Geopolis a écrit:
Tant mieux. Pour autant, je ne me serais jamais attendu à voir l'esprit "Touche pas à mon pote" virer autant à l'aigre chez d'anciens camarades de classe ou de connaissances plus récentes de ma génération, soi-disant d'extrême gauche (militants PCF, anarchistes) et virant sur des propos de l'autre extrême (des réflexions, des agacements, de prétendus votes). Mon pessimisme politique date de 2002, quand mon grand-père avait commenté mes inquiétudes sur la désinvolture des partis centristes (du PS à l'UMP) envers les montées d'extrêmes droites en France (FN, Frères musulmans, afro-centristes) avec un fataliste "Tu sais, il y a toujours un retour de balancier." Né en 1921, il avait en effet vécu une oscillation complète.
Ces parcours que vous évoquez, j'en ai été également le témoin et c'est d'ailleurs l'objet d'un manuscrit que je tente vainement de placer à des éditeurs depuis un an. Par contre je doute que le conflit (que je crois moi aussi inévitable, et que j'appréhende), connaisse l'issue que vous anticipez. J'ai longuement étudié les productions de la mouvance "identitaire", et depuis le Camp des Saints, il y a une constante : ce patriotisme belliqueux exhale la dépression et le sentiment d'être assiégé, beaucoup d'affects négatifs d'individus qui roulent des mécaniques mais qui sont au fond désespérés et aux abois, conscients que le monde qu'ils défendent est voué inéluctablement à disparaître. D'où une tentation certaine d'accélérer le conflit tant que ce camp "patriote" n'est pas trop affaibli numériquement, par divers procédés favorisant la radicalisation de ceux perçus (à tort ou à raison) comme des adversaires. Qu'ils se hâtent en effet, car - entre autres exemples - dans mon périurbain tout à fait banal et certainement emblématique, pour les jeunes Blancs de 20 à 35 ans, un Tariq Ramadan est infiniment plus attractif qu'un Valls ou même qu'un Laurent Bouvet. Je vous certifie que bien peu d'entre eux seraient prêts à tuer et encore moins à se faire tuer pour une nation qui, disent-ils, ne leur accorde que peu de possibilités d'ascension sociale et de prospérité - ce qui est l'horizon des politiques austéritaires et déflationnistes que vous prônez. En cas de conflit, la plupart préféreraient tout simplement déguerpir si possible, à la manière des réfugiés syriens.