carottas a écrit:
Alors certes l' intervention des pays occidentaux est ultérieure à la déstabilisation militaire du pays, mais il est clair qu'elle a joué un rôle majeur dans la victoire des rebelles libyens.
Pourquoi "mais " ? La victoire des rebelles était le but de l'opération sans laquelle les rebelles auraient été vaincus. C'est au contraire si cette victoire était assurée sans un concours extérieur qu'il y aurait eu lieu de contester le bien-fondé de celui-ci. Je ne comprends pas votre logique qui conduit à dire : "Cette entreprise doit être condamnée parce qu'elle était nécessaire à l'obtention du but visé et qu'elle a réussi".
carottas a écrit:
Kadhafi gagnait la guerre, jusqu'à ce que nous intervenions. On l'oublie assez vite.
Je pense plutôt qu'il allait gagner la guerre comme Hitler l'avait gagnée en 1940. Ce que vous oubliez, c'est tout d'abord que la Libye n'était pas, avant ces émeutes, aussi tranquille que vous le prétendez, une rébellion islamiste persistant alors en Cyrénaïque depuis plus de vingt ans, et ensuite que l'insurrection ne se cantonnait pas à la ville de Benghazi mais avait atteint la moitié du pays. L'armée gouvernementale aurait peut-être pu reprendre le contrôle des principales villes mais l'opposition aurait continué alimentée de plus en plus par des soutiens extérieurs financiers et humains, les mêmes que ceux dont bénéficient l'Etat Islamique et les organisations liées à Al Quaïda en Syrie. Un processus de dislocation était en cours et il était inéluctable.
Il faut savoir comment était organisée la société libyenne : une structure tribale, reconnue officiellement, se maintenant en parallèle aux structures modernes. Kadhafi était en fait avant tout le chef de la tribu des Kadhafa qui a imposé sa suprématie sur les autres tribus. La violence de la répression avait fait perdre à Kadhafi toute crédibilité auprès des chefs de tribus et a conduit plusieurs parmi les principaux à se désolidariser de lui. Le chef des Warfala a ainsi déclaré : "Nous déclarons au frère Mouammar Kadhafi qu’il n’est plus un frère, nous lui disons de quitter le pays". C'est on ne peut plus net. A la question : "Que se serait-il passé sans intervention militaire extérieure ?", la réponse est clairement : "Le chaos après des massacres". Au moins a-t-on minimisé les massacres.
Par ailleurs, il faut se poser la question de la pérennité d'un système aussi archaïque dans une société qui se modernise à grands pas : la Lybie connaît le plus fort taux d'alphabétisation de toute l'Afrique du nord et compte 270 000 étudiants dans ses universités, sans compter les instituts de formation technique, pour une population totale de 6,6 Mha.
Les armes ont certes proliféré après la chute du régime de Kadhafi mais celle-ci est loin d'en être la seule cause. Les deux premières en sont d'une part la propagation des organisations Al Qaïda et Etat Islamique qui sévissent partout, de l'Algérie jusqu'en Afghanistan, et d'autre part la question des Touaregs qui se pose depuis la décolonisation dans les différents Etats du Sahel et principalement au Mali . Vouloir le maintien de Kadhafi dans ce contexte aurait été aussi intelligent que bloquer la soupape d'une chaudière : au bout d'un certain temps elle explose inévitablement.
carottas a écrit:
Kadhafi était névrosé, on est tous d'accord, mais les attentats de Lockerbie remonte à plus de vingt ans, et l'histoire des infirmières (bien que triste) ne représente pas grand chose face aux nombres de morts que ce chaos à provoqué.
C'était un mal pour un bien.
