En complément de Dindonneau, je me contenterai de signaler qu’on ne peut accorder de crédit à la rubrique décodage du Monde qu’après des mesures de précaution élémentaires. Et d’abord en se demandant si elle intervient sur un sujet sur lequel le Monde n’a pas d’engagement particulier ou bien au contraire sur un sujet sur lequel le Monde est engagé.
Dans le 2ème cas, ce n’est même pas la peine d’y accorder le moindre crédit. Sur ce type de sujets, les décodeurs du Monde dévoient quotidiennement le sens du mot « décoder » pour en affubler des pratiques de propagande grossière en faveur des mensonges et omissions délibérément trompeuses d’un camp.
Or sur le sujet syrien, le Monde en tient toujours pour la ligne Fabius, c’est-à-dire pour la ligne Washington-Ryiad.
Une autre approche consiste, selon la bonne vieille méthode historique, à questionner les sources sur lesquelles s’appuie l’auteur et sur les éventuelles failles dans l’agencement des éléments prétendant établir des liens de causalité, des preuves ou de fortes présomptions.
Je vous propose un exercice de véritable décodage du prétendu décodage.
En quoi le fait qu’un bâtiment soit vide au moment où il a été visité par un journaliste signifie-t-il qu’il était vide au moment antérieur où il a été bombardé ?
Qu’est-ce qui empêche de stocker à la fois des grains et des armes dans un entrepôt ?
Quel crédit accorder à des témoignages oraux de gens se présentant comme ayant été témoins ? Et quand bien même auraient-ils été effectivement témoins qu’est-ce qui garantit qu’ils ont bien compris ce qu’ils ont vu ou qu’ils ne trompent pas délibérément celui à qui ils rapportent leur témoignage ?
Connaissez-vous la facilité avec laquelle il est possible de faire du montage vidéo ou de donner la datation voulue à une vidéo à l’âge de l’informatique ?
Savez-vous comment tromper le lecteur ?
Par exemple en utilisant une vérité hors sujet pour l’utiliser à fins de tromperie et détourner l’attention de l’essentiel.
On jette le discrédit sur ceux qui critiquent la thèse d’un bombardement chimique en allant soigneusement choisir des affirmations effectivement périmées ou vagues. Sauf que peu importe si sur le web il y a des gens qui écrivent sans savoir ou qui écrivent n’importe quoi. C’est l’envers de la médaille du net. Ce qui compte c’est qu’au milieu du fouillis inhérent au web, il y ait des sources solides et crédibles.
Par exemple encore en pointant des discordances hors de propos.
Les discordances de déclarations sur l’heure de l’attaque aérienne sont sans rapport avec le fond du sujet, étant donné que personne ne conteste qu’il y a eu attaque aérienne.
La vraie question, c’est : y a-t-il eu une attaque aérienne chimique de la part des forces du gouvernement syrien, voire le cas échéant de leurs alliés russes, sur les environs de Khan Cheikhoun le 4 avril 2017 ?
Et personne n’a apporté le moindre début de commencement de preuve que les avions d’Assad ou de la Russie ont procédé à un largage d’armes chimiques ce jour-ci et en ce lieu. Or eux le démentent catégoriquement et leur démenti est parfaitement cohérent.
Encore une fois, pourquoi diable les forces gouvernementales syriennes auraient-elles été utiliser des armes chimiques interdites alors qu’il y a un paquet d’autres armes bien plus dévastatrices et dont l’usage n’est pas interdit par les conventions internationales et alors que, quand bien même Assad aurait-il violé son engagement de 2013 en ne démantelant pas ses stocks d’armes chimiques (pourtant contrôlé par des inspecteurs étrangers qui ont affirmé qu’il a bien livré et démantelé ses stocks d’armes chimiques), il sait parfaitement que le moindre acte de ses forces armées est scruté avec la plus grande attention par ses ennemis américains, saoudiens, qataris et turcs qui se saisiraient de la moindre incartade comme d’un casus belli ?
Il est établi voici plusieurs années que les djihadistes de la mouvance Al Qaïda en Syrie utilisent des armes chimiques.
https://blogs.mediapart.fr/jpm2/blog/19 ... de-turquieC’est le bon vieux principe de l’attaque « false flag ». Soit on s’attaque soi-même pour se fournir un casus belli contre celui à qui on veut faire porter le chapeau (affaire du Maine, affaire du golfe du Tonkin, … etc). Soit on se fait attaquer par quelqu’un mais on fait porter le chapeau à quelqu’un d’autre (affaire des attaques du 11 septembre 2001 dans lesquelles aussi bien l’Afghanistan des talibans que l’Irak de Saddam Hussein n’étaient pour rien, quand bien même leurs régimes étaient-ils criminels). Soit, variante des 2 cas précédents, l’attaque false flag est exécutée non pas au détriment de celui qui veut faire la guerre mais au détriment d’un tiers, ce qui fournira ainsi un casus belli pour aller châtier l’agresseur de ce tiers.
Quelle autre version que la version russo-syrienne est-il donc, en toute rigueur, possible de prendre en considération à ce stade ?
Je ne vais pas répéter l’un de mes précédents messages sur les analyses et constats factuels d’un paquet de spécialistes pas du tout soupçonnés d’être des partisans d’Assad mais connus pour être très lucides (Hans Blix, Scott Ritter, le collectif VIPS, Lawrence Wilkerson, l’expert du MIT Theodore Postol qui avait déjà démonté l’attaque false flag sur la Goutha en 2013) sur les montages et mensonges en série opérés par les services de renseignement américains et leurs supplétifs des différentes succursales en Syrie d’Al Qaïda/Al Nosra/Ahrar al Sham.