Que les établissements de crédit CRA aient participé à ''l'orgie des subprimes''--c'est un fait indiscutable. Mais ces excès des crédit accordés à n'importe qui, ''no questions asked'', relèvent d'une tendance qui dépasse largement une simple question de régulation étatique; en fait, c'est une maladie socio-économique touchant l'ensemble de la nation américaine, et il suffit d'avoir résidé en tant que citoyen dans ce pays pour avoir touché du doigt, de façon personnelle et palpable, la réalité du problème et son étendue.
Pratiquement toutes les semaines, dans mon courrier consistant essentiellement de junk mail, il y avait un ou plusieurs prospectus publicitaires d'un organisme de crédit quelconque m'invitant à me procurer un carte de crédit, sur la simple fourniture de quelques renseignements personnels et signatures, ceci à des taux apparemment très alléchants écrits en très gros chiffres; si l'on regardait the fine print, les lignes tout en bas, en tout petits caractères, on s'apercevait que ces taux mirobolants n'étaient que pour les trois premiers mois, après ils montaient à 17%, 19%, dans ces eaux là.
Comme mon crédit rating était excellent, j'aurais pu avoir 15 cartes de crédit si j'avais voulu, avec des plafonds de dépense élevés, et j'aurais pu ainsi accumuler une dette représentant plusieurs années de salaire en deux ou trois ans, assortie de taux d'intérêt très gourmands. Je ne l'ai pas fait, me contentant de deux ou trois cartes de crédit, mais il n'est pas très rare de voir des Américains qui en ont huit ou dix dans leur portefeuille. Et je rappelle que, contrairement aux simples cartes de débit usitées en France, où le solde entier doit être réglé chaque mois, les cartes de crédit permettent d'accumuler une dette considérable tout en n'effectuant que de faibles réglements mensuels.
Si ce n'était pas des cartes de crédit que l'on me proposait, c'était le refinancement de mon crédit d'appartement: renégocier le prêt à des taux mirobolants pour profiter de la baisse des taux d'intérêt mais VARIABLES, ces taux variables étant une plaie de la finance moderne, et un piège pour les naifs qui s'y laissent prendre.
Ou bien contracter un nouveau prêt hypothécaire sur ma résidence, option apparemment intéressante dans la mesure où sa valeur avait considérablement augmenté suite au boom immobilier. Nombre de couples américains vivent ainsi d'un refinancement à l'autre et jonglent avec 36 crédits: immobilier, voiture, deuxième voiture, voitures pour les enfants, crédit réfection ou agrandissement de la maison, cartes de crédit, frais universitaires, dépenses médicales exceptionnelles et non couvertes par votre plan HMO, si vous avez la chance d'en avoir un.
Un passage obligé est, lorsque, vers 45/50 ans, un couple ayant fini de rembourser le prêt leur ayant permis d'acheter leur maison se retrouve dans l'obligation de reprendre un prêt hypothécaire sur cette maison pour pouvoir envoyer leurs enfants à l'université--les frais de scolarité, dans les universités privées en particulier, sont très élevés--$ 35 000 par an pour une université cotée n'a rien d'exceptionnel. Pour faire à des dépenses pressantes, de nombreux américains ont ainsi utilisé leur résidence comme un distributeur de billets, en l'hypothéquant à nouveau dès qu'un crédit est remboursé, ou en multipliant les emprunts.
Je vous prie d'excuser ces détails personnels sur un fil de géopolitique, mais l'idée que je voudrais faire apparaître, c'est que les USA sont une société dominée par une culture du crédit. Cette mentalité est généralisée, elle a certes été encouragée par les établissements de crédit eux-mêmes pour des raisons évidentes, mais elle est présente dans toutes les strates de la société, et les citoyens de base ont adopté ce mode de vie avec enthousiasme, et le voient comme allant de soi.
Et donc cette imprudence et cette irresponsabilité dans l'octroi de prêts mises en cause dans la crise des subprimes concernent peu ou prou un grand nombre d' organismes de crédit, sous contrainte étatique ou non. Et ce recours systématique et excessif au crédit concerne aussi bien l'Etat, que les états, que les municipalités et les citoyens privés. Certains soulignent que ce recours au crédit de la part de personnes privées est nécessaire vu la stagnation en valeur relative des salaires, la couverture insuffisante des dépenses médicales, le montant élevé des frais de scolarité universitaire, d'éventuelles situations de chômage prolongé, ou pour compléter une retraite insuffisante; en bref, le crédit est aux US la solution standard pour faire face aux aléas de la vie.
Cette culture du crédit est-elle un héritage de l'administration Bush? Evidemment non, elle a commencé bien avant. Si l'on en juge par la courbe de la dette nationale brute, on constate néanmoins que celle-ci, après les pics de la DGM, a baissé régulièrement jusqu'aux années 70, où elle est restée basse pendant quelques années, puis a recommencé une ascension régulière et marquée pendant les années Reagan, continuée dans une moindre mesure dans les années Bush 43, avec une baisse pendant les années Clinton.
Pour finir, je mentionne un fait qui ne milite pas en faveur de la thèse selon laquelle le CRA serait à l'origine, ou du moins aurait fortement contribué, à la crise des subprimes. Si c'était le cas, ce sont dans les quartiers pauvres ou modestes qu'aurait du se produire le plus grand nombre de foreclosures; or, il n'en est rien, les zones les plus touchées sont des coins cotés et/ou résidentiels: Boca Raton et d'autres villes de Floride, Riverside County près de San Diego, en Californie, Phoenix, AZ, Las Vegas...Le point commun de toutes ces zones, c'est que les prix de l'immobilier y ont connu un boum fantastique.
Courbes de la dette:
http://en.wikipedia.org/wiki/United_States_public_debtUn article de Time magazine--pas exactement un brûlot communiste, vous me l'accorderez
--qui aborde la question de l'implication du CRA dans la crise des subprimes:
http://www.time.com/time/business/artic ... 81,00.htmlUn article balancé évitant les explications idéologiques réductrices, écrit par un professionnel du mortgage banking:
http://theeprovocateur.blogspot.com/200 ... risis.htmlEt merci pour le lien.