En effet, Vitalis, merci de rappeler les sulfamides, je savais que j'en oubliais dans ma liste
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Et ce débat pose un problème majeur, qui nous ramène à la Tunisie: les humanistes optimistes du XIXe, tels Victor Hugo, croyaient que l'éducation dispensée au peuple l'empêcherait de retomber sous la coupe de tyrans et apportait une "garantie démocratique" absolue au système politique.
Sur ce fil, des postants posent de même que le niveau d'éducation élevé du peuple tunisien le protégera contre l'islamisme.
Or au moment du triomphe de l'hitlérisme, les professeurs d'université, les intellectuels allemands s'y sont assez massivement ralliés. Sauf les intellectuels juifs évidemment.
Des penseurs majeurs comme Heidegger, Alfred Bäumler, spécialiste réputé de Nietzsche, et bien d'autres, se sont fait les apologistes de l'idéologie nazie, et pas seulement par carrièrisme.
Si l'on examine le CV de certains islamistes, on voit que ce sont des gens éduqués, ingénieurs,étudiants, médecins, juristes. Islamiste ne signifie pas nécessairement ignorant comme le pensent trop d'occidentaux, il y a des intellectuels islamistes, le plus connu étant Tariq Ramadan, mais il n'est pas le seul.
Je suis d'accord pour admettre que le danger islamiste semble être le plus bas de tous les pays arabo-musulmans en Tunisie, mais l'écarter complètement comme le font certains journalistes de la presse de gauche en France me semble un brin outrecuidant.
Cette zone du Maghreb et du MO est fondamentalement politiquement instable, de plus, nonobstant la situation en Iran, ce que propose l'idéologie islamiste est toujours attractif-- à première vue: société organisée hiérarchiquement selon le plan divin, chacun à sa place (y compris les femmes), ordre, tradition, justice, revanche contre l'occident, antimatérialisme, affirmation identitaire, sentiment rassurant d'appartenance à un groupe fort et soudé, soumission de l'individuel au collectif etc.
En lisant ce résumé sommaire, on voit d'ailleurs les ressemblances de l'idéologie islamiste avec l'idéologie fasciste, les plus frappantes étant que les deux opposent un anti-matérialisme exaltant au matérialisme borné et prosaique des sociétés occidentales libérales et posent le primat du groupe sur l'individu.
Ce sont des valeurs séduisantes et exaltantes qui par le passé ont démontré qu'elles pouvaient résonner profondément sur la psyché et les affects des masses allemandes, qu'elles soient éduquées ou non.
Nos sociétés définissent l'individu essentiellement comme producteur et consommateur. Qui plus est, la crise économique ne permet même plus aux individus de conserver cette définition identitaire limitée, puisque le chômage et la pauvreté empêchent un nombre croissant de gens de produire et de consommer.
La crise des économies occidentales, l'instabilité sociale et la misère qui les affecte en conséquence leur enlève ainsi un des points les plus forts de leur argumentaire idéologique (la réussite économique) et les affaiblit donc par rapport à l'islamisme.
Par comparaison avec nos sociétés libérales en crise, l'islamisme qui fonde son projet de société sur des valeurs d'un autre ordre et garantit la stabilité sociale par le respect strict de la Shariah, peut paraitre d'autant plus attractif à des esprits déboussolés par les bouleversements rapides que le monde traverse en ce moment et en quête de repères et de stabilité.
La crise actuelle des sociétés libérales , en tant que constat d'échec des projets de société à base essentiellement matérialiste, "travaille" donc pour l'islamisme qui lui, propose un projet d'un ordre (apparemment) plus élevé et radicalement différent;
enterrer celui-ci, y compris en Tunisie, semble donc prématuré.