Les explosions de deux avions en vol remontent à plus de vingt ans, mais c'est suffisamment grave pour qu'on ne les oublie pas et l'affaire des infirmières bulgares ne doit pas être minimisée. Tout d'abord elle est la manifestation d'une attitude constante de provocation, de chantage et d'humiliation à l'égard des nations occidentales. Cette affaire des infirmières bulgares s'est soldée moyennant une rançon d'un bon demi-milliard de dollars payés par l'Union Européenne : du racket pur et simple. La réception en grande pompe de Kadhafi à Paris avec la tente bédouine sur les Champs-Elysées faisait aussi à n'en pas douter partie du deal. Dans le cadre de cette politique on doit aussi ajouter le chantage exercé à l'encontre de la Suisse (voir :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_diplomatique_entre_la_Suisse_et_la_Libye). Ces épisodes sont bien plus que des faits divers : tout occidental présent en Libye se trouvait en danger. Ensuite cette affaire des infirmières bulgare a mis en évidence une grave déficience dans les infrastructures : les infirmières n'y étaient pour rien, la cause des infections résidait dans l'état sanitaire lamentable l'hôpital. Or, au Maroc ou en Tunisie, les hôpitaux sont mieux tenus malgré des ressources économiques de ces deux pays bien moindres. Les carences du régime étaient flagrantes. La population allait-elle les supporter longtemps ?
Finalement, la chute du régime de Kadhafi était on ne peut plus souhaitable. L'occasion s'est présentée de l'assurer, les gouvernements français et britanniques auraient eu tort de ne pas la saisir.
carottas a écrit:
Je me fais l'avocat du diable ce soir, mais je pense sincèrement qu' il est préférable pour nous (pays européens), de fermer les yeux sur certaines méthodes autoritaires en vue de garantir un calme relatif (chose que la France a très bien fait avec la Françafrique.), évitant ainsi des foyers de purulences.
Peut-être, à condition d'agir avec discernement. Car à protéger systématiquement des dirigeants infréquentables, on finit par perdre toute crédibilité. On se présente comme le "pays des libertés" mais on finit par représenter dans la moitié des pays du monde l'oppression et l'exploitation avec des conséquences à terme très dommageables en termes de politique internationale et de relations économiques. La Françafrique est l'exemple presque parfait de ce qu'il ne fallait pas faire. Apporter un soutien avec Houphouet Boigny pouvait se défendre, mais comment justifier le soutien accordé à Mobutu et, à l'inverse, l'hostilité envers Thomas Sakara ? Le rejet de la France se ressent presque partout en Afrique. Il ne reste presque plus rien de la Françafrique de jadis, si ce n'est des vestiges de routes qui ne mènent nulle part et des châteaux en Sologne propriétés de dirigeants africains, le tout aux frais du contribuable français. Désormais en Afrique les entreprises chinoises agissant dans une pure logique capitaliste ont remplacé les entreprises françaises grâce à quoi plusieurs pays africains amorcent enfin un net décollage économique.
carottas a écrit:
Le concept de démocratie est propre à l'Europe, mais n'est pas partagé de part monde. J'ai discuté récemment avec un russe, qui me disait qu'il préférait mille fois un système autoritaire à nos démocratie. Question de culture.
Le monde musulman est sans doutes dans le même état d'esprit.
C'est vite dit et cela mérite une analyse plus approfondie. Il faut se rendre compte que les chose évoluent vite. Il s'agit moins d'une question de culture que d'une question de situation et d'expérience. Le parti unique d'Houphouet Boigny était peut-être une excellente disposition en 1960. En 2015, c'est à voir. Quand un russe dit qu'il préfère le régime mis en place par Poutine aux démocraties de type occidental, il faut surtout comprendre qu'il préfère Poutine à Elstine, ce qu'on peut comprendre, mais il ne faut pas s'imaginer qu'il regrette le goulag. Il ne faut pas non plus croire que Poutine fait l'unanimité. Il a des opposants lesquels ne se recrutent pas que dans les milieux intellectuels. Il y a, par exemple,
carottas a écrit:
Alors certes l' intervention des pays occidentaux est ultérieure à la déstabilisation militaire du pays, mais il est clair qu'elle a joué un rôle majeur dans la victoire des rebelles libyens.
Pourquoi "mais " ? La victoire des rebelles était le but de l'opération sans laquelle les rebelles auraient été vaincus. C'est au contraire si cette victoire était assurée sans un concours extérieur qu'il y aurait eu lieu de contester le bien-fondé de celui-ci. Je ne comprends pas votre logique qui conduit à dire : "Cette entreprise doit être condamnée parce qu'elle était nécessaire et qu'elle a réussi".
carottas a écrit:
Kadhafi gagnait la guerre, jusqu'à ce que nous intervenions. On l'oublie assez vite.
