Barbetorte a écrit:
A quelle date s'est-on écarté des sources ? S'ils veulent se défaire de la laïcité, c'est qu'ils ne comptent pas remonter avant le règne de l'empereur Constantin et placent donc les sources plus de deux siècles après le début. Qu'entendez-vous par droit de cité ? A ma connaissance, ils vivent et s'expriment très librement. A qui devrait-on encore accorder des droits propres ? Aux Mormons ? A l'Eglise de Scientologie ? Aux adorateurs de l'Oignon ?
Il y a de plus en plus de Chrétiens et notamment les Catholiques Traditionnalistes qui veulent revenir sur le Concile de Vatican 2 de 1962. Ils ne disposent que d'une très faible tribune médiatique et pratiquent beaucoup l'auto-censure car ils sont souvent affublés des qualificatifs "d'extrême droite", "nazis" etc. Alors que je vous rappel qu'ils étaient là avant les laïques et les démocrates et que ce n'est que par la coercition qu'ils ont due accepter leur domination.
Quant aux Mormons, aux scientologues ainsi qu'aux adorateurs de l'oignon, oui je pense que dans un Etat qui se dit respectueux des minorités il faut leur accorder leur droit de culte et leur propre législation religieuse. Vous pensez qu'ils doivent raser les murs ou qu'ils ne méritent pas de vivre ?
Barbetorte a écrit:
Quand le patriarche de Constantinople se plaint de mesures discriminatoires à l'égard des Chrétiens de Turquie, faut-il lui répondre qu'il n'est pas chez lui et qu'il n'a pas à imposer sa conception du monde aux Musulmans ?
La Turquie est un Etat laïc et démocratique et elle a adopté la division de la société selon la nationalité depuis la mise en place de l'Etat-nation turc en 1924. Je pense que les Chrétiens vivaient beaucoup mieux leur foi à l'époque de l'empire Ottoman lorsque ce n'était pas la laïcité mais l'Islam qui gérait les minorités. Le fait que la minorité chrétienne soit discriminée en Turquie actuellement dénote un échec de la démocratie et de la laïcité dans ce pays.
Barbetorte a écrit:
J'ai dit cela ? Vraiment ?
Le fait de nier que les Musulmans aient le droit d'appliquer la jurisprudence islamique aux non-Musulmans dans un Etat islamique a pour conséquence de nier le droit de culte des non-Musulmans dans un Etat islamique oui. Car il faut bien comprendre encore une fois que le qualificatif "islamique" des lois islamiques ne veut pas dire que ces lois sont faites uniquement pour les Musulmans.
Niez-vous le droit de la laïcité d'appliquer la jurisprudence laïque aux minorités qui ne partagent pas la philosophie laïque ?
Barbetorte a écrit:
Je ne sais pas ce que vous entendez par séculier. Ce que je sais est que l'islam est religion d'Etat en Egypte comme au Pakistan et que ces deux pays sont des dictatures. S'il y a échec, ce ne peut être que celui d'un islam oppressant et de l'absence de démocratie.
Il faut que vous fassiez la différence entre l'Etat et la société. Un Etat peut être d'une obédience telle tandis que sa population peut-être d'une autre obédience. C'est le cas dans la plupart des pays arabo-Musulmans de nos jours dont les populations professent majoritairement l'Islam tandis que les Etats professent majoritairement des idéologies séculières telles que le nationalisme ou la démocratie.
Le fait qu'en Egypte ou au Pakistan l'Islam soit proclamée religion d'Etat ne signifie en réalité que l'Islam n'est qu'une source de législation parmi d'autres (notamment dans les questions secondaires de mariage ou d'héritage par exemple). Car dans les domaines les plus importants comme l'économie, la gestion des minorités, les fondements de la société ou les relations internationales par exemple, ce n'est pas l'Islam qui est source de législation mais ce sont des idéologies séculières comme le nationalisme ou le libéralisme. La démocratie, comme l'Islam, y est aussi officiellement proclamée religion d'Etat en déclarant que le peuple est le seul souverain de la nation. Donc ce ne sont ni réellement des Etat islamiques ni réellement des Etat démocratiques puisque comme vous l'avez souligné ce sont des dictatures. Mais l'Islam y a régné un temps et les minorités y ont eu de beaux jours, tandis que la démocratie n'a jamais réussi à s'y établir et que le nationalisme gèrent mal ses minorités. Je vous laisse tirer les conclusions.
