kelk1 a écrit:
Pourquoi envisager systématiquement les scénarios les plus extrêmes, pour ne pas dire les moins probables, puisque l'équilibre de la terreur entre nations nucléarisées a déjà fait la démonstration de son effectivité tout au long du demi-siècle passé.
L'équilibre de la terreur au Moyen Orient n'est pas celui que vous envisagez :
1.
Celui qui existe met en balance la destruction d'Israël et celle du Moyen Orient. Les Israéliens savent qu'ils ne survivront pas à leur première défaite parce qu'ils seront tous égorgés ou, pour les plus rapides, éparpillés en Méditerranée puis dans les pays occidentaux. S'ils mettent tous les moyens conventionnels de leurs côtés, ils posent aussi cette menace aux Orientaux susceptibles de les rapprocher de la tombe : "si nous mourrons, vous disparaissez". Plus de monde arabe, plus de Perse, peut-être plus de Turquie depuis les rodomontades d'Erdogan, plus d'islam (privé de tous ses lieux saints, son pilier le pèlerinage devient suicidaire ou caduque) et, pour le reste du monde, plus de pétrole arabe. Accessoirement, cette inquiétude sur le pétrole arabe attire à Israël toutes les garanties américaines, qui ne comptent pas pour rien.
2.
Ceux qui existèrent et auquels vous faites référence mettaient en balance une auto-destruction automatique. Même détruit jusqu'au dernier centimètre carré, il restait assez de puissance aux USA, URSS, Grande-Bretagne et France pour anéantir l'adversaire et inverser tout bénéfice de l'attaque.
3.
Celui que vous envisagez est jugé peu viable. a) Si l'Iran a la bombe nucléaire et s'il l'emploie en premier, il a de grandes chances d'échapper à la destruction. Idem si Israël vitrifie l'Iran en premier. Escomptant échapper à la destruction, les deux puissances sont tentées de bombarder en premier. b) Ahmadinejad a fait publiquement part de ses aspirations de fin du monde. Si Israël envisage un Iran kamikaze prêt à mourir pour le rayer de la carte, et vous aurez du mal, irresponsable que vous êtes tant que vous n'y logerez pas avec vos enfants, à le rassurer sur ce point, il bombardera l'Iran avant. Il le bombardera le plus tard possible, mais avant que l'Iran soit en mesure de lui envoyer une bombe.
Maintenant, comme les Iraniens habitent en Iran, qu'ils ne sont pas tous martyromanes comme Ahmadinejad, qu'ils aiment l'Iran éternelle et qu'ils parient sur un bombardement préventif d'Israël, ils préfèrent neutraliser Ahmadinejad. C'est ce que font les ayatollahs, autant que possible parce qu'ils ont besoin des partisans d'Ahmadinejad pour tenir les opposants et l'armée en respect.
Et comme les dirigeants arabes responsables, les Russes, les Chinois et les pro-Occidentaux parient aussi sur un bombardement préventif israélien, ils font pression sur Ahmadinejad et l'Iran.
En fait, toute la survie israélienne tient dans la garantie qu'Israël anéantira le Moyen Orient dès qu'il croira possible de mourir sans pouvoir répliquer. Par exemple, dès qu'un ennemi d'Israël aura une bombe atomique et des prétentions suicidaires, comme Ahmadinejad.
kelk1 a écrit:
Pourquoi ne pas se limiter à des considérations plus terre à terre: les israéliens ne veulent simplement pas d'une bombe iranienne au motif qu'un Iran nucléaire porterait un rude coup aux velléités géostratégiques d'Israel dans cette partie du monde, et gênerait sans doute aux entournures leur projet biblique de la rétablir secrètement dans les frontières de la Palestine géographique.