Je pense plutôt qu'il allait gagner la guerre comme Hitler l'avait gagnée en 1940. Ce que vous oubliez, c'est tout d'abord que la Libye n'était pas, avant ces émeutes, aussi tranquille que vous le prétendez, une rébellion islamiste persistant alors en Cyrénaïque depuis plus de vingt ans, et ensuite que l'insurrection ne se cantonnait pas à la ville de Benghazi mais avait atteint la moitié du pays. L'armée gouvernementale aurait peut-être pu reprendre le contrôle des principales villes mais l'opposition aurait continué alimentée de plus en plus par des soutiens extérieurs financiers et humains, les mêmes que ceux dont bénéficient l'Etat Islamique et les organisations liées à Al Quaïda en Syrie. Un processus de dislocation était en cours et il était inéluctable.
Il faut savoir comment était organisée la société libyenne : une structure tribale, reconnue officiellement, se maintenant en parallèle aux structures modernes. Kadhafi était en fait avant tout le chef de la tribu des Kadhafa qui a imposé sa suprématie sur les autres tribus. La violence de la répression avait fait perdre à Kadhafi toute crédibilité auprès des chefs de tribus et a conduit plusieurs parmi les principaux à se désolidariser de lui. Le chef des Warfala a ainsi déclaré : "Nous déclarons au frère Mouammar Kadhafi qu’il n’est plus un frère, nous lui disons de quitter le pays". C'est on ne peut plus net. A la question : "Que se serait-il passé sans intervention militaire extérieure ?", la réponse est clairement : "Le chaos après des massacres". Au moins a-t-on minimisé les massacres.
Par ailleurs, il faut se poser la question de la pérennité d'un système aussi archaïque dans une société qui se modernise à grands pas : la Lybie connaît le plus fort taux d'alphabétisation de toute l'Afrique du nord et compte 270 000 étudiants dans ses universités, sans compter les instituts de formation technique, pour une population totale de 6,6 Mha.
Les armes ont certes proliféré après la chute du régime de Kadhafi mais celle-ci est loin d'en être la seule cause. Les deux premières en sont d'une part la propagation des organisations Al Qaïda et Etat Islamique qui sévissent partout, de l'Algérie jusqu'en Afghanistan, et d'autre part de la question des Touaregs qui se pose depuis la décolonisation dans les différents Etats du Sahel et principalement au Mali . Vouloir le maintien de Kadhafi dans ce contexte aurait été aussi intelligent que bloquer la soupape d'une chaudière : au bout d'un certain temps elle explose inévitablement.
carottas a écrit:
Kadhafi était névrosé, on est tous d'accord, mais les attentats de Lockerbie remonte à plus de vingt ans, et l'histoire des infirmières (bien que triste) ne représente pas grand chose face aux nombres de morts que ce chaos à provoqué.
C'était un mal pour un bien.
Les explosions de deux avions en vol remontent à plus de vingt ans, mais c'est suffisamment grave pour qu'on ne les oublie pas et l'affaire des infirmières bulgares ne doit pas être minimisée. Tout d'abord elle est la manifestation d'une attitude constante de provocation, de chantage et d'humiliation à l'égard des nations occidentales. Cette affaire des infirmières bulgares s'est soldée moyennant une rançon d'un bon demi-milliards de dollars payés par l'Union Européenne : du racket pur et simple. La réception en grande pompe de Kadhafi à Paris avec la tente bédouine sur les Champs-Elysées faisait aussi à n'en pas douter partie du deal. Dans le cadre de cette politique on doit aussi ajouter le chantage exercé à l'encontre de la Suisse (voir :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_diplomatique_entre_la_Suisse_et_la_Libye). Ces épisodes sont bien plus que des faits divers : tout occidental présent en Libye se trouvait en danger. Ensuite cette affaire des infirmières bulgare a mis en évidence une grave déficience dans les infrastructures : les infirmières n'y étaient pour rien, la cause des infections résidait dans l'état sanitaire lamentable l'hôpital. Or, au Maroc ou en Tunisie, les hôpitaux sont mieux tenus malgré des ressources économiques de ces deux pays bien moindres. Les carences du régime étaient flagrantes. La population allait-elle les supporter longtemps ?