Barbetorte a écrit:
Il faut tout d'abord admettre l'existence de Dieu, ce qui est très controversé. Ensuite, il faut admettre la légitimité de ceux qui affirment parler au nom de Dieu et détenir seuls la Vérité. Comme ils sont nombreux et que leurs Vérités divergent, il est difficile de s'y retrouver. Le consensus démocratique me semble une solution pragmatique beaucoup plus satisfaisante.
C'est une idéologie satisfaisante dans une civilisation qui a subit le joug de l'Eglise et des nobles pendants des siècles sans aucune autre ouverture politique ou religieuse possible et qui en réaction a érigé le rejet et la lutte contre la religion et l'absolutisme en dogme immuable. Il y a d'autres civilisations qui n'ont aucun problème avec la religion ni avec l'autorité issus de prescriptions religieuses, mais le mondialisme démocratique ne l'entend pas de cette oreille j'en conviens.
Barbetorte a écrit:
L'Occident est responsable de tous les malheurs du monde, c'est bien connu. Les Musulmans n'ont jamais été violents ni conquérants. C'est l'Occident qui leur a enseigné ces mauvaises manières.
Nous parlons de géopolitique et non d'histoire. Actuellement c'est l'Occident qui est impérialiste et dont les idéologies politiques et économiques, qui ont été adoptée de gré ou de force par la plupart des Etats de la planète, soit ne génèrent que des problèmes soit n'en règlent aucun. Je n'y peux rien c'est un fait.
Barbetorte a écrit:
C'est l'inverse. Le contact avec la philosophie grecque a introduit le rationalisme chez les penseurs musulmans, ce qui a coïncidé avec l'apogée de la civilisation musulmane. Le rejet du rationalisme et une interprétation littérale du coran a marqué le début de la décadence.
Lors de la fulgurante ascension de l'Islam à l'époque des premiers Califats jusqu'à l'apogée du Califat Abbasside de Harun al-Rachid, il n'y avait ni influence philosophique grecque ni rejet du Coran comme source législative, bien au contraire. Et si par "rationalisme" vous faites allusion aux écoles qui ont été influencées par la philosophie grecque, alors sachez qu'elle n'ont jamais été totalement rejetées et qu'elles ont mêmes été majoritaires depuis leur apparition au 9ème siècle jusqu'à encore très récemment dans le monde Musulman. Cela n'a pourtant pas empêché le monde Musulman de sombrer dans la décadence. L'université islamique d'al-Azhar au Caire par exemple enseigne le dogme acharite qui est issus du mutazilisme d'inspiration philosophique grecque. Je ne pense pas que les sciences profanes y soient très développées.
Kurnos a écrit:
Je vous remercie, mais au bout de quelques heures de recherche sur Le Mutazilisme, concernant un déclin, j’arrive à des hypothèses qui sont précisément à l’inverse de vos affirmations de cause de déclin ?
Le Mutazilisme serait probablement une des causes de l’age d’or scientifique, sa disparition pourrait bien être associée au déclin, j’ai exprimé mon avis « d’ignorant » sur le forum histoire :
Le Mutazilisme
http://www.passion-histoire.net/viewtop ... 8&start=90Un califat du type de celui d’Al-Ma’mūn me semble tout à fait viable.
Caesar Scipio a écrit:
Moi aussi, tout comme Kurnos, et dans le droit fil de mon précédent commentaire sur le sens paradoxal dont vous vous faites l'écho, Odanobunaga, pour la raison et la révélation.
Rien ne permet de dater le déclin du monde musulman du milieu du 9ème siècle. Sauf erreur, Averroes, Avicenne, Al Djazari et compagnie sont bien postérieurs à ce point d'inflexion du milieu du 9ème siècle dont j'entends parler pour la 1ère fois ici.
