Odanobunaga a écrit:
C'est une contre-vérité. Suite aux printemps arabes qui ont fait vaciller le trône de bon nombre de dirigeants dans ces régions, des pans entiers de territoires sont tombés dans les mains des djihadistes comme des fruits mûrs (Libye, Mali, Yémen, Syrie etc.) Et la résistance du régime de Bachar al-Assad n'est certainement pas dû à un quelconque soutien populaire mis à part dans sa propre minorité religieuse alaouite, mais par le soutien actif de l'Iran et de sa branche armée libanaise le Hezbolla dont le chef a lui-même affirmé que s'ils n'étaient pas intervenu les djihadistes seraient arrivés jusqu'au Liban.
Je n'ai pas l'intention de polémiquer sur les raisons de la résistance du régime de Bacha el-Assad. Il suffit de constater que ce régime résiste et que l'ensemble du territoire syrien ne tombe pas comme un fruit mûr au mains des djihadistes. Au Mali, de même, ils ne sont pas restés longtemps. La Libye se désagrège. Ils y a diverses factions islamistes qui s'affrontent entre elles. Ces signes de division sont tout de même antinomiques avec l'objection d'une unité sous l'autorité d'un calife. La situation du Yemen est assez semblable à celle de la Libye.
Odanobunaga a écrit:
Ce que je constate c'est que depuis les guerres d'Afghanistan et d'Irak qui furent des échecs cuisants, l'Amérique ne fait plus de grandes invasions avec des légions de Marines et des B52. Quelles qu'en soit les raisons, le fait est qu'ils n'interviennent qu'avec des drones, des forces spéciales ou par procuration (y compris avec l'aide de l'Europe comme en Libye).
Il faut observer les faits avec un minimum de recul et sans les dénaturer.
La guerre d'Afghanistan avait un objectif immédiat et un objectif à moyen terme. Le premier était de chasser Al Qaïda. Cet objectif a été atteint, Al Qaïda a été très affaiblie et Ben Laden a fini par être tué. L'autre était de mettre en place un régime à peu près démocratique et suffisamment stable pour qu'il ne soit plus manoeuvré par une organisation terroriste. Cet objectif n'a été, il est vrai, que partiellement atteint. Mais on ne peut parler d'échec cuisant. C'est plutôt un demi-succès.
La guerre d'Irak avait de même deux objectifs, le premier en finir avec le régime de Saddam Hussein jugé dangereux pour la sécurité internationale,le deuxième d'établir en Irak un régime stable et démocratique. Le premier a été atteint mais non le deuxième. Il y avait en fait une double erreur d'appréciation. Tout d'abord le régime de Saddam Hussein représentait un danger bien moindre qu'on ne pensait, ensuite il est vite apparu, contrairement à ce que pensaient les néo-conservateurs dans l'entourage de Georges Bush, qu'on impose pas de l'extérieur un régime démocratique. On peut parler d'échec politique mais non d'échec militaire. Car les objectifs militaires ont été atteints sans difficulté majeure.
L'administration Bush était prompte à régler les conflits extérieurs par la voie militaire. C'est une tendance qui n'a pas duré que quelques années. Ce n'est pas une constante dans la politique des Etats-Unis. L'administration actuelle est moins interventionniste. Il ne faut pour autant pas en déduire qu'elle renonce par principe à l'action militaire. Du reste, les attaques au moyen de drones sont des actions militaires. Si la situation le justifie, Barak Obama n'hésitera pas à lancer les B52 et les Marine's. Pour l'instant, il a jugé que la situation en Irak ne justifiait pas une intervention militaire de la part des Américains. Mais on peut être certain que Barak Obama ne laissera pas l'EIIL prendre le pouvoir à Bagdad et, s'il ne reste que cette solution, il enverra des forces aériennes et terrestres en Irak.
Odanobunaga a écrit:
Dans l'histoire, la plupart des grands conquérants et autres chefs de dynasties, avaient des ambitions démesurées y compris pour leur contemporains qui les prenaient pour des fous.
Tout d'abord l'appréciation de situations et d'évènements particuliers ne se fait pas par l'énoncé de grandes généralités de cet ordre, ensuite, la plupart de ceux qui avaient une ambition démesurée sont restés dans l'obscurité. Les Alexandre et Napoléon sont des exceptions et tout me donne à penser qu'Al-Baghdadi ne rejoindra pas ces exceptions.
Odanobunaga a écrit:
En effet je suis d'avis que sans l'assistance de l'Occident ces régimes s'effondreront comme des châteaux de cartes. Ils n'ont aucune légitimité ne serait-ce que populaire et encore moins religieuse. L'Etat Islamique pourrait très certainement arriver à ses fins s'ils font preuve de stratégie et de détermination, ce dont ils n'ont pas manqué jusqu'à présent il faut le reconnaître.
