Aigle a écrit:
Tout d'abord comment un journal anti système, Une publication anarchiste en quelque sorte, peut elle devenir l'objet de cérémonies quasi officielles avec minute de silence, Marseillaise et un badge unique (" je suis Charlie") ?
Hier, j'ai lu un article d'un tenant de la droite nationale qui proclamait qu'il n'était pas Charlie. Un peu comme vous, il mettait en avant le fait que les valeurs défendues par Charlie n'étaient pas les siennes. Toute la nuit j'ai réfléchi à cela et ce matin j'ai compris où se situait son erreur, et la vôtre aussi.
Pourquoi les français, ou du moins de nombreux français, se sont solidarisés autour de ce "Je suis Charlie" ? Les sondages du mois de février ou de mars différeront peu de ceux du mois de décembre. La France ne va pas tout à coup basculer dans le monde selon Charlie. On ne va pas tout à coup devenir une nation libertaire et changer toute notre société. En fait, "Nous sommes Charlie" est un mot d'ordre générique. Je suis Charlie, pour dire que "je suis Frédéric", en hommage à Frédéric Boisseau, agent d'entretien tué car le hasard l'a placé à l'entré des bureaux de Charlie-Hebdo. Je suis Charlie, pour dire que "je suis Franck", en hommage à Franck Brinsolaro, policier qui assurait la protection de Charb. Sûrement selon le tour de service de son unité de la protection des célébrités. Un imam dont il avait assuré la sécurité, lui a rendu hommage en disant qu'il avait eu de la chance de ne pas avoir été tué à son service, mais cela aurait pu. Cet imam avait sympathisé avec Franck Brinsolaro et il rendait hommage à tous ces policiers qui mettent leur vie en danger pour que vive la République. Je suis Charlie, pour dire que "je suis Ahmed", en hommage à Ahmed Merabet policier de quartier dont le statut d'apostat, au regard de la dérive sectaire des tueurs, lui a valu d'être achevé d'une balle dans la tête. Cet acte est à mes yeux un acte de complète inhumanité de la part des tueurs, en faisant cela, ils se sont exclus du monde des hommes. Je suis Charlie, pour dire que "je suis Michel", en hommage à Michel Renaud. Il avait été invité à participer au comité de rédaction en tant qu'invité. Lui et Frédéric Boisseau représentent les français lambdas qui peuvent se trouver à tout moments pris par hasard sous les balles de ces tueurs. Ce fut eux, cela aurait pu être n'importe qui d'autre. Je suis Charlie, pour dire que "je suis Cabu, Charb, Wolinski, Tignous, Bernard Maris, Honoré ou Mustapha". Pas parce que je suis en accord avec tous ce qu'ils représentaient et tous les combats, mais parce qu'à travers eux, on a cherché à atteindre des fondements de la démocratie, dont un fondement fondamental la liberté de la presse, ainsi que la liberté de s'exprimer.
Et quelque part, "Je suis Charlie" veut aussi dire "Je suis Clarissa" s'il s'avère que l’assassinat de Clarissa Jean-Philippe à Montrouge était aussi un attentat terroriste.
Dans d'autres conditions, Clarissa aurait pu me mettre un PV, ou me donner un renseignement. Ou me bousculer dans le métro par inadvertance. Clarissa n'a pas été tuée parce qu'elle était jeune et noire, elle a été tuée parce qu'elle portait un uniforme et était une représentante de l'Autorité. Or, cette autorité, dans un pays comme le nôtre, elle vient du peuple, elle vient de nous. En tirant sur Clarissa, sur Franck et sur Ahmed, les tueurs ont tiré sur le peuple. Je suis eux, car s'ils sont morts, c'est parce qu'ils me représentaient et parce qu'ils protégeaient notre société.
Ce seraient les dessinateurs de n'importe quel autre média du spectre médiatique qu'aujourd'hui arborerait de la même manière le nom du média concerné. Aujourd'hui, je suis Charlie parce que c'est les locaux de Charlie-Hebdo qui ont été attaqués. J'espère simplement qu'un jour futur je ne serais pas Figaro, Libération, L'Express, Le Point, Le Nouvel Observateur, Le Monde, Marianne, L'Humanité, Têtu, le Huffigton Post, Atlantico, France-Télévision, Europe 1, M6, Radio-France, .... ou même TF1, malgré le fait que je trouve que parfois ils nous abrutissent bien le cerveau.
En abattant Charlie-Hebdo, les nervis de l'islamisme ont voulu abattre la vision caricaturale qu'ils ont de la France. Mais, en fait, c'était la France et ses valeurs qui étaient visés. En étant Charlie, je me montre solidaire de la France et des valeurs visés. Peut-être que ces prochaines semaines n’achèterais à l'occasion Charlie-Hebdo, mais cela ne changera pas mon système de valeurs. Toutes les valeurs de Charlie-Hebdo n'était pas les miennes et mes valeurs n'auraient pas toujours trouvé grâce à leurs yeux. Mais, en les assassinant, on m'a attaqué et on a attaqué la France.
Parfois sur PH, on a des discussions sur les commémorations, mais je pense que ceux qui disent "Je ne suis pas Charlie", ben, c'est comme si moi je commençais à dire : "Je ne reconnait pas tous les combattants qui sont morts "Pour la France" en 14-18 parce que certains d'entre eux avaient des valeurs dans lesquelles je ne me reconnais pas ... Les gens qui sont morts en 14-18, quelque soient leurs opinions sont morts pour que vive la France d'aujourd'hui A nous de faire en sorte que les 13 morts de ces jours derniers ne soient pas morts pour rien. Mais, j'ai des doutes quand je vois que le jeu politicien recommence et que certains s’échinent à gommer cette union nationale qui s'est faite par devers eux. Ils ont accompagné le mouvement parce qu'on ne peut qu'accompagner la Nation quand elle est unanime. Maintenant, ils recréent leurs petites cases.