Je faisais référence au déclin du Califat Abbasside qui s'amorce après la mort de Harun al-Rachid en 809 et dont les 3 sucesseurs adopteront le mutazilisme comme dogme officiel jusqu'au milieu du 9ème siècle. Par la suite le Califat se désagrégea de plus en plus.
Mais il ne faut pas faire du mutazilisme un synonyme absolu de raison et de science. Le fait qu'ils voulaient expliquer l'existence divine par la raison ou prônaient la création du Coran ne les a pas empêché de faire preuve d'un véritable fanatisme et d'une grande intolérance à l'égard des autres courants notamment lors de la persécution instaurée par les Califes Abbassides mutazilites au 9ème siècle.
De plus ils n'avait aucunement le monopole de la recherche scientifique car il existait également des érudits en sciences profanes dans tout les courants de l'Islam y compris chez les partisans de la tradition, les partisans de l'Imam al-Achari ou les chiites.
Les vrais raisons du déclin sont plus à chercher dans la sclérose intellectuelle issus du suivisme aveugle envers les 4 écoles juridiques et leurs théologiens au détriment d'une réflexion basée directement sur les sources scripturaires de l'Islam lesquels sont à la base de l'engouement scientifique des premiers temps de l'Islam.
Barbetorte a écrit:
Je pense que nous sommes là au coeur du problème. La soumission est devenue un absolu. Sous l'influence d'une tendance prohibant la raison qui a donné le wahabisme, on s'est interdit de s'interroger sur la voie à suivre pour se soumettre à Dieu et, alors que l'absence, en principe, de clergé devait conduire au libre examen des fidèles (nulle contrainte en religion), la notion de soumission a prévalu.
La raison en tant que telle n'a jamais été totalement prohibée y compris dans le courant wahhabite, c'est l'affirmation de la primauté de celle-ci sur la révélation qui est majoritairement condamnée en Islam. Mais dans la jurisprudence, la raison ou la déduction analogique est bien une source législative en l'absence de texte probant sur une question donnée.
Et le fait qu'il y est pas de clergé n'a jamais voulu dire que tout les fidèles y compris les plus ignorants avaient le droit de se prononcer sur des questions pointues de jurisprudence ou de croyance, sinon c'est la redéfinition en permanence de l'Islam qui dans ce cas n'aurait pas pu échapper à un syncrétisme destructeur.
"Nulle contrainte en religion" veut dire que les non-Musulmans vivant sous domination islamique ne sont pas forcés de se convertir à l'Islam, cela n'a rien à voir.
Barbetorte a écrit:
Révélation et raison ne sont pas antinomiques et l'on ne peut distinguer, à l'époque considérée, avant le treizième siècle, des schémas mentaux très différents : on était alors encore loin de l'humanisme.
La révélation est à la base des trois religions hébraïque, chrétienne et musulmane : c'est Dieu qui se révèle aux hommes, ce n'est pas l'homme qui prend conscience de Dieu après avoir pris conscience de sa propre existence (Cogito ergo sum). Le mutazilisme est une école de pensée musulmane, ce n'est pas un pré-cartésianisme. Il s'est opposé aux autres écoles musulmanes parce qu'à la différence de ces dernières il considérait que le coran était une création. Une question similaire avait agité le christianisme au sujet de la nature du Christ. Le dogme qui a fini par s'imposer est qu'il a été engendré, non pas créé.
Si le coran est incréé, c'est qu'il est consubstantiel à Dieu et doit donc être appréhendé en bloc, sans tentative d'approche rationnelle, de même que, pour les Chrétiens, le mystère de la trinité échappe à la raison. En revanche, s'il a été créé, il est permis de le soumettre à l'exégèse.
C'est juste. Mis à part que l'exégèse coranique et l'explication des paroles prophétiques existent même dans les courants affirmant la primauté de la révélation. La différence résulte dans le fait qu'elle se fait d'abord par le Coran lui-même puis par les paroles prophétiques puis par les paroles des compagnons du prophète puis par les paroles des successeurs des compagnons. Ensuite en l'absence totale de ces preuves scripturaires, la raison ou l'analogie peut-être invoquée.