Propos de Samir Mihi, fondateur d'ACLEFEU, dans
Le Point du 12 novembre 2015. J'y vois une ode au libéralisme contre les monopoles institutionnalisés par l’État français.
Citation:
Nous sommes à la fin du cycle de l’assistanat qui a duré trente ans dans les quartiers populaires. Du moins dans la tête des habitants. On est davantage dans la prise de conscience individuelle. Il existe des modèles de réussite hors sport et musique, et ils rejaillissent sur un quartier.
Des individus se construisent une situation seuls. Personne ne les tient grâce à un emploi municipal ou un logement. Ils aspirent à la tranquillité et à la stabilité. Politiquement, cela change tout. Alors que les politiques ne se sont pas encore adaptés à cette évolution. La conséquence politique, c’est que cet électorat n’est plus naturellement acquis à la gauche. La preuve en Seine-Saint-Denis, qui a longtemps été un bastion communiste puis socialiste. Désormais, il y a presque autant de communes gérées par la droite que par la gauche. […] L’assistanat, ce n’est pas seulement le RMI ou le RSA. Pour se constituer une clientèle électorale captive, les municipalités jouent sur deux leviers : les emplois municipaux et les logements sociaux. Avec un encadrement socio-éducatif qui cloue littéralement les habitants à leur quartier. La caricature la plus extrême que j’aie connue, ce sont les services municipaux de la jeunesse (SMJ) dans les villes communistes, qui prenaient en charge les jeunes de 12 à 25 ans. Comme si à 20 ans t’avais besoin de la mairie pour occuper tes loisirs alors qu’elle aurait dû pousser les jeunes en difficulté vers la voie de la recherche d’emploi. Or tout a été fait pour maintenir les jeunes des quartiers dans l’assistanat.
Depuis 2005, beaucoup se sont pris en charge. On crée des emplois puisqu’on ne nous embauche pas. Une station Autolib’ vient d’être créée à Clichy, qui permet le désenclavement et facilite les trajets vers le bassin d’emplois de l’aéroport de Roissy. Mais le principal obstacle à l’embauche dans cette zone, c’est le casier judiciaire. Tu fais une connerie à 17 ans, on te la ressort à 25. Les politiques ont droit à une deuxième chance quand ils sont condamnés, pas les jeunes hommes de banlieue !
Les PME issues des banlieues sont de plus en plus nombreuses. Et pas seulement dans la restauration, même si certains ont ouvert des restaurants gastronomiques français halal. La mentalité économique rappelle les États-Unis. Chacun cherche à créer son emploi, économiquement viable.
La classe politique croit toujours qu’un Arabe ou un Noir qui a marché en 1983 ressemble aux jeunes de nos quartiers en 2015. Or rien n’est plus faux. Chacun a pris conscience de son identité française, malgré quelques provocations qui relèvent du fait divers et dont se régalent et s’effraient Finkielkraut et Zemmour. […]
Tout le monde est prêt à ces changements dans les quartiers. […]
Aujourd’hui, on nous parle de front républicain, qui a pour but de maintenir au pouvoir toujours les mêmes. Si on croit les partis de gouvernement, par peur que Marine Le Pen accède au pouvoir, il faudrait voter toujours pour eux et cela même s’ils ont échoué. Il faut le dire : le front républicain, c’est une arnaque. C’est le meilleur moyen de maintenir le statu quo. Les citoyens n’ont aucune raison de garantir un emploi à vie à ceux qui échouent. Quelles que soient les conséquences.
Samir Mihi, Le Point 2253, 38