Huyustus a écrit:
C'est bien ça la dérive que je mentionne (en tout cas ce qui me semble être une dérive) : le fait de considérer que si un accident mortel arrive en milieu professionnel, alors il y a forcément quelqu'un (une personne physique) qui a commis une faute méritant condamnation pénale.
En fait, tous les spécialistes de la sécurité au travail en sont convaincu, il suffit de respecter scrupuleusement la règlementation pour que les conséquences d'un éventuel accident soient minimes. Donc, s'il y a des conséquences, c'est bien que quelqu'un n'a pas fait ce qu'il fallait.
Parfois, c'est quand même un peu pernicieux. Par exemple, le port des équipements de protection individuels (EPI). La responsabilité de les porter est individuelle, chacun est responsable de sa propre sécurité dit le droit. La direction doit les mettre à disposition, elle doit les mettre en quantité suffisante et elle doit fournir ceux qui sont adaptés au risque. Ainsi, le non-port du casque ou de chaussures de sécurité est un motif pour que la sécurité sociale et les assurances ne remboursent rien en cas d'accident . Mais, si leur non-port est généralisé dans une entreprise, un juge pourrait estimer que le chef d'entreprise n'a pas fait ce qu'il fallait pour que la loi soit respectée et peut le considérer comme responsable.
Par conséquent, dans de nombreuses entreprises, il est explicité dans le règlement que le port des EPI adapté est obligatoire, alors que c'est déjà une obligation qui découle du code du travail et qu'il ne serait pas nécessaire de remettre dans le règlement de l'entreprise. Ensuite, on considère le non-port comme une faute grave. Entrer dans certaines usines et ne pas se mettre de suite un casque sur la tête peut entrainer une mesure disciplinaire. En cas d'accident avec non-port des EPI, la direction de l'entreprise se dédouanera en démontrant qu'elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que les agents aient des EPI à disposition et qu'ils les portent. Le juge décidera si les efforts faits étaient suffisant et les EPI adaptés. Si c'est le cas, c'est la victime qui aura commis la faute. Ce qui peut avoir des conséquences au niveau de l'indemnisation de la victime et de ses ayants-droits.
Pourquoi est-ce pernicieux ? Si je manipule des objets coupants, le ports de gants de protection adapté, parfois de simples gants en cuir est recommandé (ce qui veut dire que c'est obligatoire ...). La direction de l'entreprise doit s'arranger pour qu'il y ai toujours des gants disponibles.
Quel sont les divers cas :
- il y a des gants, mais les employés ne les portent pas. Si la direction ne fait pas d'efforts particuliers pour que les gens qui manipulent des objets coupants portent les gants, la responsabilité est partagée: responsables, les dirigeants et les intervenants.
- il y a des gants et les employés les portent. En cas d'accident, le juge demandera a des experts de se prononcer si les gants étaient adaptés à la manipulation des objets en questions. Si ce n'est pas le cas, responsabilité de la direction. Si c'est le cas, soit les gants avaient un défaut, ce qui peut entrainer la responsabilité du fournisseur, soit ce sont les circonstances de l'accident qui ont fait que les gants ne furent pas suffisants. Dans ce cas, on pourrait considérer qu'il s'agit vraiment d'un accident, mais il faudra démontrer qu'aucune responsabilité humaine n'est impliquée.
- il n'y avait plus de gants de disponibles. La personne accidenté devait alerter sa hiérarchie et ne devait pas travailler dans ces conditions. Si sa hiérarchie lui a mis la pression pour qu'elle travaille quand même, la responsabilité de sa hiérarchie est mise en cause. Mais, l'affaire du grutier de Toul montre que le travailleur ne doit pas accepter de fléchir, même s'il risque des sanctions. Dans l'affaire du grutier de Toul, le juge a considérer que dans certaines circonstances, il faut refuser de reprendre le travail quitte à risquer le renvoi. Mais, je conçois qu'au quotidien, ce n'est pas une décision facile à prendre.