5. Les juges, base de tout contentement ou mécontentement populaire
Il est curieux de constater que de nombreuses personnes dénoncent les pouvoirs exécutifs, parfois le pouvoir législatif, quand le pouvoir judiciaire est source de mécontentement. Ça ne dépend même pas des arbitrages. Par exemple, les gens peuvent se réjouir qu'un clandestin soit expulsé ou non, mais ils en remercieront ou accuseront l'exécutif, alors que la décision est toute judiciaire.
6. Les juges et la souveraineté populaire
6.1 En France, les juges sont nommés sur concours. Leurs carrières sont arrangées par le pouvoir exécutif et arbitrées par leur propre corporation. Celle-ci est prompte pour dénoncer les membres de l'exécutif ou du législatif qui leur cherchent querelle (je pense par exemple à l'opinion de Guaino) mais aussi pour exempté les litiges déontologiques de la corporation (demande d'annuler la poursuite contre l'injure du "mur des cons").
6.2 Aux USA, les juges sont (des avocats) élus. C'est un système qui a révélé sa perversion, ayant le premier décroché dans sa performance éducative et influençant ensuite les autres systèmes occidentaux en cela. En général, le candidat le plus riche est élu ; il aurait tendance à prononcer des arbitrages démagogiques pour assurer sa réélection.
6.3 La nomination sur concours me paraît la plus neutre. L'entrisme des "cours" de nommés de la République française (Cours des comptes, Conseil constitutionnel, cours européennes !) me semble pernicieux. Il serait normal, sans qu'il puisse choisir ses magistrats, que le peuple puisse les désister. Par référendum/pétition, avec un différentiel d'au moins un million de voix en faveur de l'éviction ?
6.4 Pourquoi ne pas rendre la Justice indépendante (mais toujours interdépendante) des autres pouvoirs ? Un vrai chef ("garde des sceaux", "juge suprême") ou collège de chefs, élu(s) au suffrage universel direct (proportionnel ?), sur 5 à 7 ans, avec le pouvoir de modifier les décisions de Justice et de renvoyer les magistrats émettant des décisions, avis et opinions (quel autre homme politique pourrait le faire anonymement et sans déchaînement médiatique et judiciaire dans l'exécutif et le législatif ?) contraires à l'intérêt général. Un budget voté par l'Assemblé nationale, comme pour elle-même et le gouvernement. Ses propres institutions : tribunaux, prisons, enquêteurs (pour ne plus dépendre du ministère de l'Intérieur).
6.5 En échange, chaque personnel de l'exécutif se verrait garantir une "immunité exécutive", levée uniquement par sa hiérarchie directe et par rang croissant, et à sa discrétion, sur demande du judiciaire. Ça permettrait, par exemple, le temps d'une présidence, de protéger des policiers contre les magistrats, sans la nervosité des notes de service qui brident les forces de l'ordre par les arbitrages du judiciaires. Si la hiérarchie refuse la levée de l'immunité, elle en rend compte au ministère, qui en passe la responsabilité au ministre, au Premier ministre, au président de la République et, enfin, au peuple aux prochaines élections. Une fois partie la dernière goupille présidentielle, le pouvoir judiciaire pourrait quand même enquêter et arbitrer.
7. La légitimité populaire
7.1 Ces institutions font débattre sur la légitimité populaire. Il existe des tendances (suffrages restreints...) à mettre les institutions à l'abri des arbitrages populaires par méfiance envers le bien-fondé des décisions populaires. Ça revient à remettre en cause la démocratie même.
7.2 C'est parfois le cas de personnes qui confondent la démocratie avec le libéralisme. Elles se croient démocrates alors qu'elles sont libérales, et préfèrent des institutions libérales non démocratiques (telles la quasi-totalité des institutions de l'UE) à des institutions démocratiques non libérales (telles les régimes antilibéraux iranien ou turc actuels, ou l'esclavagisme athénien de l'Antiquité).
7.3 C'est un débat posé, par exemple, par la construction européenne, en particulier concernant le dernier référendum sur le projet de Constitution européenne. Le même débat encadre les résultats de référendums populaires suisses. Il devait y avoir le même phénomène entre le peuple français, belliciste, et ses élites, plus pacifiques (Louis XV, Versaillais contre Communards).
7.4 Mais étant donné que le libéralisme, ou ses abus (imposture des "Dus-à-l'homme", soit des Droits de l'Homme appliqués sans réciprocité aux individus qui les violent), profite davantage à des élites, volontiers libérales, et de plus en plus oligarchiques, tandis qu'il semble défavoriser une masse populaire croissante, la légitimité des susdites élites libérales, dont la "bien-pensance politiquement correcte" est de plus en plus critiquée, et de leurs valeurs libérales (ou abusivement libérales) est dénoncée.
7.5 Reste à savoir, dans un cadre utilitariste si la majorité de la population profite du libéralisme. Les élites le pensent et mettent volontiers des institutions libérales, comme la Justice, hors de la souveraineté populaire, par défiance. Il me semble qu'en France la majorité du peuple approuve l'évolution du monde et cautionne, en cela démocratiquement, les élites.
7.6 Si ça n'était pas le cas, les suffrages populaires permettraient-ils de révoquer le libéralisme ou ses abus ? Je veux dire, les pouvoirs judiciaires non élus le permettraient-ils ? Je ne parle pas là de crises budgétaires, qui ne sont imputables qu'aux élus et aux peuples qui les élisent. Je parle là de remise en cause du libéralisme, du marché libre, de la liberté de circulation des personnes et des biens, de la propriété privée ; ou de ses abus, des "Dus-à-l'Homme", du pacifisme, du droit à la vie pour tous, etc.
7.7 Je crois que le point précédent constituerait la principale cause d'échec de réformes de mouvements "populistes" s'ils venaient à être élus, et ils s'en verraient d'autant plus contrariés et surpris qu'ils n'ont jamais théorisé la domination des autres pouvoirs politiques par le judiciaire. Leurs adversaires politiciens argueraient le garde-fou des contre-pouvoirs.
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Voilà, tout cela est brouillon et décousu. J'ai peu de certitudes, même quand je tranche. J'ai quand même l'intuition, pour résumer, que les démocraties libérales sont rendues décadentes, à travers l'éducation (et c'est capital car c'est l'éducation seule qui permet aux individus de se maintenir dans un système libéral, intrinsèquement individualiste et anarchisant), par l'indépendance des pouvoirs judiciaires vis-à-vis des électeurs.
Bon, ce grand laboratoire qu'est l'Histoire finira bien par trancher.
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