C'est qu'en réalité deux antagonismes ethniques primordiaux s'affrontent chez les partisans des califats sunnites : 1) les (soi-disant) Arabes héritiers des (soi-disant, je précise par recul et quand je ne l'écris pas, c'est par simplification) Bédouins, dont le destin fut transcendé par l'invention de l'islam pour en faire les maîtres inattendus d'un empire courant des Indes à l'Espagne, et 2) les Turcs, dont les ancêtres ont non seulement confisqué auxdits Bédouins leur souveraineté (jusqu'au califat même) jusqu'aux frontières de la péninsule arabe mais également repris à leur compte les ambitions de l'Empire romain.
Chez les soi-disant Arabes, de plus en plus rares sont les partisans d'un califat sunnite qui envisagent qu'il soit dirigé par les Turcs, comme depuis les Bouyides. Aucun ne parvient à envisager que l'indolence des califes bédouins finit par coûter leur indépendance et la soumission de l'Orient aux Turcs. Rares sont ceux capables d'admettre que les Turcs ont également, par leur expansion violente, acculé l'islam à des résistances puis d'irrésistibles rébellions de la part des kaffirs en Méditerranée (guerres anti-piraterie et croisades d'Alger à la Palestine), en Europe centrale et dans les Balkans (guerres balkaniques), l'Asie centrale (la colère destructrice de Gengis Khan est provoquée par les sultans turcs et se déchaînera jusqu'aux portes de l’Égypte) et les Indes (collaboration entre les souverains hindous et les colonisateurs européens), tandis que seul l'islam marchand permettait l'expansion efficace de l'islam au Sahel, en Afrique orientale et en Asie du Sud-Est.
Chez les soi-disant Turcs, aucun partisan d'Erdogan n'envisage qu'un califat sunnite soit dirigé par une autre ethnie que les Turcs, étant en cela plus partisans d'un nouvel Empire ottoman
"de Sarajevo à Jérusalem",
comme scandait Erdogan, que d'un califat en soi. Aucun ne comprends que ni les Balkans, ni les Grecs, ni les Caucasiens non turcophones, ni les Kurdes, ni les Arabes n'ont oublié les grandes luttes d'indépendance et les grandes massacres traîtres des Ottomans non turques autour de 1900. Il était, par exemple, stupéfiant d'entendre Erdogan proposer aux premiers rebelles syriens (ceux que l'opinion publique occidentale aimait) réfugiés chez lui de les armer et de les appuyer en échange d'une soumission présente et future à la Turquie, ce que ces rebelles ont naturellement refusé, préférant se battre entre Arabes quitte à perdre sans les Turcs.