Geopolis a écrit:
Shalimar a écrit:
Tout ce qui n'est pas occidental/américain est-il, pour vous, synonyme de sous-développement ?
Amalgamez-vous tous ceux qui y trouvent quelques vertus à des gens "aux ordres" ou à leurs dupes ?
Je pose une simple question, car c'est effectivement ce que l'on retrouve souvent dans le discours occidental en général et dans le vôtre en particulier :
le seul modèle de développement valable est le nôtre, suivez notre exemple. Depuis la conversion des gauches de gouvernement au libéralisme économique et la convergence des économies européens, seul ce modèle semble prévaloir. Les discours du FMI ou de la Commission de Bruxelles en sont pleins. Est-ce un bien ou un mal, je ne sais pas, je ne prends pas parti sur cette question...
Ce qui me gêne plutôt, c'est l'incapacité dogmatique à concevoir la possibilité qu'il existe d'autres modèles qui puissent fonctionner. Cette incapacité chronique ressort encore avec plus de force de nos jours où l'économie occidentale semble quand même à la ramasse tandis que d'autres modèles économiques semblent marcher beaucoup mieux depuis 15-20 ans (le modèle chinois, le modèle russe même si cette année sera un peu difficile). On ne peut s'empêcher d'avoir un rictus d'amusement quand on voit la croissance européenne proche de 0 depuis des décennies et, dans le même temps, les discours qui conseillent aux autres le chemin à suivre...
Alain.g a écrit:
Poutine est avant tout un pragmatique opportuniste qui navigue à vue sans modèle, sélectionnant ce qui marche en Russie, de ce qui ne marche pas sans aucun a priori.
Je suis d'accord avec vous sur le pragmatisme de Poutine à ceci près qu'il n'est pas tout seul. Les sphères intellectuelles et politiques russes sont traversées de puissants courants de pensée. Depuis la chute de l'URSS, il y a une grande émulation intellectuelle sur l'identité russe et le chemin à suivre :
qui sommes-nous ? Europe ou Asie ? Eurasie ?Citation:
Il utilise la religion et le vieux nationalisme russo-slave, pour affermir son pouvoir et recréer un pays puissant.
Et surtout pour redresser la situation, notamment démographique. On en parle peu mais c'était durant vingt ans la plus grande préoccupation russe, bien avant sa position sur la scène internationale. La terrible situation démographique des années 90 et début 2000 laissait penser que la Russie allait tout simplement disparaître. Tous les efforts - rendre leur fierté aux Russes, renouveau religieux, promotion un peu naïve de la famille russe, position assez critique vis-à-vis de l'homosexualité, lois parfois absurdes comme l'échalote citée plus haut... - visaient au redressement démographique russe, qui semble effectivement avoir lieu depuis quelques années à la grande surprise des démographes.
Citation:
Sur le plan international, il a observé que l'ancienne guerre froide avait du bon pour la Russie et qu'il pouvait tisser des liens avec tous les pays qui sont hostiles aux EU en recréant une zone d'influence, offrant sa protection à tous les pays qui le lui demandent ou peuvent servir l'intérêt de la Russie, la grande Russie.
Il y a deux périodes séparées par une date charnière : 2004.
Avant cela, Poutine est très pro-occidental. N'oubliez pas qu'il a grandi à St-Petersbourg et qu'il a passé les années 90 dans l'entourage de Sobtchak, le leader politique le plus libéral et pro-occidental de toute la classe politique russe. Arrivé au pouvoir en 2000, il a continué sur sa lancée pro-occidentale, proposant un partenariat à l'Europe, aidant sincèrement les Etats-Unis (facilités en Asie centrale, désarmement...) Mais il a été snobé par l'Occident qui ne semblait absolument pas intéressé par un rapprochement avec la Russie. En 2004, les Etats-Unis, loin de remercier Moscou, ont fait entrer les pays baltes dans l'OTAN et provoqué les révolutions de couleur dans l'étranger proche de la Russie. Poutine a vu cela, à juste titre, comme une sorte de "trahison". Il s'était fait rouler dans la farine, on ne l'y reprendrait plus...
Sur toute cette période, on peut lire l'intéressant livre de Carrère-d'Encausse
La Russie entre deux mondes ou, à défaut, l'écouter :
http://www.canalacademie.com/ida5846-La-Russie-entre-deux-mondes-par-Helene-Carrere-d-Encausse.htmlCitation:
C'est un bon communiquant. Il a su créer une bonne image de lui et quand il défend les anciennes valeurs, il touche les russes mais aussi une partie de l'opinion mondiale, y compris en France.
Vous avez effectivement raison : je suis étonné par le nombre de gens en Occident qui, sans lui donner un blanc-seing, se sentent plus proches de Poutine que des dirigeants européens par exemple.
Quant au reste de la planète, c'est-à-dire la grande majorité de la population mondiale, on ne peut imaginer à quel point le récent changement sur les questions de moeurs (mariage homosexuel...) a plombé l'image de l'Occident. Je ne prends pas parti ici, je ne dis pas si c'est bien ou pas. Je fais un simple constat.
Ca fait une quinzaine d'années que je vis à l'étranger et je vois le regard sur le Vieux continent changer considérablement. Après la victoire du drag queen Conchita Wurtz à l'Eurovision, l'Europe était en délire alors que le reste du monde nous a pris pour de pathétiques dégénérés... Et moi, en tant qu'Européen vivant à l'étranger, je suis en première ligne :
vous êtes tous tarés en Europe ?,
il vous manque un chromosome ?,
comment passe-t-on de Leonardo Da Vinci à Conchita Wurtz ?...
Fait intéressant, Poutine touche également les milieux conservateurs aux Etats-Unis ! Voir par exemple la récente prise de position du républicain Pat Buchanan défendant le président russe au nom de la défense des valeurs.