Pouzet a écrit:
En France les patrons du CAC 40 préfèrent verser de copieux dividende plutôt que de réinvestir les profits et d'avoir une forte croissance.
C'est dommage.
Ceux du CAC40 et les autres. Le sous-investissement français me semble dramatique.
On en arrive à cette aberration que les 20 milliards € du CICE, une aide colossale - mais distribuée à toutes les entreprises, y compris celles qui n'en ont pas besoin, ce qui n'est pas très pertinent - partent pour partie en dividendes. (mais je n'ai aucun chiffre là-dessus, soit parce que les politiques publiques ne sont jamais évaluées - une longue tradition bureaucratique - soit parce qu'on préfère ne pas l'afficher.)
Je me demande d'ailleurs si le CICE n'est pas passé cette année à 30 Md€, si quelqu'un peut confirmer ou infirmer ?
Mais tiens, parlons-en du CICE... D'abord il a été mis en place sous Hollande, en tant que décote à l'impôt sur les bénéfices. Oui, vous avez bien lu : il permettait uniquement de majorer les bénéfices... pour les entreprises qui en faisaient.
Je pourrais souligner l'ineptie qui consiste à aider... uniquement celles qui n'en ont pas besoin, mais examinez bien l'effet d'aubaine ouvert par ce dispositif, pour une entreprise qui arbitre ses choix d'investissement au 3ème trimestre.
(On va rester sur un bouclage des comptes annuel, mais en réalité les entreprises peuvent désormais boucler leur comptes, à leur choix, soit fin décembre soit fin mars : cela permet de ne pas filer un travail de fou aux comptables lorsqu'il y a une saisonnalité de l'activité, spécialement quand elle est centrée autour de Noël. Il faut savoir que les entreprises d'informatique gros et mini systèmes, lorsqu'on bouclait fin décembre uniquement, faisaient 90% de leur chiffre d'affaire en décembre ! - J'ai débuté, comme ingénieur, chez Bull dans les années 80, donc gros systèmes. La raison ? Beaucoup d'entreprises, plutôt que faire des bénéfices et donc de payer 30% d'impôts dessus, à l'époque, investissaient avant bouclage des comptes, et forcément un gros ordinateur - augmenter sa puissance de calcul - ça pouvait être commandé avec une date de livraison raisonnable, le paiement se faisant avant la fin décembre. Je mets de côté la question comptable de l'amortissement. On retrouvait le même phénomène dans les machines-outils, par exemple. Tout ce qui s'achète vite et sur étagère.)
Donc début octobre, mettons, notre entreprise 2016 arbitrait ses investissements. Calcul : si on fait des bénéfices, ils vont bénéficier d'une décote d'impôts... Tiens, si on en profitait pour une fois, ou à fortiori, pour faire des bénéfices plutôt que d'investir ? On avait donc 20 milliards € d'aides... dont l'effet pervers (ou l'effet d'aubaine, vu de l'entreprise)
décourageait l'investissement !Ces choses là sont rudes,
il faut pour les comprendre
avoir fait des études !On continue : depuis 2017, le CICE est désormais une exonération de "charges", donc versé en fonction de l'effectif de l'entreprise.
Premiers bénéficiaires en France : les premiers employeurs. En tête, la grande distribution. (Carrefour, Auchan...)
Mais il y a beau temps que Carrefour et Cie ont convoqué leurs fournisseurs :"Dites, d'après nos calculs vous allez toucher x € de CICE. Vous pourriez peut-être faire l'effort de baisser vos prix en conséquence ?"
Le CICE les PME fournisseurs de la grande distribution n'en voient pas la couleur, (sauf pour les marques dites incontournables, qui ont un fort pouvoir de négociation : aucun hypermarché ne va déréférencer Coca Cola, par exemple) il leur passe sous le nez, au profit des entreprises qui en sont déjà les premières bénéficiaires, du fait de leurs effectifs.
Elle est pas belle la vie ?
Pour donner un ordre de grandeur, le 2ème budget de l'état est l'armée, avec 32 Md€. Le CICE est donc un très gros effort, mais curieusement il n'est pas versé pour aider au financement de l'investissement, ou à des entreprises en difficulté mais qui ont des projets, ou sur n'importe quel critère de développement. (investissement en R&D, formation, recrutement,...) Ces 20 Md€ arrosent tout le monde, et forcément servent pour une part à grossir les dividendes existants.
Notre président bien aimé ayant été banquier d'affaires, donc connaissant à priori le monde des entreprises, ce gâchis imbécile m'a longtemps posé question.
J'ai fini par conclure que l'objectif est de faire de la France un pays ou on peut investir (qu'on soit Français ou étranger) pour faire du fric, avec la flat-tax qui permet de verser davantage de bénéfices, et la fin de l'ISF qui permet de cumuler ces bénéfices sans inconvénients. Je ne vois que ça comme explication : prendre une place dans une économie mondiale où l'argent va à l'argent. (Si la stratégie est celle-là, pourquoi ne pas le dire ?)
Quitte à laisser sans investisseurs les startup qui en auraient besoin, ou les PME que toutes les banques rechignent à financer : cette aide sélective n'existe pas.
Perso je trouve que ce dumping financier coûte un "pognon de dingue", sans certitude de résultats (à la marge, le CICE peut aider des entreprises sur le fil, mais c'est pur hasard, et la question de fond reste sans réponse : les investisseurs viendront-ils ?)
Sachant que c'est le délire fiscal pour financer tout ça qui a déclenché les Gilets Jaunes : la taxe de trop.
Tout ça pour confirmer ce que dit Pouzet : en France on n'investit pas, on distribue des dividendes, et la politique fiscale appuie dans ce sens.