «Pacifique». En ce début du 21e siècle, c'est devenu le centre géopolitique du monde. Depuis 20 ans, l'économie mondiale a en effet basculé de ce côté-ci du globe entre les États-Unis (25% de la richesse produite dans le monde en 2021) et la Chine (17%). Conséquence, l'océan Pacifique est une voie de passage de premier ordre : il accueille l'un des plus importants trafics maritimes de la planète. Vous voyez ici les principales routes des navires qui le sillonnent. S'y concentrent, également, un immense réseau de câbles de communication sous-marins indispensables au fonctionnement de notre monde ultraconnecté.
Et c'est la face ouest-asiatique la plus peuplée, qui est aujourd'hui l'épicentre économique et commercial de cette région. Regardez parmi les 20 plus grands ports du monde, en volume de containers, en 2020, 14 sont situés en Chine, Corée du Sud et dans les pays de l'ASEAN, une association qui regroupe les 10 principaux pays d'Asie du sud-est, contre un seul à Los Angeles en Californie.
Alors, intéressons nous maintenant de plus près, à la porte ouest de l'océan Pacifique, celle qui contrôle le passage vers l'océan indien et au-delà. Les eaux du Pacifique rencontrent ici une série d'écluses. Les détroits malais et indonésiens un dédale de couloir stratégique pour le commerce mondial. Le détroit de malacca est le plus fréquenté 90000 bateaux par an et près de la moitié du pétrole mondial transportées par mer y transitent. Singapour est le 2e port de containers et le 5e plus grand centre de raffinage au monde. Mais, les eaux du détroit célèbrent aussi pour leur
pirates sont peu profondes et proches de la saturation. Les plus gros tonnages empruntent dès lors de préférence les détroit de Lombok et de Macassar.
Le Pacifique on l'aura compris est un espace maritime hyper fréquenté et ses rivages sont densément peuplés par conséquent il est aussi très pollué.
Notamment par les déchets plastiques qui forment deux gigantesques tourbillons ou «gears, l'une au nord l'autre au sud de l'Océan. L'île d'Anderson détient le déprimant record du monde des plages les plus polluées par le plastique, avec une densité moyenne d'environ 240 morceaux par mètre carré. Le monde insulaire Pacifique est, par ailleurs, confronté à un autre défi écologique majeur : la montée des eaux liée au dérèglement climatique. Les populations des innombrables îles et archipels de Micronésie, Mélanésie et Polynésie sont les plus menacées au monde par le risque de submersion. Vous voyez ici les régions où plus des 3/4 des habitants vivent à moins d'un kilomètre du rivage. «Vous pourriez aussi bien bombarder nos îles», a lancé, dans un cri de désespoir, le président des Palaos face à l'inaction des dirigeants du monde réunis pour la Cop 26, à Glasgow à l'automne 2021.
On l'aura compris le Pacifique est au centre d'enjeux économiques et environnementaux de dimension planétaire, mais c'est, bien sûr, aussi un espace de rivalité militaire où se mesurent les deux superpuissances chinoises et américaines, sans oublier, vous allez voir, le rôle des puissances moyennes avec ce que l'on appelle le «concept géostratégique de l'indo-pacifique».
Alors pour commencer regardons à quoi ressemble le face-à-face militaire sino-américain.
Côté États-unien, une forte présence de l'US Navy au Japon, qui abrite le QG de la 7e flotte et en Corée du Sud, ainsi que des bases navales stratégiques en territoire américain à Guam et Pearl Harbor, à Darwin en Australie, sur l'île de Manus en Papouasie-Nouvelle-Guinée et enfin une présence aux Philippines et à Singapour. Pour Washington, cet encerclement permet de contenir les velléités hégémoniques chinoises sur ses voisins.
Côté chinois à présent, des bases navales sur les côtes et sur l'île Dinan avec le déploiement de missiles capables de couler les navires ennemisEt aussi la militarisation des esprits en mer de Chine méridionale, objet de disputes avec plusieurs pays voisins : Taiwan, Vietnam, Philippines ,Malaisie et Brunei. Depuis 5 ans, la Marine chinoise est montée en puissance et s'est dotée de 90 nouveaux navires et sous-marins.
Au carrefour de ces 2 ambitions, Taïwan, on l'a dit, est à l'épicentre de tensions de plus en plus fortes. Pékin n'a jamais reconnu la République de Chine et manifeste régulièrement son intention de réunifier l'île, qui est souveraine de fait depuis 1949. Pour les États-Unis de John Biden, qui fournissent armes et aide militaire à Taïwan, l'annexion serait un casus belli.
Alors voyons maintenant quel est le rôle des puissances moyennes dans ce grand jeu indo-pacifique. L'Australie, puissance régionale tente de dominer ses proches voisins et notamment la Papouasie-Nouvelle-Guinée, où elle cherche à contrebalancer l'influence chinoise. La position géopolitique de l'ancienne colonie britannique est en équilibre délicat, entre la Chine, son premier partenaire commercial et ses alliés occidentaux historiques, États-Unis et Royaume-Uni au premier rang. En septembre 2021, les 3 états ont annoncé la création d'une nouvelle alliance OCUS, qui prévoit l'acquisition par l'Australie d'au moins 8 sous-marins à propulsion nucléaire américains. L'objectif du gouvernement de Scott Morrison est de limiter le grignotage chinois en envoyant un signal fort à Pékin, accusé d'espionnage et d'intrusion malveillante sur le sol australien, mais Canberra a de ce fait rompu un accord pour l'achat de sous-marins français provoquant une crise diplomatique avec Paris.
La France justement, une puissance nucléaire qui rappelons-le a testé la bombe sur des atolls du Pacifique entre 1966 et 1996, a elle aussi bien des ambitions dans la région. De la Nouvelle-Calédonie, où la question de l'indépendance n'est toujours pas tranchée) à la Polynésie française, la France possède encore de nombreux territoires issus de la colonisation. Elle règne sur 9 100 000 de kilomètres carrés de ZEE et elle dispose d'une forte présence navale, avec les commandements interarmées de Nouméa et de Papeete.
L'Inde et le Japon, à présent, soutiennent la vision d'un Free and open Indo-Pacific et constituent, avec les États-Unis et l'Australie l'alliance quad, un quatuor réuni par là méfiance envers la Chine. Mais, tensions politiques et militaires ne doivent pas faire perdre de vue une réalité : l'interdépendance des économies des pays de l'Indo-Pacifique. Regardez cette carte des membres du Regional Comprehensive Economic Partnership, Inde, Chine, Corée du Sud, Japon, ASEAN, Australie, Nouvelle-Zélande, entré en vigueur en janvier 2022. Le plus grand accord commercial du monde concerne 3 milliards et demi d'humains.
Au début du 21e siècle, on considérait que l'Asie-Pacifique jouissait d'une stabilité comme elle n'en avait pas connu depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, mais il existe aujourd'hui, vous l'avez vu, des conflits latents. Le conflit potentiel autour de Taïwan, on l'a dit, les ambitions expansionnistes de la Chine dans la région, sans oublier, la guerre civile inachevée entre Corée du Sud et Corée du Nord. Récemment encore, des experts américains considéraient que la situation dans la péninsule coréenne était peut-être la menace la plus préoccupante en matière de sécurité mondiale. C'était bien sûr avant l'offensive russe sur l'ukraine.
Pour aller plus loin la revue de l'Ifri, Politique étrangère a publié à l'automne 2019 ce numéro qui interroge le concept d'Indo-Pacifique.