En lisant cette carte et ce projet à la lumière de mes cours sur les régions françaises, je trouve ce projet pas si mal. Il répond en partie aux déséquilibres régionaux identifiés par les géographes (les régions homogènes mais "pauvres" ; les régions amputées ; les régions "injustifiables agrégats" ; et les régions écartelées) :
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les régions homogènes mais qui ne parviennent pas à se faire une place économique. Elles sont homogènes pour des raisons naturelles ou historiques, mais ont un PIB régional faible comparativement aux autres régions. Le projet en enrichit certaines (ou en supprime carrément d'autres) :
- la France-Comté, dont la frontière est la même depuis 843, la Saône, mais dont le PIB régional est le 2e plus faible de France (hors Corse et DOM) ; le projet l'unit à la Bourgogne ;
- l'Aquitaine, enrichit par des départements du Poitou-Charentes ;
- en revanche, l'Alsace n'est pas concernée par le projet ; sans doute parce qu'on lui impose déjà le vieux serpent de mer de l'union départemental Haut-Rhin-Bas-Rhin ;
- en revanche également, le Limousin, grosse "anomalie" : PIB régional le plus faible de France (18 milliards d'euros) : on lui adjoint seulement quelques départements du Poitou-Charentes.
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les régions amputées sont des régions à forte personnalité historique, mais qui qui ont été "brimées". Le projet corrige ces "punitions" historiques :
- la Bretagne avait été amputée de sa capitale historique, Nantes, et de la Loire-Atlantique ;
- la Haute et la Basse-Normandie, artificiellement séparées.
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les régions qui sont "d'injustifiables agrégats de départements" (P. Estienne), sans cohésion ni naturelle, ni historique, ni économique. Là, le projet ne corrige pas vraiment ces "agrégats administratifs", voire au contraire il poursuit le rafistolage en ajoutant un département par ci , en ôtant un département par là... :
- le Centre, composé du Berry, de la Touraine et de l'Orléanais , aucune cohésion historique et un nom sans réalité géographique puisque ce n'est pas au centre de la France, ce qui pose aussi un problème d'identification et de reconnaissance de ce territoire ; le projet n'en fait rien...
- les Pays de la Loire, union purement administrative ; on lui retire un département, un de plus ou un de moins... ;
- la Champagne-Ardenne, idem (on lui adjoint l'Aisne).
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les régions écartelées, elles manquent de cohésion parce que leur chef-lieu n'arrive pas à s'imposer à l'ensemble de la région. Le projet y remédie en partie :
- la Bourgogne a du mal à être polarisée par Dijon, avec l'Yonne qui regarde vers Paris, la Nièvre vers la Loire, la Côte-d'Or vers la Suisse et la Saône-et-Loire vers le Rhône ; d'où l'idée de l'ancrer à l'Est en lui adjoignant la France-Comté (ce qui règle aussi le "problème" de la France-Comté), ce qui était déjà une proposition de Jean-François Gravier (l'auteur pétainiste de Paris et le désert français) en... 1947 ! ;
- la région Rhône-Alpes, avec la concurrence de Grenoble, d'Annecy et de Genève ; le projet en fait un mastodonte en taille et en PIB ;
- la région Poitou-Charentes, écartelée entre Nantes et Bordeaux : on supprime le problème en supprimant la région... ;
- restent la région PACA (écartelée entre Nice et Marseille) laissée inchangée,
- et la région Lorraine (Nancy et Metz), laissée inchangée.
Ce projet n'est pas si mal. Je pense qu'il ne se fonde pas tant sur la superficie (élément historique de définition des départements : que chaque administré se trouve à une journée de cheval du chef-lieu !), ni tant sur la population, mais sur le PIB régional (cf. chiffres ici,
par région et
par département) et, de ce point de vue là, pour ré-homogénéiser le découpage, il renforce (ou supprime !) les plus 6 ou 7 régions françaises les plus "pauvres" (Franche-Comté, Bourgogne, Auvergne, Basse et Haute Normandie, Champagne-Ardenne, etc.) Les Pays-de-la-Loire subsistent parce qu'ils forment un ensemble "riche" (94 milliards de PIB), qui reste valable même séparé de la Loire-Atlantique (33 milliards). Cependant, restent quelques (gros) problèmes :
- le Limousin, déjà la région la moins "riche" de France (17 milliards de PIB), devient complètement larguée... Auparavant, elle était "seulement" 1,6 fois moins riche que la 2e région la moins "riche" (France-Comté), maintenant, elle sera presque 3 fois moins riche que son prédécesseur dans le classement...
- L'Alsace-Lorraine sont laissées séparées aussi, ce qui est étrange (c'est sans doute pour progresser par étape : d'abord la fusion Haut-Rhin-Bas-Rhin et on verra pour la suite après...).
- Sans parler de la Corse, qui n'a pas fini d'être sous perfusion. Mais proposer une réintégration de la Corse à sa région PACA d'origine (ils ont été séparés en 1970), dans le contexte politique actuelle de la Corse, c'est être certain que ce rapport ne sera jamais appliqué.
De même qu'une proposition de suppression des départements directe, à froid. C'est la meilleure façon d'être certain que le rapport sera enterré, face à la levée de boucliers que cela entraînerait. Le projet veut sans doute y aller, mais sans l'imposer à froid, y aller progressivement, par étapes futures. Effectivement, Pierma,
Citation:
toute réforme administrative risque d'être vécue comme une atteinte identitaire. Les démagos vont s'en donner à coeur joie.
il y a un sentiment identitaire très fort accolé aux territoires, et particulièrement au département, et ce n'est pas une question de démagogie : les populations y sont attachés, sans être nécessairement manipulées par des démago (cf. la "réforme" de la plaque d'immatriculation et le "scandale national" que ça a créé !).