Ca revient au même : si les Israéliens désespèrent de tenir une terre démographiquement, ils savent que leur aventure est terminée. Ils le savent pertinemment et empiriquement, tout comme les Arabes qui veulent les déloger.
kelk1 a écrit:
Ainsi donc, et au même titre que les américains, Israel ne voudrait pas de la multipolarité. Puisque la multipolarité signifie de fait un retour à l'équilibre des puissances, dont elle estime qu'elle se fera à son préjudice exclusif (du moins le croit-elle) et veut par conséquent s'en dispenser.
Israël se fiche des armes indiennes, chinoises, nord-coréennes ou sud-africaines.
kelk1 a écrit:
D'autant qu'elle pense en avoir les moyens, la dernière intervention d'Obama devant l'Aipac (Mai 2011) étant un véritable serment d'allégeance:
Allégeance d'un protecteur ("Vous ne bombardez pas le pétrole arabe et nous garantissons vos moyens d'existence."), et je ne vois pas en quoi la protection américaine garantirait d'un monde multipolaire que les USA ne parviennent pas à éviter pour eux-mêmes.
kelk1 a écrit:
Je rajouterai un autre facteur à prendre en considération, et qui avait été rapporté il me semble par un ancien haut responsable du Mossad, pour qui le danger majeur était en priorité les projections démographiques défavorables qui menaceraient le caractère juif de l'Etat d'Israel, qu'il comptait plus que tout préserver, et cela vis à vis évidemment de la composante arabo-musulmane de sa population.
Tout à fait, la pression démographique constitue la menace la plus mortelle pour Israël, surtout avec les Arabes (non juifs) israéliens.
Comme disait de Gaulle, l'important est d'être majoritaire quelque part. Beaucoup de populations ont été anéanties pour l'ignorer.
Citation:
Élysée, 12 juillet 1961.
L’important pour une minorité, comprenez-vous, c’est d’être majoritaires quelque part. Si les Français de souche étaient majoritaires en Oranie et dans la plaine de la Mitidja jusqu’à Alger, ils seraient les maîtres du sol. Personne ne pourrait y trouver à redire, pour peu qu’ils laissent la population musulmane libre de s’organiser à sa guise au-delà du réduit où on les regrouperait. Les Canadiens français sont majoritaires au Québec : là, ils ont pu exister, ils ont pu se défendre. Dans les autres provinces, où ils sont minoritaires, ils sont noyés, laminés. Les pieds-noirs, et les musulmans qui voudraient rester avec eux, pourraient tenir dans ce réduit. Les deux millions d’Israéliens ont bien tenu en face des cent millions d’Arabes qui les entourent.
Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, tome I
kelk1 a écrit:
De son point de vue (que je trouve pour ma part fort éclairant) il considérait, lui et sans doute beaucoup d'autres cadres de l'armée ainsi que de la classe dirigeante israélienne, qu'un Iran nucléarisé contrarierait fortement la politique menée depuis plusieurs années déjà, et qui consiste à encourager l'émigration de la diaspora au retour en Israel. On peut concevoir en effet dans ces conditions où Israel serait susceptible d'anéantissement à tout instant, que la terre promise n'offre plus toutes les garanties de sécurité (du moins suffisantes) afin de susciter l'engouement et compenser ainsi le surplus de natalité des arabes en territoire israélien.
Pas faux. Comme quoi, la dissuasion nucléaire et l'équilibre de la terreur ne sont ni crédibles ni crus au Moyen Orient et l'Iran doit s'en tenir au statu quo.
Sinon, pourquoi pas un monde sans Egypte, sans Mecque et Médine, sans Palestine et sans pétrole ? Restons ouverts, les vents radioactifs tourneront plutôt vers l'Afghanistan et les Indes. La mondialisation ralentira mais se poursuivra à voiles et à vapeur. Les campagnes seront réinvesties pour la main d'oeuvre et la logistique. Néanmoins, je comprends que les Arabes et autres Orientaux, musulmans et utilisateurs inconditionnels de carburants n'apprécient pas la prise de risque.