En fait, la force de cette théorie, c’est qu’elle donne une interprétation anachronique rétrospective à un ensemble de phénomènes ayant l’air d’une évolution si continue qu’ils en tirent la conclusion erronée que tout aurait été organisé et voulu.
Or c’est faux. Ceux qui auraient voulu ou ceux qui aujourd’hui voudraient un tel résultat n’étaient pas aux manettes. Ceux qui étaient aux manettes n’ont pas pris telle mesure (faire venir de nombreux travailleurs masculins d’Afrique du nord ou d’Afrique Noire, puis organiser le regroupement familial) dans le but de parvenir aux résultats contre lesquels les partisans de cette théorie du complot dénoncent.
D’ailleurs, très vite après la mise en œuvre de la mesure de regroupement familial en 1974, le gouvernement s’est rendu compte des résultats assez fâcheux de cette mesure certes humanitaire mais prise sans discernement. Dès 1976, le gouvernement Barre a pris un décret suspendant le regroupement familial, mais il a été cassé par le conseil d’Etat qui a été dégager du préambule de la constitution de 1946 une interprétation très discutable et très discutée qu’il qualifiée de principe général du droit pour annuler ledit décret.
http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Av ... .-et-C.G.TMaintenant il faut aussi ne pas nier des faits et constats, tout à fait réels, sur lesquels se fondent les partisans de cette théorie et que des sociologues de tous bords ont par ailleurs décrits et expliqués.
Dans certaines villes, quartiers ou cités, il y a en effet un phénomène de substitution de populations et de regroupement des populations selon des logiques de communauté ethno-culturelle.
Il suffit de voir comment a évolué la population de pas mal de communes ou de quartiers qu’on qualifiait auparavant d’ouvriers à la périphérie proche ou moins proche des grandes métropoles, les quartiers nord de Marseille, la ville de Roubaix, les communes non-bourgeoises de l’est parisien, Stains, Mantes-la-jolie, Trappes, Villeurbanne, Mulhouse, … etc.
Ce phénomène tient au fait que parmi les personnes originaires des pays d’Afrique et du nord, et qui constituent à eux seuls la majorité des entrées migratoires en France, les catégories populaires de faible niveau de qualification sont fortement surpondérées par rapport à l’ensemble de la population vivant en France
https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-popu ... continent/http://www.insee.fr/fr/themes/document. ... id=T12F037Et donc forcément, ils sont davantage sujets au phénomène de relégation urbaine dans les quartiers dits populaires. Parce que pour quitter ces quartiers, il faut connaître une certaine réussite professionnelle et matérielle. Il y en a qui s’en sortent. Mais ceux qui ne s’en sortent pas y restent et y voient arriver les nouveaux immigrés.
Ajoutez-y le phénomène sociologiquement bien connu qui conduit les groupes sociaux ou culturels ou ethniques à préférer l’entre-soi, que ce soit un entre-soi économique (les riches dans les quartiers de riches, … etc), ou ethno-culturel, et vous avez là les facteurs essentiels qui ont conduit à l’évolution en question.
Le tout dans un contexte d’une absence de politique migratoire cohérente de la part des gouvernements de toute tendance qui ont largement mis le processus d’entrée des candidats à l’immigration en France sur un mode guichet en pilotage automatique, et vous avez l’explication de l’évolution que la France a connue depuis le milieu des années 1970.
En fait, l’extrémisme de gauche sur cette question nourrit l’extrémisme de droite. Le discours des sansfrontiéristes et des multiculturalistes partisans de l’accueil illimité de l’Autre et des accomodements raisonnables avec l’Autre sont ceux qui confortent la théorie du complot remplaciste formulée par des extrémistes de droite.