C'est un lieu commun d'affirmer que certains régimes ne tiennent que par le soutien de l'Occident. Qu'ils entretiennent des rapports amicaux avec des puissances occidentales ne signifie nullement qu'il sont tenus à bout de bras par ces puissances. Les exemples de chutes de régime pro-occidentaux, ou dits tels, sont nombreux : Egypte en 1952 et en 2011, Irak en 1958, Iran en 1979, Tunisie en 2011 etc. L'Arabie Saoudite bénéficie certes d'une protection militaire américaine contre des attaques extérieures mais elle n'est pas à l'abri de mouvements révolutionnaires internes. Les puissances occidentales verraient d'ailleurs d'un bon oeil un changement de régime qui irait dans le sens d'une démocratisation. Si les Frères Musulmans devaient prendre le pouvoir, que ce soit à Amman ou à Ryad, il ne faut pas se faire d'illusion, l'Occident les laisserait s'installer.
On peut discuter de la légitimité des rois de Jordanie et d'Arabie. Historiquement, ils en ont une. De son temps, le roi Hussein a été très populaire. Son successeur est plus contesté mais, dans une certaine mesure, tient compte des mouvements populaires et, de toutes façons, le régime jordanien est loin d'être une monarchie absolue. Il y a un parlement démocratiquement élu dans lequel siège une opposition qui peut s'exprimer et qui n'hésite pas à le faire. Ensuite, si la légitimité de ces deux souverains est contestable, celle de ceux qui aspireraient à les remplacer l'est plus encore. A supposer que l'EIIL ait des velléités en direction de la Jordanie ou de l'Arabie, les forces armées de ces deux pays peuvent les contrer sans faire appel à l'Occident. Ni la Jordanie ni l'Arabie Saoudite ne sont des Etats en voie de décomposition comme la Libye ou le Yemen.
Odanobunaga a écrit:
Actuellement la première puissance occidentale semble être sur le retrait dans cette région, en témoigne sa non intervention massive que j'ai évoqué tout à l'heure. Pour arrêter la croissance de cet Etat Islamique je maintient qu'il faudrait qu'ils réunissent une gigantesque coalition internationale comme au bon vieux temps, avec dépenses faramineuses, dommages collatéraux, impopularité et tout ce qui s'en suit.
Les Etats-Unis, comme tous les pays, agissent d'abord en fonction de leurs intérêts. Dans la région, ils en ont deux : le pétrole et la prévention contre le terrorisme. Devenus presqu'auto-suffisants en produits pétroliers, les Etats-Unis ne voient plus une priorité à s'assurer un approvisionnement au Proche Orient. De toutes façons, à long terme, d'ici cinquante à cent ans, le pétrole ne sera plus une source d'énergie indispensable. Le Proche Orient aura alors perdu de son intérêt stratégique, non seulement pour les Etats-Unis mais aussi pour l'Europe. Ce qui pourra se passer dans cette région aura alors beaucoup moins d'importance pour les puissances occidentales. Reste le souci de la sécurité. Il est hors de question de laisser Al Qaïda prendre le pouvoir où que ce soit. Quant à l'EIIL, il ne s'est pour l'instant pas manifesté, à ma connaissance, par des actions terroristes, mais on peut craindre le pire. S'il devait être décidé de l'anéantir, avec au plus dix mille combattants, la mobilisation d'une coalition gigantesque ne serait pas nécessaire. Plus probablement, un soutien aérien et en forces spéciales à l'armée irakienne devrait suffire.
Barbetorte a écrit:
Lorsque les soldats de Saddam Hussein se sont retirés, il y a eu tout de suite après une guérilla sunnite. Là après le retrait de l'armée irakienne face aux djihadistes il n'y a absolument rien, à part un porte-parole fantasmagorique qui prétend que les ennemis sont déjà en train de fuir devant la reconquête de sa glorieuse armée... C'est encore pire que le porte parole de Saddam Hussein Tarik Aziz...
Et en effet la conquête-éclair s'est faite côté sunnite et c'est pour cela d'ailleurs qu'elle s'est arrêtée aux portes de Bagdad. La suite risque plus de se transformer en guerre civile ou en guerre face à des milices aidés des forces spéciales iraniennes (et non américaines, ces derniers ayant décidé d'envoyer des conseillers et de ne pas intervenir au sol). Donc je ne vois vraiment pas quel crédit on pourrait accorder à l'armée irakienne qui a lâchement abandonné ses positions pour se replier en attendant un éventuel massacre et dont beaucoup de soldats sunnites ont fait "actes de repentance" et ont rejoint les djihadistes.
Que l'EIIL soit arrêté par l'armée irakienne ou par l'armée iranienne, peut importe, il sera arrêté. Ce qui me fait dire que les soldats irakiens chiites n'auront d'autre choix que d'interdire l'expansion de l'EIIL plus au sud est que ce dernier a l'intention d'éradiquer l'hérésie chiite et qu'il commettra des atrocités. Il en a déjà commises et l'a fait savoir au moyen de documents vidéo diffusés sur les réseaux sociaux. J'ai même entendu parler de possibilité de génocide. Les soldats irakiens ont reculé jusqu'en territoire chiite, c'est à dire chez eux. Ils ne peuvent reculer davantage. Face à des soldats américains on peut se rendre. On est alors fait prisonnier et libéré quelques semaines après la fin des combats. Face aux fous furieux de l'EIIL, ils n'auront pas ce choix : comme je l'ai déjà dit, il s'agira de défendre sa vie et celle de sa famille.