Finalement, la chute du régime de Kadhafi était on ne peut plus souhaitable. L'occasion s'est présentée de l'assurer, les gouvernements français et britanniques auraient eu tort de ne pas la saisir.
carottas a écrit:
Je me fais l'avocat du diable ce soir, mais je pense sincèrement qu' il est préférable pour nous (pays européens), de fermer les yeux sur certaines méthodes autoritaires en vue de garantir un calme relatif (chose que la France a très bien fait avec la Françafrique.), évitant ainsi des foyers de purulences.
Peut-être, à condition d'agir avec discernement. Car à protéger systématiquement des dirigeants infréquentables, on finit par perdre toute crédibilité. On se présente comme le "pays des libertés" mais on finit par représenter dans la moitié des pays du monde l'oppression et l'exploitation avec des conséquences à terme très dommageables en termes de politique internationale et de relations économiques. La Françafrique est l'exemple presque parfait de ce qu'il ne fallait pas faire. Apporter un soutien avec Houphouet Boigny pouvait se défendre, mais comment justifier le soutien accordé à Mobutu et, à l'inverse, l'hostilité envers Thomas Sakara ? Le rejet de la France se ressent presque partout en Afrique. Il ne reste presque plus rien de la Françafrique de jadis, si ce n'est des vestiges de routes qui ne mènent nulle part et des châteaux en Sologne propriétés de dirigeants africains, le tout aux frais du contribuable français. Désormais en Afrique les entreprises chinoises agissant dans une pure logique capitaliste ont remplacé les entreprises françaises grâce à quoi plusieurs pays africains amorcent enfin un net décollage économique.
carottas a écrit:
Le concept de démocratie est propre à l'Europe, mais n'est pas partagé de part monde. J'ai discuté récemment avec un russe, qui me disait qu'il préférait mille fois un système autoritaire à nos démocratie. Question de culture.
Le monde musulman est sans doutes dans le même état d'esprit.
C'est vite dit et cela mérite une analyse plus approfondie. Il faut se rendre compte que les choses évoluent vite. Il s'agit moins d'une question de culture que d'une question de situation et d'expérience. Le parti unique d'Houphouet Boigny était peut-être une excellente disposition en 1960. En 2015, c'est à voir. Quand un russe dit qu'il préfère le régime mis en place par Poutine aux démocraties de type occidental, il faut surtout comprendre qu'il préfère Poutine à Elstine, ce qu'on peut comprendre, mais il ne faut pas s'imaginer qu'il regrette le goulag. Il ne faut pas non plus croire que Poutine fait l'unanimité. Il a des opposants lesquels ne se recrutent pas que dans les milieux intellectuels. Il y a, par exemple, les organisations des mères de soldats. Actuellement les Russes sont reconnaissants à Poutine d'avoir restauré l'ordre et la fierté nationale. Mais, ce qui ressemble fort à une reprise de la guerre froide conduit vraisemblablement à l'impasse et les Russes ne continuerons pas indéfiniment de suivre aveuglément dans cette direction.
Pour bien comprendre ce qui se passe dans le monde musulman, il faut certes constater la propagation du wahabbisme (différence de culture), mais il faut aussi comprendre le processus logique qui conduit naturellement, en dehors de tout facteur culturel, à rejeter le bébé avec l'eau du bain : les pays occidentaux prêchent pour la démocratie et les libertés formelles tout en soutenant Moubarak, les Egyptiens mécontents de Moubarak ont donc naturellement plus de sympathie pour les Frères Musulmans hostiles à la fois à Moubarak et aux Occidentaux d'autant plus que les Frères Musulmans sont très actifs dans le domaine social (politiquement c'est très porteur). A cela il faut ajouter le conflit israëlo-palestinien qui empoisonne le climat. Tant que Moubarak tient le pouvoir, tout se passe bien. Mais quand les Frères Musulmans finissent par l'emporter, on est bien embarrassé.