Vitalis a écrit:
Il serait intéressant de revenir ici sur les causes de la montée de l'islamisme.
Quelles sont donc les raisons qui expliquent la montée en puissance des islamistes dans les pays musulmans depuis les années 1970 ?
Si vous parlez du djihadisme sunnite internationale qui sévit du Maroc à l'Indonésie, il a un foyer initial et deux foyers secondaires principaux.
1. Il prend son essor dans la péninsule arabique au XVIIIe siècle, quand la tribu guerrière des Saoud s'appuie sur le fanatisme religieux de la tribu des Wahhab. Ils fondent ensemble une monarchie de droit divin centrée autour de Riyad et qui s'empare rapidement de La Mecque et Médine. Voués à exterminer les chiites et autres musulmans dénoncés comme hérétiques, ils sont d'abord tolérés par l'Empire ottoman, qui les laisse combattre quelques tribus mal inféodées, extérieures ou intérieures à l'empire.
Quand les exactions s'étendent aux tribus chiites loyales de l'empire en Mésopotamie, l'Empire ottoman demande à l'Egypte des pachas de détruire (1811-1818) le premier Etat des Saoud et des Wahhab. Les Saoud reconquièrent ensuite leur royaume mais en sont chassés par une guerre civile en 1865.
Réfugiés au Koweit et soutenus par les Britanniques, les Saoud réactivent leur alliance avec les Wahhab et conquièrent l'Arabie saoudite entre 1902 et 1932.
Leur alliance scellée avec les USA en 1945 constitue la clé de voûte de la présence américaine au Moyen-Orient. Les Saoud échangent leur pétrole, vital pour la puissance américaine, contre la sécurité et tout ce qu'entreprennent les USA dans la région s'articule autour de cet échange.
L'alliance entre les Saoud et les USA est ébranlée par la révolte de wahhabites en 1990, quand les USA débarquent en Arabie saoudite quand l'Irak envahit le Koweit. La trahison des djihadistes wahhabites contre les USA astreint les Saoud à un arbitrage : doivent-ils soutenir les fanatiques wahhabites en se privant de la légitimité religieuse que les Wahhab leur fournissent, ou préférer la protection américaine et nourrir financièrement quelques traîtres wahhabites qui les combattent perfidement ?
2. Dans le monde indien, la violence des conquêtes et de l'occupation musulmane nourrit un antagonisme et des haines insurmontables entre musulmans et hindous. La colonisation britannique a renversé les grands Etats indiens musulmans. Quand, au XXe siècle, les hindous réclament l'indépendance, les Indiens musulmans craignent de se retrouver dans un océan démographique hindou et s'activent très violemment contre les indépendantistes hindous. Ne parvenant pas à épouvanter les indépendantistes, les Indiens musulmans militeront ensuite pour la création d'un Etat séparé pour les musulmans, le Pakistan ("Pays des purs").
En 1947, et comme le nouvel Etat indien, le Pakistan n'a aucune réalité nationale ou ethnique. La seule valeur commune unissant (la majorité de) sa population est l'islam. Dès lors, les autorités musulmanes s'emploient à islamiser davantage sa population. Quand elles cherchent des professeurs d'islam, l'Arabie saoudite, désormais enrichie par ses pétrodollars, leur en envoie en nombre et à titre grâcieux.
L'islam indien est de la sorte fanatisé et dévoyé par les wahhabites saoudiens. Il contamine les réfugiés afghans au cours de la tyrannie communiste afghane (1978-1991) et de l'occupation soviétique. Les pays musulmans et occidentaux du bloc occidental soutiendront financièrement et militairement les rebelles afghans contre les communistes. Après le départ des Soviétiques (1989) et la chute des communistes afghans (1991), les extrémistes sunnites resteront les interlocuteurs privilégiés du camp occidental jusqu'à la trahison des talibans, en 2001, quand ces derniers refuseront de livrer Ben Laden aux USA après les attentats du 11 septembre.
Les multiples trahisons des djihadistes afghans et pakistanais fragilise leurs positions : l'Etat pakistanais est divisé à leur sujet (il s'appuie largement sur leurs capacités de nuisance pour contrôler leurs ennemis afghans ou pakistanais mais il doit choisir entre les talibans et les USA, sans lesquels le Pakistan n'est plus qu'une épave face à une Inde autonome) ; ils sont combattus par les armées et de nombreuses tribus afghanes et pakistanaises, sans compter les armées occidentales ; ils se sont directement ou indirectement mis à dos l'ensemble des Etats de la planète alors qu'ils bénéficiaient largement de financements internationaux auparavant...
3. Au Maghreb, l'indépendance algérienne crée en 1962 un nouvel Etat inédit, l'Algérie. Le FLN au pouvoir expérimente une arabisation du pays, escomptant ainsi effacer l'ancienne présence française et tout particularisme tribal berbère local. Les professeurs d'arabe lui sont grâcieusement prêtés par l'Arabie saoudite, avec des arrières pensées religieuses. Dès la fin des années 1980, la wahhabisation de l'Algérie a suffisamment contaminé l'islam autochtone pour constituer un électorat superstitieux, ultra-réactionnaire et sectaire. L'éviction du FIS après sa victoire aux élections de 1991 déclenche une guerre civile sanguinaire. C'est l'apparition du GIA qui, en 1992, marque le dérapage religieux de l'Algérie. Ce mouvement, dont on peut soupçonner l'instigation et la manipulation gouvernementale, frappe en priorité les intérêts du FIS. Certains de ses membres semblent se révolter contre l'instrumentalisation gouvernementale avant la fin de la guerre et fondent un parti terroriste, le GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat).
Les attentats du 11 septembre 2001 contraignent le gouvernement algérien à dissoudre le GIA et les violences civiles s'estompent peu à peu. Après la fin de la guerre, vers 2004, le GSPC se renomme AQAM (Al-Qaeda au Maghreb) puis AQMI (Al-Qaeda au Maghreb islamique). Vigoureusement chassé d'Algérie, le mouvement perpétue son banditisme dans les pays voisins (Maroc, Mauritanie, Mali...) avant son aventure malienne.
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Dans ces trois foyers et dans les multiples foyers intégristes sunnites actuels,
c'est toujours la main wahhabite saoudienne qui alimente les caisses et les haines (même les foyers soudanais et somaliens, en dépit de sources djihadistes historiques locales, sont aujourd'hui nourris par les pétrodollars saoudiens et les Frères musulmans ont largement succombé à la dialectique haineuse des wahhabites).