Temudjin a écrit:
Je pense que la tendance dans les prochaines décennies est à la formation de gros blocs régionaux.
L'Europe, la Chine(un bloc à elle seule), les USA, et les pays arabes?
De ces quatre blocs, trois sont déjà constitués.
Les Arabes souffrent de tant de divisions, de querelles et de guerres intestines (Liban, Palestine, Algérie, Yémen, Irak...) qu'on peut douter qu'ils s'entendent bientôt, ne serait-ce qu'au-delà du schisme sunnisme/chiisme qui déchire au moins trois Etats (Liban, Syrie, Irak) et peut en ébranler un quatrième (Arabie saoudite). Le wahhabisme et ses formes dérivées de fondamentalismes sunnites rongent également le ciment religieux. Le mépris des arabophones pour les Arabo-Berbères du Maghreb paraît également difficile à surmonter.
Temudjin a écrit:
C'est surtout le début d'un monde très différent qui sera multipolaire et où les puissances risquent de s'affronter bien plus.
Hors du terrain nucléaire, aucune puissance ne peut rivaliser avec les USA et leur réseau d'alliance planétaire.
Sur le plan nucléaire, aucune guerre n'a été possible.
Temudjin a écrit:
Je ne crois pas cette idée comme quoi de démocraties ne peuvent pas rentrer en guerre.
C'est une constatation empirique.
Temudjin a écrit:
Je pense surtout en ce moment à Israël. Les arabes sont clairement hostiles à ce pays.
Si des Arabes se libéralisent (par exemple, Arabes israéliens non juifs), leurs différences avec les Israéliens s'estomperont. (Je pense même que la seule possibilité arabe d'éliminer Israël, c'est de se libéraliser comme Israël, c'est-à-dire de devenir comme l'Occident, comme Israël, comme l'antagoniste.)
Les Arabes non libéralisés constituent le principal souci des Arabes libéralisés. Les Tunisiens surveillent les fondamentalistes tunisiens. Les Egyptiens libéraux restent chez eux et surveillent la rue cairote, laquelle est anti-libérale. Etc.
Temudjin a écrit:
Si l'Égypte suit réellement la volonté du peuple égyptien et ne suit plus les ordres des occidentaux, Israël risque de souffrir.
L'Égypte a traditionnellement toujours considéré ce qui se passait en Israël comme un problème personnel. Depuis les pharaons à Nasser en passant par Saladin. Le régime pro-occidental de Moubarak, est une exception à cette règle.
Le premier problème égyptien, c'est l'arme nucléaire israélienne. Israël peut rayer le monde arabe de la planète en quelques frappes.
Une seule frappe peut détruire le barrage d'Assouan. Sa destruction libérerait le lac Nasser et anéantirait sur le coup de la crue un tiers de la population égyptienne (soit près de 30 millions d'Arabes supprimés immédiatement). Les deux tiers survivants auront à se débattre autour des rives et du delta nilotes dans un limon radioactif.
Avec la création d'Israël, la minuscule Palestine dispose pour la première fois de l'Histoire la puissance de dérouter l'Egypte et même de l'anéantir.
Or l'Egypte est le coeur intellectuel, démographique et culturel d'un monde arabe qui ne serait plus jamais le même après sa suppression.
Le second problème égyptien, c'est la médiocrité de son armée et la supériorité d'une armée israélienne qui peut aisément rétablir une frontière "naturelle" le long du canal de Suez, comme dans les guerres israélo-arabes passées.
L'Egyptien ne mange que dans deux gamelles : le tourisme occidental, conditionné à la paix et à l'avenance locale, et l'aumône américaine, conditionnée aux garanties de paix envers Israël. Une querelle israélo-égyptienne ruinerait les Egyptiens et les condamnerait à mourir de faim, littéralement.
Il résulte de ces trois handicaps égyptiens que le devoir de tout dirigeant égyptien est d'en tenir compte et de contenir les aspirations nationales vers la Palestine. Cette mission comporte un volet pédagogique qui n'est pas développé auprès des classes populaires égyptiennes (que j'appelle la "rue cairote"). Aucun pouvoir soutenu par la rue cairote ne saurait accomplir proprement ce devoir. Les ambitions de la rue cairote n'ont pour terme que sa propre perte. L'Egypte deviendrait une bande de Gaza géante, une plaie humanitaire insatiable (85 millions d'habitants dont plus de 40 % sont déjà pauvres et mêmes miséreux dans les conditions actuelles) dans le monde arabe et sur la planète.
En même temps, il faut bien que l'Egypte s'adapte aux réalités et il est possible que son évolution passe par les abîmes, comme en France révolutionnaire, en Russie bolchevique ou en Allemagne nazie. Rien ne semble vacciner autant contre les fantasmes idéologiques que leur mise en application. Le drame égyptien, c'est l'inexpugniable rue cairote. Il faudra bien que celle-ci trempe consciemment dans ses démons pour les analyser et les repousser définitivement.
En conclusion, je pense que l'Egypte évoluera le long du présent siècle et que ça se fera dans la souffrance et peut-être l'horreur.
Temudjin a écrit:
Sinon, des pays occidentaux sont aussi à risque pour les 5 ans qui viennent. Je pense à l'Angleterre, les USA et le Japon. Ces 3 pays, en commençant par l'Angleterre risquent de subir des mouvements sociaux très violents.
Par exemple pour la situation anglaise, elle est assez critique :
- Une inflation importante, en particulier sur les biens de première nécessité (et en forte augmentation)
- Une politique de rigueur très dure, en particulier pour les plus démunis qui s'ajoute aux effets du point précédent
- Des électeurs qui devront attendre 5 ans pour avoir la possibilités de s'exprimer contre les mesures d'austérité du gouvernement
Les Anglais se sont montrés courageux et opiniâtres, capables de sacrifices et d'investissements payants dans l'Histoire. Leurs capacités d'analyse et d'adaptation sont très importantes. Les syndicats et les mouvements sociaux y ont été discrédités par leur participation à l'appauvrissement et au déclassement des années 1960-1970.
Temudjin a écrit:
Les USA risquent de subir la même situation que l'Angleterre en pire, avec en plus une importante circulation d'armes dans le pays.
Les cowboys restent traumatisés par le souvenir de la guerre de Sécession et repoussent tout conflit civil armé.
L'inconnue américaine reste les aspirations de communautés qui pèsent démographiquement de plus en plus lourd. Cela dit, les plus importantes communautés ont conscience des malédictions politiques qui les suivent quand elles poussent l'orgueil à s'émanciper d'un modèle politique libéral et cosmopolite. En cela, je pense qu'elles resteront fidèles et loyales aux USA.
Finalement, la grande maladie actuelle des USA et d'autres démocraties libérales, depuis la chute de la menace militaire soviétique, c'est le déficit spirituel qui accompagne l'individualisme et nourrit une criminalité certes résiduelle mais problématique.
***
Le Japon semble miser sur sa décroissance démographique pour aménager son avenir. La grandeur nationale y prime largement sur les combats syndicalistes.