Je crois que nous faisons assez souvent des diagnostics assez proches kelk.
C'est juste que vous pensez qu'il y a des solutions simples à appliquer à condition d'en avoir la volonté politique, et que je ne le pense pas.
Je ne crois pas en particulier à toutes les mesures inspirées d'idéologies tant de droite que de gauche qui reposent sur une conception fondamentalement optimiste et illusionnée de la nature humaine. Ce que sont à mes yeux tant les solutions socialistes/marxistes que les solutions néolibérales.
Je me sens d'autant plus à l'aise pour critiquer le néo-libéralisme que je n'ai pas attendu la crise pour le remettre en cause; cela fait plus de vingt ans que j'en souligne les dangers, ceci intialement dans un milieu socio-professionnel américain totalement enthousiasmé par le Reagano-Thatcherisme et où cette critique (de même que celle de la guerre en Irak) était plutôt mal reçue.
Vous aussi , vous êtes un optimiste kelk; à vous croire, tout est simple s'il y a la volonté politique. C'est déjà un énorme hic en soi. Mais admettons que ce considérable problème soit résolu.
Ce n'est malheureusement pas le seul problème que vous posez comme résolu ou simple à résoudre dans les solutions que vous proposez. En voici un autre, et de taille:
Citation:
possédante, et de déréglementation tout azimut qui permit l'essor de la mondialisation et le bouleversement concomitant du rapport de force capital-travail,
Ce n'est pas la déréglementation tous azimuths qui a permis la mondialisation, bien qu'elle l'ait accompagnée et facilitée. La déreglementation est une conséquence de la mondialisation, non sa cause.
Bien évidemment, la mondialisation n'existerait pas sans ce qui est sa définition même: l'entrée de nouveaux acteurs et compétiteurs dans les circuits économiques mondiaux. Pays émergents exportateurs de produits à bas prix et fournisseurs de main d'oeuvre à bas prix qui séduisent les capitalistes occidentaux et les incitent à délocaliser pour maximiser leurs profits.
Les gouvernements occidentaux sont (relativement) maîtres chez eux et peuvent inverser le processus de déréglementation s'ils en ont la volonté politique--encore faut-il qu'ils se mettent d'accord entre eux pour le faire, stopper la déréglementation dans l'UE n'aurait guère d' intérêt si elle continue partout ailleurs.
Ces gouvernements ne sont pas les maîtres en Chine, en Inde ou au Brésil. Ils ne peuvent pas forcer ces pays à élever le niveau des salaires, à offrir une bonne protection sociale à leurs travailleurs, à appliquer des standards de production stricts pour leur produits, etc.
En conséquence, ils sont complètement impuissants pour ce qui est d'arrêter les délocalisations des industries nationales dans les pays émergents. A moins que vous ne jugiez souhaitable et sans danger de nationaliser toutes les activités économiques, de fermer les frontières et de fonctionner en autarcie, style Corée du Nord.
Et tant que ce différentiel de coûts de production existera, les délocalisations risquent fort de continuer, à moins que les coûts de transport deviennent extrêmes.
Les solutions traditionnelles de la gauche --qu'elles soient collectivistes ou sociales- démocrates--ont été rendues caduques par la mondialisation; néanmoins, cette mouvance idéologique continue imperturbablement à préconiser ces mêmes solutions datant des années 60 ou du XIXe siècle, tentant de faire comme si de rien n'était dans un monde où tout a changé, se cramponnant à des acquis et à des droits économiques posés comme absolus et inaliénables alors qu'ils n'existent évidemment que si les conditions économiques le permettent, campée dans une sorte de mentalité magique où si l'on persiste mordicus dans le déni des réalités désagréables (pour nous) de la mondialisation, elles finiront bien par disparaître.
D'une part, la mondialisation va à l'encontre des intérêts des citoyens des pays occidentaux, d'autre part, aucun pouvoir politique occidental n'est en mesure de l'arrêter, tout au plus de limiter un peu la brutalité de ses effets.
La gauche actuelle ne fonctionne que par ce déni de globalisation; tant qu'elle ne l'aura pas prise en compte, elle n'incarnera qu'un glorieux passé sans avenir.
On a d'ailleurs la pénible impression, à entendre les grévistes et manifestants étudiants français récemment, qu'ils essayent de rejouer un glorieux passé, rejouer mai 68 en particulier, et certes pas d'inventer un avenir. C'est à la fois touchant et pathétique.